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17/02/2015 | FRANCE | N°14BX01989

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 17 février 2015, 14BX01989


Vu la requête, enregistrée le 4 juillet 2014, présentée pour M. B... A..., demeurant au..., par la Selarl Etienne Noel ;

M. A...demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1300680 du 23 juin 2014 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une provision de 10 150 euros en réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi du fait de ses conditions de détention au centre pénitentiaire de Ducos ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat, à titre

de provision, la somme de 13 300 euros en réparation dudit préjudice ;

3°) de mettr...

Vu la requête, enregistrée le 4 juillet 2014, présentée pour M. B... A..., demeurant au..., par la Selarl Etienne Noel ;

M. A...demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1300680 du 23 juin 2014 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une provision de 10 150 euros en réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi du fait de ses conditions de détention au centre pénitentiaire de Ducos ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat, à titre de provision, la somme de 13 300 euros en réparation dudit préjudice ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

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Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 janvier 2015 :

- le rapport de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, premier conseiller,

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public ;

- les observations de Me Noel, avocat de M.A... ;

1. Considérant que M. A...relève appel de l'ordonnance du 23 juin 2014 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une provision de 10 150 euros, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de ses conditions de détention au centre pénitentiaire de Ducos ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. " ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; qu'il en résulte, comme en dispose l'article 22 de la loi du 24 novembre 2009, que tout prisonnier a droit à être détenu dans des conditions conformes à la dignité humaine, de sorte que les modalités d'exécution des mesures prises ne le soumettent pas à une épreuve qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention ; qu'en raison de la situation d'entière dépendance des personnes détenues vis-à-vis de l'administration pénitentiaire, l'appréciation du caractère attentatoire à la dignité des conditions de détention dépend notamment de leur vulnérabilité, appréciée compte tenu de leur âge, de leur état de santé, de leur handicap et de leur personnalité, ainsi que de la nature et de la durée des manquements constatés et des motifs susceptibles de justifier ces manquements eu égard aux exigences qu'impliquent le maintien de la sécurité et du bon ordre dans les établissements pénitentiaires, la prévention de la récidive et la protection de l'intérêt des victimes ; que des conditions de détention qui porteraient atteinte à la dignité humaine, appréciées à l'aune de ces critères et à la lumière des dispositions du code de procédure pénale, notamment des articles D. 349 à D. 351, révèleraient l'existence d'une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique ;

4. Considérant que M. A...est incarcéré au centre pénitentiaire de Ducos depuis le 19 mai 2011 ; qu'il résulte de l'instruction, en particulier de la liste des cellules occupées par le requérant jusqu'au 20 décembre 2013, que, pendant des périodes représentant un total d'environ 26 mois sur ces 31 mois d'incarcération, il a partagé tantôt une cellule de 9 m² comportant deux lits avec deux autres détenus, ce qui nécessitait la pose d'un matelas sur le sol rendant difficile la circulation des détenus, tantôt une cellule de 12,80 m² avec trois autres détenus, voire avec quatre ; que les inconvénients résultant de cette promiscuité ont été aggravées par le fait que les toilettes situées dans ces cellules avaient pour seule séparation un rideau n'offrant aucune intimité réelle, sans qu'il soit établi que des motifs de sécurité faisaient obstacle à toute autre solution ; que, toutefois, il doit être tenu compte de ce que, du 17 décembre 2012 au 31 juillet 2013, M. A...a bénéficié, en plus des promenades journalières, d'une formation en vue de la préparation du baccalauréat qui lui a permis de passer plus de temps en dehors de sa cellule ; que le requérant doit ainsi être regardé comme ayant subi, pendant une durée totale qui peut être évaluée à vingt mois, des conditions de détention qui s'analysent en un traitement dégradant au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la cour ne dispose pas en revanche d'éléments suffisamment précis relatifs à ses conditions de détention pendant la période postérieure au 20 décembre 2013 ; que, par suite, la créance dont se prévaut M. A... ne peut être regardée comme non sérieusement contestable que dans la mesure où elle se rapporte à la période antérieure au 20 décembre 2013 ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de fixer à 4 000 euros la provision qui doit lui être allouée de ce chef ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté sa demande de provision ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 200 euros à Me Noel, avocat de M. A..., sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Fort-de-France est annulée.

Article 2 : L'Etat versera à M. A...une provision de 4 000 euros.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 200 euros à Me Noel en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle.

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N° 14BX01989


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX01989
Date de la décision : 17/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Frédérique MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : SELARL ETIENNE NOEL

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-02-17;14bx01989 ?
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