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03/03/2015 | FRANCE | N°14BX02678

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 03 mars 2015, 14BX02678


Vu la requête enregistrée le 5 septembre 2014, présentée pour M. B...D...C...demeurant..., par Me Garcia, avocat ;

M. D...C...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1401658 du 25 août 2014 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 20 août 2014 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi, ensemble l'arrêté du même jour par lequel le préfet

a décidé son placement en rétention administrative pour une durée de cinq jours ;

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Vu la requête enregistrée le 5 septembre 2014, présentée pour M. B...D...C...demeurant..., par Me Garcia, avocat ;

M. D...C...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1401658 du 25 août 2014 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 20 août 2014 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi, ensemble l'arrêté du même jour par lequel le préfet a décidé son placement en rétention administrative pour une durée de cinq jours ;

2°) d'annuler l'obligation de quitter le territoire français sans délai et la décision fixant le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Atlantiques de lui délivrer sous astreinte de 50 euros par jour de retard, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, un titre de séjour ou, à défaut, une autorisation provisoire de séjour après avoir réexaminé sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Bolivie relatif à la suppression de l'obligation de visa de court séjour sous forme d'échange de lettres signées à Paris le 13 septembre 1999 ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le règlement (CE) n° 539/2001 du Conseil du 15 mars 2001 fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des Etats membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation ;

Vu le règlement (CE) n° 1932/2006 du Conseil du 21 décembre 2006 modifiant le règlement (CE) n° 539/2001 fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l'obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des Etats membres et la liste de ceux dont les ressortissants sont exemptés de cette obligation ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée ;

Vu l'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 5 novembre 2014, dans l'affaire C 166/13 ;

Vu l'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 11 décembre 2014, dans l'affaire C 249/13 ;

Vu le code de justice administrative ;

L'affaire ayant été dispensée de conclusions du rapporteur public en application de l'article L 732-1 du code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 février 2015 :

- le rapport de M. Bertrand Riou, président-assesseur ;

1. Considérant que M. D...C..., ressortissant bolivien, né en 1978, serait entré en France en avril 2006 selon ses déclarations ; que, muni d'un passeport dépourvu de visa, il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français jusqu'à son interpellation, le 20 août 2014, par les services de la police aux frontières ; que, le même jour, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a pris à son encontre un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de renvoi ainsi qu'une décision de placement en rétention ; que M. D... C...relève appel du jugement du 25 août 2014 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français sans délai et de la décision désignant le pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

2. Considérant que l'arrêté contesté a été signé par Mme Marie Aubert, secrétaire général de la préfecture des Pyrénées-Atlantiques ; qu'il ressort du recueil spécial des actes administratifs n° 101 publié le 1er août 2014, disponible en particulier sous sa forme électronique, que le préfet des Pyrénées-Atlantiques a donné délégation à MmeA..., par arrêté du 31 juillet 2014, à l'effet de signer " tous arrêtés, décisions, déférés, contrats, circulaires, rapports, documents et correspondances relevant des attributions de l'Etat dans le département des Pyrénées-Atlantiques (...), à l'exception : des pouvoirs de réquisitions prévues par le code de la défense (article L. 1111-2 et R. 2211-1), de la réquisition des comptables publics, des déclinatoires de compétence et des arrêtés d'élévation de conflit " ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte doit être écarté ;

3. Considérant que la décision contestée vise les textes dont elle fait application et rappelle les conditions de l'entrée et du maintien irrégulier de M. D...C...sur le territoire français ; qu'elle énonce ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que cette décision est, par suite, suffisamment motivée alors même qu'elle ne comporterait pas certaines références à la situation personnelle et familiale du requérant ;

4. Considérant que, contrairement à ce que soutient le requérant, cette motivation établit que le préfet s'est livré à un examen particulier de sa situation personnelle ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. " ;

6. Considérant qu'il ressort des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français ; que, dès lors, l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaîtrait l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 doit être écarté comme inopérant ;

7. Considérant que M. D...C...soutient que le préfet aurait dû solliciter ses observations sur l'obligation de quitter le territoire français qu'il s'apprêtait à prendre et se prévaut à l'appui de ce moyen des stipulations de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

8. Considérant que le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour doit être interprété non pas en ce sens que l'autorité nationale serait tenue de prévenir le ressortissant de pays tiers en séjour irrégulier, préalablement à l'audition organisée en vue de ladite adoption, de ce qu'elle envisage d'adopter à son égard une décision de retour, de lui communiquer les éléments sur lesquels elle entend fonder celle-ci ou encore de lui laisser un délai de réflexion avant de recueillir ses observations, mais en ce sens que ce ressortissant doit avoir la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue au sujet de l'irrégularité de son séjour et des motifs pouvant justifier, en vertu du droit national, que la même autorité s'abstienne de prendre une décision de retour ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal d'audition signé par M. D...C..., qu'il a été entendu par les services de la police aux frontières le 20 août 2014, en particulier en ce qui concerne son âge, sa nationalité, sa situation de famille, les raisons et conditions de son entrée en France, ses conditions d'hébergement et son retour en Bolivie ; que l'intéressé a eu ainsi la possibilité, au cours de cet entretien, de faire connaître toutes observations utiles ; qu'il n'ignorait pas qu'il séjournait irrégulièrement en France et qu'il était susceptible de faire l'objet d'une décision de retour ; qu'il a, en particulier, été entendu sur les modalités de celui-ci ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait le principe général du droit d'être entendu qui est au nombre des principes fondamentaux du droit de l'Union européenne, doit être écarté ;

10. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique et au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que, pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine ;

11. Considérant que M. D...C...soutient résider en France depuis 2006 ; que, toutefois, les pièces qu'il produit à l'appui de cette allégation ne permettent pas d'établir la durée de son séjour sur le sol national ; qu'il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français sans démontrer qu'il aurait tenté de régulariser sa situation administrative ; qu'il ne justifie pas d'une insertion particulière dans la société française ; qu'il est constant qu'il est célibataire et sans enfant ; qu'il n'établit ni même n'allègue être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu l'essentiel de son existence ; qu'ainsi, compte tenu des conditions de son séjour sur le territoire national, la décision attaquée n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et ne peut donc être regardée comme méconnaissant les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne le refus d'accorder un délai de départ volontaire :

12. Considérant que la décision contestée vise les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne qu'il existe un risque que M. D...C...se soustraie à la mesure d'éloignement dès lors, en particulier, qu'il " n'apporte pas la preuve d'une entrée régulière en France, où, en tout état de cause, il n'a jamais accompli de démarches aux fins de régularisation de sa situation ", " qu'il s'est maintenu sur le territoire français plus de trois mois depuis son entrée sans être titulaire d'un premier titre de séjour (...) " et " qu'il n'offre aucune garantie de représentation " ; qu'ainsi, le préfet a entendu faire référence aux dispositions des a), b) et f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du même code ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de base légale de la décision supprimant le délai de départ volontaire doit être écarté ; que M. D...C...n'est pas davantage fondé à soutenir que la même décision serait entachée d'un défaut de motivation ;

13. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, en particulier des mentions que contient l'arrêté attaqué, que le préfet se serait abstenu d'examiner l'ensemble de la situation de M. D...C...avant de prendre la décision litigieuse ;

14. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. - (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) : 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être régulièrement entré sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) ; f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, 1L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. " ; que les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur lesquelles le préfet s'est fondé pour refuser d'accorder un délai de départ volontaire à M. D...C..., s'appuient, pour caractériser le "risque de fuite", sur des critères objectifs et précis ;

15. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. D...C...ne peut justifier d'une entrée régulière sur le territoire national ; qu'il a vécu en France sans avoir sollicité la régularisation de sa situation administrative depuis son entrée sur le sol national ; qu'il ne justifie, ni même n'allègue disposer d'un domicile à son nom ; que s'il fait valoir qu'il réside chez des amis, les deux seules attestations qu'il produit ne permettent pas de justifier d'un hébergement stable et, par suite, de garanties de représentation suffisantes ; qu'il se trouvait ainsi dans les cas décrits au a), b) et f) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut présumer l'existence d'un risque de fuite ; que l'intéressé ne fait pas état d'éléments de nature à renverser cette présomption ; qu'ainsi, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a pu légalement refuser de lui accorder un délai de départ volontaire ;

16. Considérant que si le requérant soutient que la décision contestée méconnaît les dispositions de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008, cette directive a été entièrement transposée en droit interne par la loi du 16 juin 2011 ; qu'ainsi, M. D...C...ne saurait s'en prévaloir directement ;

17. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. D...C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions contestées ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

18. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par le requérant, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par le requérant au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D...C...est rejetée.

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N°14BX02678


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX02678
Date de la décision : 03/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Bertrand RIOU
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : GARCIA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-03-03;14bx02678 ?
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