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05/01/2015 | FRANCE | N°14BX02043

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 05 janvier 2015, 14BX02043


Vu la requête enregistrée le 4 juillet 2014, présentée par le préfet des Hautes-Pyrénées ;

Le préfet des Hautes-Pyrénées demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400455 du 3 juin 2014 du tribunal administratif de Pau qui a, d'une part, annulé son arrêté du 27 décembre 2013 refusant de délivrer un titre de séjour à M. B... A..., faisant obligation à ce dernier de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi, d'autre part, lui a enjoint de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois, et enfin

, mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser au conseil de M. A... ...

Vu la requête enregistrée le 4 juillet 2014, présentée par le préfet des Hautes-Pyrénées ;

Le préfet des Hautes-Pyrénées demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400455 du 3 juin 2014 du tribunal administratif de Pau qui a, d'une part, annulé son arrêté du 27 décembre 2013 refusant de délivrer un titre de séjour à M. B... A..., faisant obligation à ce dernier de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi, d'autre part, lui a enjoint de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois, et enfin, mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser au conseil de M. A... au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

2°) de rejeter la demande de M.A... ;

Il soutient que :

- la décision de refus de séjour est parfaitement motivée tant en fait qu'en droit dès lors que la demande de M. A...ne pouvait être regardée que comme présentée au titre de l'admission exceptionnelle au séjour et non au titre du séjour en qualité d'étudiant, dès lors qu'il ne justifiait d'aucun visa long séjour en cette qualité ;

- la circonstance qu'il était boursier de l'Etat français est sans incidence sur son droit au séjour, la bourse dont il bénéficie étant attribuée sur la base de critères sociaux ;

- il a procédé à une appréciation pleine et complète de la situation de l'intéressé en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la circulaire du 28 novembre 2012 ;

- M. A...est arrivé en France le 25 septembre 2010, soit dans sa dix-septième année, et non à seize ans et ne peut donc se prévaloir d'une scolarisation depuis au moins l'âge de seize ans ; il n'a pas, non plus, été placé auprès du service de l'aide sociale à l'enfance et ne fait l'objet d'aucune mesure de protection tutélaire dès lors qu'il n'est pas un mineur isolé ;

- la circulaire ne va pas au-delà de l'article L. 313-15 du code qui prévoit une attribution dans le cadre d'une régularisation d'un titre de séjour au titre du travail pour un jeune placé à l'aide sociale à l'enfance ; M. A...n'a pas sollicité de titre en qualité de salarié ou de travailleur temporaire ;

- la décision du 3 février 2014 ne constitue qu'un octroi d'un secours financier de 200 euros pour le mois de février 2014 ;

- il ressort de la lecture de l'arrêté contesté qu'il a bien pris en compte la circulaire, même si celle-ci n'y est pas mentionnée ;

- M. A...ne justifie pas de circonstances humanitaires ou exceptionnelles ;

- son père se trouve également en situation irrégulière ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 10 novembre 2014, présenté pour M. A..., par Me Moura, qui conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet des Hautes-Pyrénées de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire de se prononcer à nouveau sur sa demande, dans un délai d'un mois, et à ce qu'une somme de 1 200 euros à verser à conseil soit mise à la charge de l'Etat au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il fait valoir que :

- l'arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente ;

- la motivation de l'arrêté est stéréotypée dès lors qu'il ne mentionne pas sa demande en qualité d'étudiant ni l'annulation du précédent refus de séjour ;

- cette motivation révèle une absence d'examen de sa situation personnelle ;

- l'arrêté sous-entend que l'article L. 313-7 du code n'avait pas à être appliqué ;

- la première demande formulée en qualité d'étudiant n'a toujours pas été traitée, et c'est donc artificiellement que le préfet s'est uniquement référé à sa demande d'admission exceptionnelle déposée le 27 novembre 2013 ;

- le préfet s'est cru en situation de compétence liée quant à l'application de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté a été pris en méconnaissance des articles R. 741-2 dernier alinéa, L. 742-3, R. 733-20 et R. 213-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la préfecture avait connaissance du recours qu'il avait formé à l'encontre du premier arrêté du 30 septembre 2013 et devait donc attendre la décision du tribunal administratif en attendant de statuer sur sa situation ;

- la circulaire évoque la possibilité de délivrer un titre de séjour " étudiant " au jeune majeur qui est scolarisé depuis au moins l'âge de seize ans et pris en charge par l'aide sociale à l'enfance, ce qui est son cas ;

- il a conclu un contrat jeune majeur le 25 juillet 2013 avec le conseil général des Hautes-Pyrénées et devait subir les épreuves du CAP "couverture" en juin 2014 ;

- le préfet a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation dès lors qu'il est boursier du gouvernement français ;

- son droit à être entendu préalablement à la mesure d'éloignement, garanti par l'article 41 de la Charte européenne des droits fondamentaux, a été méconnu ;

- la décision d'éloignement est illégale dès lors que le refus de titre est lui-même illégal ;

- la décision fixant le pays de destination a méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il justifie, par son récit, des problèmes et des persécutions auxquels il a été confronté avec sa famille en Tchétchénie et au Daghestan ;

Vu le mémoire complémentaire enregistré le 27 novembre 2014, présenté par le préfet des Hautes-Pyrénées, qui conclut aux mêmes fins que la requête ;

Il ajoute que :

- le signataire de l'arrêté disposait d'une délégation régulière ;

- les dispositions de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux demandes d'asile ne concernent pas la décision faisant l'objet du présent contentieux ;

- le requérant n'a pas été privé de son droit d'être entendu prévu par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu l'ordonnance fixant la clôture de l'instruction au 27 novembre 2014 ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 2 octobre 2014 admettant M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 décembre 2014 :

- le rapport de M. Philippe Delvolvé, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public ;

1. Considérant que M.A..., de nationalité russe, est entré irrégulièrement en France le 25 septembre 2010 et a sollicité l'asile dès le 30 septembre suivant ; que l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides a rejeté sa demande le 7 avril 2011, dont la Cour nationale du droit d'asile a confirmé le bien-fondé par un arrêt du 24 juin 2013 ; qu'il a fait l'objet d'un refus de titre de séjour le 30 septembre 2013, ainsi que d'une obligation de quitter le territoire français ; que ces décisions ont été annulées par le tribunal administratif de Pau par un jugement devenu définitif en date du 18 février 2014 ; que M. A... a déposé une nouvelle demande de titre de séjour en qualité d'étudiant le 27 novembre 2013 qui a été rejetée par un arrêté du 27 décembre 2013 du préfet des Hautes-Pyrénées portant également obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de renvoi ; que M. A... fait appel du jugement du 3 juin 2014 du tribunal administratif de Pau qui a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de prendre une nouvelle décision dans le délai de deux mois et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, et du droit d'asile : " I.-La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention "étudiant". En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée et sous réserve d'une entrée régulière en France. (...) II (...) la carte mentionnée au I est accordée de plein droit : (...) 3° A l'étranger boursier du Gouvernement français ; (...) ; " ;

3. Considérant que les premiers juges ont estimé que M. A..., titulaire depuis le 3 septembre 2013 d'une bourse du ministère de l'éducation nationale, entrait dans le champ d'application des dispositions du II de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant de bénéficier de plein droit d'une carte de séjour portant la mention " étudiant " ; que, toutefois, les bourses du Gouvernement français au sens de ces dispositions sont des bourses allouées par le ministère des affaires étrangères pour des études, stages ou séjours linguistiques en France, et ne recouvrent pas les bourses octroyées sur critères sociaux par le ministère de l'enseignement de l'éducation nationale, telle que celle dont bénéficiait M. A...; que, dès lors, le tribunal administratif ne pouvait, en tout état de cause, pas faire application de ces dispositions pour juger que le refus de titre de séjour opposé à l'intéressé était, pour ce motif, entaché d'erreur de droit ;

4. Considérant que l'arrêté du 27 décembre 2013 mentionne que M. A... a présenté le 27 novembre 2013 une demande d'admission exceptionnelle au séjour ; que le préfet des Hautes-Pyrénées reconnaît cependant dans ses écritures, que la demande de titre de séjour présentée ce jour-là par l'intéressé l'était en qualité d'étudiant ; que cette demande devait donc être regardée comme fondée sur les dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la circonstance que l'intéressé ne justifiait pas d'un visa de long séjour ne dispensait en tout état de cause pas le préfet de statuer sur une telle demande ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de la motivation de l'arrêté en litige, qui ne fait pas état d'une demande de titre de séjour en qualité d'étudiant et ne comporte aucune référence aux dispositions précitées de l'article L 313-7, que le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de la situation de M. A...sur le fondement de ces dispositions ; que c'est dès lors à bon droit que les premiers juges ont pu estimer sur ce point que l'arrêté en litige était entaché d'un défaut de motivation et d'une erreur de droit ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet des Hautes-Pyrénées n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a annulé, pour ce dernier motif, son arrêté du 27 décembre 2013 et lui a enjoint de réexaminer la situation de M.A... ;

Sur les conclusions incidentes aux fins d'injonction présentées par M. A...:

6. Considérant que l'annulation, confirmé par le présent arrêt, de l'arrêté du 27 décembre 2013 n'implique pas nécessairement la délivrance d'un titre de séjour à M. A..., ainsi que l'ont estimé les premiers juges qui ont seulement enjoint au préfet des Hautes-Pyrénées de procéder au réexamen de la situation personnelle de l'intéressé ; que, par suite, les conclusions présentées par ce dernier tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre portant la mention étudiant ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

7. Considérant que M.A... bénéficie de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser Me Moura, avocat M.A..., sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;

DECIDE

Article 1er : La requête du préfet des Hautes-Pyrénées et les conclusions incidentes de M. A... sont rejetées.

Article 2 : L'Etat versera à Me Moura, avocat de M.A..., la somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B...A.... Copie en sera transmise au préfet des Hautes-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 8 décembre 2014 à laquelle siégeaient :

M. Bernard Chemin, président,

M. Jean-Louis Joecklé, président-assesseur,

M. Philipe Delvolvé, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 5 janvier 2015.

Le rapporteur,

Philippe Delvolvé

Le président,

Bernard Chemin

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier

Cindy Virin

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No14BX02043


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX02043
Date de la décision : 05/01/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Enseignement et recherche - Questions propres aux différentes catégories d'enseignement - Enseignement supérieur et grandes écoles - Statut des étudiants - Bourses.

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. CHEMIN
Rapporteur ?: M. Philippe DELVOLVÉ
Rapporteur public ?: M. BENTOLILA
Avocat(s) : MOURA

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-01-05;14bx02043 ?
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