La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/02/2015 | FRANCE | N°14BX02356

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 10 février 2015, 14BX02356


Vu la décision n° 364176 du 23 juillet 2014 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux, d'une part, a annulé l'article 3 de l'arrêt n° 11BX01483 du 2 octobre 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a, après avoir fait droit partiellement à la requête de Mme A...tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 425 203 euros en réparation des préjudices résultant du refus illégal de la réintégrer dans son corps d'origine, a rejeté le surplus des conclusions d'appel de Mme A...et, d'autre part, a renvoyé, dans cette mesure, l'affaire de

vant la même cour ;

Vu l'arrêt n°11BX01483 de la cour administra...

Vu la décision n° 364176 du 23 juillet 2014 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux, d'une part, a annulé l'article 3 de l'arrêt n° 11BX01483 du 2 octobre 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a, après avoir fait droit partiellement à la requête de Mme A...tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 425 203 euros en réparation des préjudices résultant du refus illégal de la réintégrer dans son corps d'origine, a rejeté le surplus des conclusions d'appel de Mme A...et, d'autre part, a renvoyé, dans cette mesure, l'affaire devant la même cour ;

Vu l'arrêt n°11BX01483 de la cour administrative d'appel de Bordeaux en date du 2 octobre 2012 ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 novembre 2014, présenté pour MmeA..., par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ainsi qu'au rejet de l'appel incident du ministre et à ce que la somme mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative soit portée à 4 000 euros ;

------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 janvier 2015 :

- le rapport de Mme Florence Madelaigue, premier conseiller ;

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;

1. Considérant que MmeA..., recrutée à compter du 15 août 1973 en qualité d'agent contractuel afin d'assurer le gardiennage de l'école nationale d'aviation civile, a été titularisée le 26 décembre 1985 puis intégrée dans le corps des agents des services techniques de l'aviation civile ; que, placée à sa demande en disponibilité pour convenances personnelles du 1er septembre 1986 jusqu'au 1er septembre 1992 puis, à compter de cette date en disponibilité régulièrement renouvelée pour suivre son conjoint, elle a sollicité à plusieurs reprises sa réintégration à compter du mois de février 1998 ; que, par un jugement du 26 avril 2011, le tribunal administratif de Toulouse a considéré que l'Etat avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité à l'encontre de Mme A...en ne la réintégrant pas à compter du mois de février 1998, a condamné l'Etat à verser à Mme A...une somme de 2 000 euros au titre du préjudice moral et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ; que, par un arrêt du 2 octobre 2012, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, après avoir décidé que l'indemnité de 2 000 euros que l'Etat a été condamné à verser à Mme A...portera intérêts à compter du 18 avril 2008 et que les intérêts échus le 20 juin 2011 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts, rejeté dans l'article 3 de son arrêt, le surplus des conclusions de la requête de Mme A...et l'appel incident du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement ; que, par une décision du 23 juillet 2014, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, a annulé l'article 3 de l'arrêt du 2 octobre 2012 en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions d'appel de Mme A...et a renvoyé l'affaire devant la cour pour qu'il y soit statué dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 613-2 du code de justice administrative : "Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 613-3 du code de justice administrative : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'instruction écrite est normalement close dans les conditions fixées par l'article R. 613-1 ou bien, à défaut d'ordonnance de clôture, dans les conditions fixées par l'article R. 613-2 ; que, toutefois, lorsque, postérieurement à cette clôture, le juge est saisi d'un mémoire émanant de l'une des parties à l'instance, et conformément au principe selon lequel, devant les juridictions administratives, le juge dirige l'instruction, il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de ce mémoire avant de rendre sa décision, ainsi que de le viser sans l'analyser ; que, s'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans le mémoire nouveau, il n'est tenu de le faire à peine d'irrégularité de sa décision que si ce mémoire contient soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office ;

3. Considérant que Mme A...a produit un mémoire en réplique, visé par le jugement, enregistré au greffe du tribunal le 21 mars 2011, postérieurement à la clôture de l'instruction, intervenue trois jours francs avant l'audience du 24 mars 2011, ainsi qu'une note en délibéré devant le tribunal administratif le 28 mars 2011, également visée dans le jugement ; que ce mémoire et la note en délibéré ne contenaient ni élément de fait nouveau dont il ne pouvait être fait état plus tôt ni circonstance de droit nouvelle ou que le juge aurait dû relever d'office ; que par suite, et en tout état de cause, en ne décidant pas, à la réception de ce mémoire et de cette note en délibéré, de rouvrir l'instruction, le tribunal administratif n'a entaché son jugement d'aucune irrégularité ;

Sur les préjudices :

4. Considérant que la faute commise par l'Etat en ne réintégrant pas Mme A...à compter du mois de février 1998 dans son corps d'origine n'ouvre droit à indemnité à son profit que dans la mesure où elle justifie de préjudices directs et certains ;

5. Considérant que si MmeA... ne peut prétendre, en l'absence de service fait, au paiement des rémunérations dont elle a été privée, elle est toutefois fondée à demander la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice financier qu'elle a subi du fait du refus illégal de réintégration ; qu'à ce titre, elle a droit à la réparation du préjudice qu'elle a subi pour la période, non contestée par le ministre, du 1er septembre 1998, date à laquelle elle aurait pu prétendre à une réintégration jusqu'à la date du 1er octobre 2004, date à laquelle elle a été admise à la retraite ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment des pièces produites pour la première fois par Mme A...en appel, qu'elle a perçu pendant cette période des revenus s'élevant à la somme de 53 164 euros et que les traitements qu'elle aurait perçus si elle avait été réintégrée à compter du 1er septembre 1998 jusqu'au 1er octobre 2004, y compris les avancements d'échelons dont elle aurait pu bénéficier en sa qualité d'agent des services techniques de l'aviation civile, 2ème classe, ainsi que les primes et indemnités dont elle avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, s'élèvent selon le ministre à environ 82 000 euros ; qu'ainsi, Mme A...est fondée à soutenir qu'elle a subi un préjudice financier du fait du refus illégal de réintégration ; qu'il sera fait une exacte évaluation de ce préjudice en accordant à Mme A...au titre du préjudice financier, une somme de 28 836 euros ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a rejeté les conclusions de Mme A...tendant à l'indemnisation de ce chef de préjudice ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que si Mme A...soutient que le refus de l'administration de la réintégrer l'a contrainte à exercer un métier éprouvant dans une laverie qui a entrainé une dégradation de son état de santé, elle n'établit pas le lien de causalité entre la pénibilité de l'emploi occupé et les pathologies dont elle souffre avec la faute de l'Etat résultant de l'absence de réintégration ; que, par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif a rejeté les conclusions indemnitaires de Mme A...au titre des troubles dans les conditions d'existence;

7. Considérant, en troisième lieu, que Mme A...qui demande que le préjudice moral lié à la situation d'incertitude dans laquelle elle s'est trouvée en l'absence de réintégration soit porté à 15 000 euros, n'établit pas que le tribunal administratif se soit livré à une appréciation insuffisante de ce chef de préjudice en le fixant à la somme de 2 000 euros ;

8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 4 du code des pensions civiles et militaires de retraite alors applicable : " Le droit à la pension est acquis :1° Aux fonctionnaires après quinze années accomplies de services civils et militaires effectifs ;( ...) " ; qu'aux termes de l'article L. 5 du code des pensions civiles et militaires en son dernier alinéa : "(...) Peuvent (...) être pris en compte pour la constitution du droit à pension les services d'auxiliaire, de temporaire, d'aide ou de contractuel (...) accomplis dans les administrations centrales de l'Etat, les services extérieurs en dépendant et les établissements publics de l'Etat ne présentant pas un caractère industriel ou commercial, si la validation des services de cette nature a été autorisée pour cette administration par un arrêté conjoint du ministre intéressé et du ministre des finances et si elle est demandée avant la radiation des cadres. "; qu'aux termes des dispositions de l'article R. 7 du même code : " Dans chaque ministère, des arrêtés conjoints du ministre intéressé, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé des finances déterminent la nature et le point de départ des services susceptibles d'être validés pour la retraite en application de l'article 5 " ; qu'il résulte de ces dispositions que la possibilité pour les fonctionnaires de faire valider, pour la constitution du droit à pension, les services qu'ils ont accomplis en qualité d'auxiliaire, de temporaire, d'aide ou de contractuel est subordonnée à l'intervention d'un arrêté interministériel ;

9. Considérant que Mme A... soutient que le refus fautif de la réintégrer dans son corps d'origine a eu pour effet d'empêcher la finalisation de la validation de services effectuées en tant qu'auxiliaire l'empêchant de procéder au rachat des années concernées et ainsi, de bénéficier du régime de retraite civile des fonctionnaires ; que toutefois, d'une part, le refus de réintégration ne l'empêchait pas de demander la validation des services effectués en qualité d'auxiliaire et d'engager la procédure de rachat de ses années d'exercice en cette qualité susceptibles d'être prises en compte pour la constitution de ses droits à pension ; que d'autre part, le ministre indique qu'aucun arrêté ministériel n'est intervenu pour autoriser la validation des services de la nature de ceux que Mme A...a effectués comme auxiliaire du 13 août 1973 au 31 décembre 1984 au sein de l'Ecole nationale de l'aviation civile, établissement public administratif qui ne peut être assimilé à un service extérieur de la direction générale de l'aviation civile ; qu'ainsi, l'ancienneté de Mme A...en qualité de fonctionnaire titulaire ne s'élevait au plus qu'à une année et huit mois de services effectifs ; que par suite c'est à juste titre que le tribunal administratif a estimé que, dès lors qu'elle n'aurait pu, même si elle avait fait l'objet d'une réintégration dès 1998, totaliser les quinze années de service requises pour pouvoir bénéficier d'une pension civile de l'Etat, Mme A...n'était pas fondée à demander une indemnisation à ce titre ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a limité à 2 000 euros le montant de l'indemnité que l'Etat a été condamné à lui verser et de porter à 30 836 euros cette indemnité ; qu'il y a lieu de réformer le jugement dans cette mesure ;

Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

11. Considérant, d'une part, que Mme A...a droit à compter du 18 avril 2008, date de réception de sa demande préalable par l'administration, aux intérêts au taux légal qu'elle demande pour la première fois en appel, de la somme que l'Etat a été condamné à lui payer ;

12. Considérant, d'autre part, que Mme A...a demandé la capitalisation des intérêts par un mémoire présenté le 20 juin 2011 au greffe de la cour ; qu'à cette date les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; qu'il y a lieu dès lors de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A...et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : L'indemnité que l'Etat a été condamné à verser à MmeA..., par le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 26 avril 2011 est portée de 2 000 euros à 30 836 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2008. Les intérêts échus le 20 juin 2011 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 26 avril 2011 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme A...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A...est rejeté.

''

''

''

''

2

No 14BX02356


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX02356
Date de la décision : 10/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-02-01 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Disponibilité. Réintégration.


Composition du Tribunal
Président : M. PEANO
Rapporteur ?: Mme Florence MADELAIGUE
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : H et G AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-02-10;14bx02356 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award