Vu la requête enregistrée le 28 mai 2014 sous forme de télécopie, régularisée par courrier le 2 juin suivant, présentée pour M. A...B...demeurant..., par Me C...;
M. B...demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1400686 du 29 avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 6 janvier 2014 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer une carte de séjour temporaire, sous astreinte de 80 euros par jour de retard passé le délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé ;
- les décisions portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination sont entachées d'un défaut de motivation, ce qui révèle un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;
- le refus de séjour a été pris en méconnaissance de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il est inscrit à l'université de sociologie de Bordeaux et qu'il justifie de moyens d'existence suffisants pour financer ses études ;
- un titre de séjour aurait dû lui être délivré sur le fondement de l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; en effet, il est actuellement le père d'une enfant à l'entretien et à l'éducation de laquelle il participe ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en édictant la mesure d'éloignement ; il a désormais le centre de ses intérêts privés et familiaux en France où il vit avec une ressortissante française, enceinte de leur enfant ;
- cette décision méconnaît également les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où il sera père d'un enfant français à la date de l'examen de sa requête d'appel ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale ; il se retrouvera seul et sans aucun soutien dans son pays d'origine ;
Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 août 2014, présenté par le préfet de la Gironde qui conclut au rejet de la requête ;
Le préfet soutient que :
- son arrêté est suffisamment motivé ;
- M. B...ne remplit pas les critères requis pour obtenir le renouvellement de son titre de séjour ;
- la présence en France de l'intéressé et sa relation avec sa compagne sont récents ; en conséquence, la mesure d'éloignement ne porte pas une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- la méconnaissance de l'article L. 313-11 6° ne peut être invoquée, l'enfant de M. B... n'étant pas encore né à la date de la décision contestée ; de plus, ce moyen constitue une demande nouvelle ;
Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 12 juin 2014 admettant M. B...à l'aide juridictionnelle totale ;
Vu l'ordonnance fixant la clôture de l'instruction au 15 septembre 2014 à 12 h ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
Vu le code de justice administrative ;
L'affaire ayant été dispensée de conclusions du rapporteur public en application de l'article L 732-1 du code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 janvier 2015 :
- le rapport de M. Bertrand Riou, président-assesseur ;
- les observations de Me Saulnier, avocat de M.B... ;
1. Considérant que M.B..., ressortissant capverdien né en 1990, est entré en France le 21 septembre 2009 muni d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant " ; que plusieurs titres de séjour portant la mention " étudiant " lui ont été ensuite délivrés, dont le dernier était valable du 15 octobre 2012 au 14 octobre 2013 ; que, par un arrêté du 6 janvier 2014, le préfet de la Gironde a refusé de renouveler son titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de renvoi ; qu'il relève appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 29 avril 2014 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire :
2. Considérant que par une décision du 12 juin 2014, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé à M. B...le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, ses conclusions tendant à ce que l'aide juridictionnelle lui soit accordée à titre provisoire sont devenues sans objet ;
Sur la régularité du jugement :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ; qu'il résulte de l'examen du jugement attaqué qu'il précise les motifs de droit et de fait justifiant le rejet de la demande présentée par M. B...sur le fondement de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que les premiers juges ont ainsi relevé que l'intéressé était inscrit pour la cinquième année consécutive en première année de sociologie et n'avait obtenu aucun diplôme depuis son arrivée en France ; que, dans ces circonstances, ils ont considéré que la décision de refus de renouvellement du titre de séjour sollicité n'était pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que, dès lors, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de ce jugement manque en fait ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :
4. Considérant que l'arrêté attaqué, qui n'avait pas à reprendre en détail les données propres à la situation personnelle de M.B..., énonce de manière suffisamment précise, au regard de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, les éléments de droit comme de fait qui fondent les décisions de refus de séjour, d'obligation de quitter le territoire français et de fixation du pays de renvoi en litige ; que, dès lors, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, le préfet a suffisamment motivé son arrêté ;
5. Considérant qu'il résulte des termes mêmes de l'arrêté attaqué et des pièces du dossier que le préfet de la Gironde a examiné l'ensemble de la situation personnelle de M. B... ;
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention " étudiant ". En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée et sous réserve d'une entrée régulière en France (...) " ; qu'il appartient au préfet, saisi d'une demande de renouvellement d'un titre de séjour délivré sur le fondement de ces dispositions, de s'assurer du caractère réel et sérieux des études poursuivies par l'intéressé ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et qu'il n'est pas contesté, que M. B... est inscrit sans succès pour la cinquième fois en première année de licence de sociologie à l'université Segalen de Bordeaux ; que le requérant fait valoir que le bon déroulement de ses études a été perturbé par la précarité de sa situation, l'obligeant à travailler, due au retrait de la bourse qui lui aurait été initialement allouée pour suivre des études de médecine et au désengagement financier de ses parents suite à son changement d'orientation en sociologie ; que, toutefois, de telles circonstances, d'ailleurs non établies, ne peuvent justifier ses échecs universitaires répétés ; que, dans ces conditions, c'est sans méconnaître les dispositions précitées que le préfet de la Gironde a refusé de renouveler le titre de séjour du requérant au motif qu'il ne justifiait pas du suivi sérieux et de la réalité de ses études ;
8. Considérant que si M. B...se prévaut en appel des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elles ne lui sont pas applicables dès lors que la naissance de son enfant n'était pas intervenue à la date de la décision contestée ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
9. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
10. Considérant que M. B...soutient être entré sur le sol national en septembre 2009 en vue d'y poursuivre des études, en raison de son vif intérêt pour la culture française, que le centre de sa vie privée, professionnelle et familiale se trouve désormais en France, dont il maîtrise la langue, qu'il vit avec sa compagne, enceinte, de nationalité française et qu'il n'a plus aucun contact avec ses parents restés au Cap Vert ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que les liens créés entre l'intéressé et sa compagne présentent un caractère récent ; que la naissance de leur enfant est prévue postérieurement à la date de l'arrêté attaqué ; qu'il ne démontre pas être dépourvu de tout lien personnel ou familial dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de dix-neuf ans ; qu'eu égard aux conditions de séjour en France de l'intéressé, la décision de refus en litige n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'ainsi, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits et de l'homme et des libertés fondamentales ;
11. Considérant que la légalité d'une décision administrative s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise ; que, dans ces conditions, M. B...dont l'enfant n'était pas né à la date de la mesure d'éloignement ne peut, en tout état de cause, invoquer le bénéfice des dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
12. Considérant que si M. B...soutient qu'il serait " isolé et sans ressource " en cas de retour dans son pays d'origine, il n'apporte, en tout état de cause, aucun élément probant à l'appui de ses allégations ;
13. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral attaqué ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
14. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par le requérant, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent être accueillies ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. B...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 6 janvier 2015, à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président de chambre,
M. Bertrand Riou, président assesseur,
Mme Marie-Thérèse Lacau, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 3 février 2015
Le rapporteur,
Bertrand RIOULe président,
Aymard de MALAFOSSE Le greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Virginie MARTY
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N°14BX01622