La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/01/2015 | FRANCE | N°13BX00206

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 05 janvier 2015, 13BX00206


Vu la requête enregistrée le 21 janvier 2013, présentée pour Mme D...B..., épouseC..., demeurant..., par MeA... ;

Mme C...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101432 du 22 novembre 2010 du tribunal administratif de Pau en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser les sommes de 29 520 euros à titre d'arriérés de salaires, de 47 323 euros au titre du préjudice économique, de 7 313,99 euros à titre d'indemnité de licenciement et de 25 695 euros au titre de la perte de ses droits à la retraite, en raiso

n de l'absence de mesure de licenciement la concernant malgré son inaptitude c...

Vu la requête enregistrée le 21 janvier 2013, présentée pour Mme D...B..., épouseC..., demeurant..., par MeA... ;

Mme C...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101432 du 22 novembre 2010 du tribunal administratif de Pau en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser les sommes de 29 520 euros à titre d'arriérés de salaires, de 47 323 euros au titre du préjudice économique, de 7 313,99 euros à titre d'indemnité de licenciement et de 25 695 euros au titre de la perte de ses droits à la retraite, en raison de l'absence de mesure de licenciement la concernant malgré son inaptitude constatée en 1998 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser ces sommes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- l'article 17, 3° du décret du 17 janvier 1986 oblige l'employeur public à procéder au licenciement d'un agent déclaré définitivement inapte à son poste, ce qui a été son cas le 23 mars 1998 alors qu'elle était employée en qualité d'agent d'entretien depuis 1987 ;

- elle s'est retrouvée dans un vide juridique en l'absence de décision de licenciement, ce qui a fait obstacle à ce qu'elle perçoive des salaires, des indemnités journalières, une pension d'invalidité, une indemnité au titre de l'absence d'activité dans la mesure où elle n'a pu justifier être licenciée ;

- sa demande d'indemnisation au titre du chômage n'a pu être traitée ;

- il appartenait à la direction des services fiscaux qui l'employait de prendre en charge l'indemnisation chômage en l'absence de licenciement, en application des articles L. 5424-1 et 2 du code du travail ;

- elle a droit à l'indemnité de licenciement prévue à l'article 54 du décret de 1986 ;

- elle a perdu treize années de cotisation à l'Ircantec ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense enregistré le 16 juillet 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances, qui conclut au rejet de la requête ;

Il fait valoir que :

- le préjudice moral de la requérante a été indemnisé par le ministère de l'économie et des finances alors même que Mme C...n'a jamais travaillé dans les locaux de la direction des services fiscaux ;

- le directeur des services fiscaux ne gérait la situation de la requérante que par délégation du préfet des Hautes-Pyrénées ;

- en l'absence de service fait, la requérante ne peut bénéficier de versement de salaires ;

- dès lors qu'elle n'a pas perçu de traitements depuis 1998, elle ne peut bénéficier d'une indemnité couvrant une perte de traitement ;

- ses droits à la retraite ne sont qu'hypothétiques ;

- elle ne peut bénéficier d'une indemnité de licenciement dès lors que ce dernier n'est pas encore prononcé ;

- il s'en rapporte aux écritures présentées en première instance ;

Vu le mémoire complémentaire enregistré le 24 mars 2014, présenté pour Mme C..., qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Elle ajoute que :

- il appartient au juge administratif de faire une évaluation du dommage telle qu'elle assure à la victime l'entière réparation du préjudice ;

- la perte des droits à la retraite, faute de cotisation, constitue un préjudice incontestablement établi et en lien direct avec les manquements de l'administration ;

Vu l'ordonnance fixant la clôture de l'instruction au 21 mai 2014 ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 21 mars 2013 admettant Mme C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 décembre 2014 :

- le rapport de M. Philippe Delvolvé, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pierre Bentolila, rapporteur public ;

1. Considérant Mme C...a été recrutée par l'Etat, en qualité d'agent non titulaire, par contrat devenu à durée indéterminée par l'effet des dispositions de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, pour occuper un emploi d'agent de service chargé de l'entretien, au sein de la cité administrative Reffye à Tarbes ; qu'elle a été placée en arrêt maladie au cours de l'année 1997, puis déclarée inapte à son poste le 23 mars 1998 ; qu'elle reproche à l'Etat de ne pas l'avoir licenciée depuis lors, malgré ses démarches entamées en ce sens le 14 décembre 2001 par l'intermédiaire de son conseil ; qu'elle a demandé à être indemnisée par son employeur des préjudices que lui a causé la faute commise par l'Etat pour n'avoir pas procéder à son licenciement ; que par un jugement du 22 novembre 2012, le tribunal administratif de Pau a condamné l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral ; que Mme C...fait appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires tendant à la réparation de sa perte de salaires, de son préjudice économique et de la perte de ses droits à la retraite, ainsi qu'au paiement d'une indemnité de licenciement ;

Sur les conclusions aux fins d'indemnisation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 16 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l'État, pris pour l'application de l'article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " L'agent non titulaire qui cesse ses fonctions pour raison de santé (...) et qui se trouve sans droit à congé rémunéré de maladie (...) est : / - en cas de maladie (...) licencié si l'incapacité de travail est permanente ; (...). ", et qu'aux termes de l'article 17 du même décret : " (...) 3° L'agent non titulaire définitivement inapte pour raison de santé à reprendre ses fonctions à l'issue d'un congé maladie (...) est licencié. (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme C...a été déclarée le 23 mars 1998, par le médecin conseil, inapte au poste d'agent de service qu'elle occupait au sein de la cité administrative à Tarbes depuis 1987 ; que cet avis était confirmé, le 3 mars 2005, par le comité médical départemental ; que le 8 janvier 2002, Mme C...était informée, au cours d'un entretien préalable au licenciement, de l'impossibilité de procéder à son reclassement ; qu'ainsi que l'ont retenu les premiers juges, il appartenait à l'Etat de procéder, dès cette époque, au licenciement de cet agent comme il l'en avait d'ailleurs informé dès la fin de l'année 2001 ; qu'en tardant à apporter une réponse aux diverses demandes formées par Mme C...de procéder à son licenciement alors que cette procédure s'imposait, l'administration a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

4. Considérant que Mme C...soutient qu'elle a droit au paiement des salaires qui auraient dû lui être versés par l'Etat depuis son inaptitude dès lors qu'elle n'a jamais été licenciée ; qu'elle soutient que l'absence de licenciement lui a également causé un préjudice financier dans la mesure où elle n'a pu percevoir de salaires d'autres employeurs potentiels, qu'elle a été privée de la possibilité de cotiser pour ses droits à la retraite depuis 1998 et qu'elle n'a pu bénéficier de l'allocation de l'assurance-chômage ; que, cependant, si l'absence de licenciement de Mme C...est fautive, il n'en demeure pas moins que les préjudices ouvrant droit à indemnisation doivent avoir un lien direct et certain avec cette faute ; que l'absence de mesure de licenciement n'est à l'origine ni de son inaptitude, ni de son impossibilité à travailler sur un autre emploi ; que le bénéfice de l'assurance-chômage est soumis à la condition d'être demandeur d'emploi, ce qui implique son aptitude à exercer un emploi ; que Mme C...n'établit pas, ni même n'allègue, avoir voulu ou pu travailler pour quelque emploi que ce soit depuis 1998 ; que, dès lors, le lien de causalité entre les préjudices allégués et la faute reprochée à l'Etat n'est, en tout état de cause, pas établi ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 53 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents non titulaires de l'Etat pris pour l'application de l'article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " La rémunération servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement est la dernière rémunération nette des cotisations de la sécurité sociale et, le cas échéant, des cotisations d'un régime de prévoyance complémentaire, effectivement perçue au cours du mois civil précédant le licenciement. Elle ne comprend ni les prestations familiales, ni le supplément familial de traitement, ni les indemnités pour travaux supplémentaires ou autres indemnités accessoires. / Le montant de la rémunération servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement d'un agent employé à temps partiel est égal au montant de la rémunération qu'il aurait perçue s'il avait été employé à temps complet, telle qu'elle est définie à l'alinéa précédent. " ; qu'aux termes de l'article 54 du même décret : " L'indemnité de licenciement est égale à la moitié de la rémunération de base définie à l'article précédent pour chacune des douze premières années de services, au tiers de la même rémunération pour chacune des années suivantes, sans pouvoir excéder douze fois la rémunération de base. (...) / (...) / Pour l'application de cet article, toute fraction de services supérieure ou égale à six mois sera comptée pour un an ; toute fraction de services inférieure à six mois sera négligée. " ; que l'absence fautive de licenciement dont a été victime Mme C...l'a privée de l'indemnité de licenciement prévue par ces dispositions à laquelle elle pouvait prétendre, dès lors qu'elle aurait dû être licenciée ; que la requérante demande la condamnation de l'Etat, qui ne conteste pas les modalités de calcul de cette indemnité, à lui verser la somme de 7 313,99 euros à ce titre ; qu'il y a lieu, en conséquence, de le condamner à lui payer cette somme ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C...est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande en tant qu'elle tend à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 7 313,99 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que MmeC..., qui bénéficie de l'aide juridictionnelle totale, ne justifie pas avoir exposé des frais autres que ceux pris en charge au titre de cette aide ; que, dans ces conditions, ses conclusions tendant à ce que l'Etat lui verse la somme de 5 000 euros qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE

Article 1er : L'Etat est condamné à payer la somme de 7 313,99 euros à MmeC....

Article 2 : L'article 3 du jugement n° 1101432 du 22 novembre 2012 du tribunal administratif de Pau est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C...est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...B..., épouse C...et au ministre des finances et des comptes publics. Copie en sera transmise au préfet des Hautes-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 8 décembre 2014 à laquelle siégeaient :

M. Bernard Chemin, président,

M. Jean-Louis Joecklé, président-assesseur,

M. Philipe Delvolvé, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 5 janvier 2015.

Le rapporteur,

Philippe Delvolvé

Le président,

Bernard Chemin

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier

Cindy Virin

''

''

''

''

2

No 13BX00206


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 13BX00206
Date de la décision : 05/01/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-01-04-02 Responsabilité de la puissance publique. Réparation. Préjudice. Caractère indemnisable du préjudice - Questions diverses. Situation excluant indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. CHEMIN
Rapporteur ?: M. Philippe DELVOLVÉ
Rapporteur public ?: M. BENTOLILA
Avocat(s) : DANEZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-01-05;13bx00206 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award