Vu la requête enregistrée le 6 mai 2014, présentée pour Mme A...B...demeurant à..., par Me Brel, avocat ;
Mme B...demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1400926 du 31 mars 2014 par laquelle le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 9 janvier 2014 du préfet de la Haute-Garonne portant refus d'admission au séjour au titre de l'asile ;
2°) d'annuler la décision contestée ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'admettre au séjour au titre de l'asile, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, ou de réexaminer sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
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Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 novembre 2014 :
- le rapport de M. Aymard de Malafosse, président de chambre ;
- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public ;
1. Considérant que MmeB..., de nationalité nigériane, née le 15 novembre 1986, est entrée en France en octobre 2013 selon ses déclarations ; qu'elle a sollicité l'asile le 22 octobre 2013 ; que l'examen de ses empreintes digitales ayant révélé qu'elles étaient identiques à celles qui avaient été saisies le 15 décembre 2008 par les autorités espagnoles, le préfet de la Haute-Garonne a adressé à ces dernières, le 9 décembre 2013, une demande de reprise en charge de l'intéressée, laquelle a été acceptée le 26 décembre 2013 ; qu'en conséquence, Mme B...a été placée sous le régime de convocation " Dublin II " ; que le préfet de la Haute-Garonne a, par une décision en date du 9 janvier 2014, d'une part, refusé à la requérante l'admission au séjour au titre de l'asile et, d'autre part, l'a invitée à présenter ses observations sur son éventuelle réadmission en Espagne ; que, par une ordonnance du 31 mars 2014 prise en application des dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de Mme B...tendant à l'annulation de cette décision ; que la requérante fait appel de cette ordonnance ;
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : (...) 7º) Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé (...) " ;
3. Considérant qu'à l'appui de sa demande de première instance, Mme B...a notamment soutenu que la décision contestée du 9 janvier 2014 était entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'était estimé lié " par la seule circonstance que [sa] demande d'asile (...) semblait relever de la compétence des autorités espagnoles (...) " ; qu'à l'appui de ce moyen, elle a fait valoir que l'administration, saisie d'une demande d'asile dont l'examen relève de la responsabilité d'un autre Etat, n'a pas l'obligation de procéder à la remise de l'intéressé, qu'elle doit au préalable exercer son pouvoir d'appréciation et vérifier si les éléments tirés de la situation personnelle ou familiale du demandeur, ainsi par ailleurs que tout élément qu'il entend faire valoir, ne sont pas de nature à le faire bénéficier notamment des dispositions de l'article 3-2 du règlement n° 343/2003 autorisant l'Etat à examiner une demande d'asile relevant de la compétence d'un autre Etat ; que Mme B...indiquait également que la lecture de la décision litigieuse révélait que le préfet s'était estimé lié par la seule circonstance que sa demande d'asile relevait de la compétence des autorités espagnoles et s'était refusé à procéder au moindre examen de sa situation particulière et à la possibilité de mettre en oeuvre la clause dérogatoire prévue par l'article 3-2 du règlement (CE) n° 343/2003 ; que, dans ces conditions, ce moyen tiré de l'erreur de droit n'était pas manifestement dépourvu des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que, par suite, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Toulouse ne pouvait se fonder sur les dispositions précitées du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative pour rejeter la demande de Mme B...; que l'irrégularité dont est entachée cette ordonnance entraîne son annulation ;
4. Considérant qu'il y a lieu de statuer par voie d'évocation sur la demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif ;
Sur les conclusions à fin d'annulation du refus d'admission au séjour :
5. Considérant que le droit constitutionnel d'asile a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié ; que, s'il implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit en principe autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande, ce droit s'exerce dans les conditions définies par l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le 1° de cet article permet de refuser l'admission en France d'un demandeur d'asile lorsque l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;
6. Considérant que le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 pose en principe dans le paragraphe 1 de son article 3 qu'une demande d'asile est examinée par un seul État membre ; que cet État est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre ; que, toutefois, l'application de ces critères peut être écartée en vertu de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 2 de l'article 3 du règlement aux termes duquel " chaque Etat membre peut, par dérogation aux dispositions précitées du paragraphe 1, examiner une demande d'asile qui lui est présentée par un ressortissant d'un pays tiers, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés par le règlement, cet Etat membre devenant alors l'Etat membre responsable au sens dudit règlement et assumant alors les obligations liées à cette responsabilité " ;
7. Considérant qu'après avoir relevé que l'Espagne pouvait se révéler être l'Etat responsable de la demande d'asile de Mme B...et que les autorités espagnoles avaient accepté sa " reprise en charge ", et tout en invitant l'intéressée à présenter ses observations écrites sur son éventuelle remise aux autorités espagnoles, la décision préfectorale contestée indique : " je vous informe (...) que je refuse de manière définitive votre admission au séjour en France au titre de l'asile en application de l'article L. 741-4 alinéa 1 du CESEDA " ; qu'il ne résulte ni de ces mentions, ni des écritures du préfet devant la cour, que ce dernier ait, avant de refuser à titre définitif l'admission de Mme B...au séjour au titre de l'asile, examiné la possibilité d'une telle admission au regard de la situation particulière de l'intéressée et de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (CE) n° 343/2003 et rappelée au point 6 ; que le préfet a ainsi méconnu l'étendue des pouvoirs qu'il tient dudit règlement ; que la décision litigieuse est, dès lors, ainsi que le soutient la requérante, entachée d'erreur de droit ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...est fondée à demander l'annulation de la décision du 9 janvier 2014 lui refusant l'admission au séjour au titre de l'asile ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Considérant que le présent arrêt n'implique pas, comme le demande la requérante, que le préfet admette celle-ci au séjour au titre de l'asile, mais seulement qu'il réexamine la demande de Mme B...à fin d'admission au séjour au titre de l'asile ; qu'il y a lieu, par suite, de l'enjoindre à procéder à ce réexamen dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Sur les conclusions présentées au titre du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Brel de la somme de 1 500 euros au titre du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Brel renonce à percevoir la part contributive de l'Etat ;
DECIDE :
Article 1er : L'ordonnance du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Toulouse en date du 31 mars 2014 est annulée.
Article 2 : La décision du préfet de la Haute-Garonne du 9 janvier 2014 refusant à Mme B...l'admission au séjour au titre de l'asile est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Garonne de procéder au réexamen de la demande d'admission au séjour au titre de l'asile de Mme B...dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Brel la somme de 1 500 euros au titre du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de la renonciation de Me Brel à percevoir la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
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N° 14BX01377 - 2 -