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17/11/2014 | FRANCE | N°12BX02493

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 17 novembre 2014, 12BX02493


Vu la requête, enregistrée le 12 septembre 2012, présentée pour M. A... C..., demeurant au..., par MeB... ;

M. C... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°0901598, 1201094 du 10 juillet 2012 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre des années 2004, 2005 et 2006 pour des montants respectifs de 198 617 euros, 31 542 euros et 299 274 euros au titre de l'impôt sur le revenu et 47 735 euros, 9 655 euros et 8

9 804 euros au titre des contributions sociales ;

2°) de prononcer la déc...

Vu la requête, enregistrée le 12 septembre 2012, présentée pour M. A... C..., demeurant au..., par MeB... ;

M. C... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°0901598, 1201094 du 10 juillet 2012 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre des années 2004, 2005 et 2006 pour des montants respectifs de 198 617 euros, 31 542 euros et 299 274 euros au titre de l'impôt sur le revenu et 47 735 euros, 9 655 euros et 89 804 euros au titre des contributions sociales ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. C... soutient que :

- concernant la régularité du jugement, celui-ci doit-être annulé pour omission à statuer, le tribunal n'ayant pas répondu au moyen tiré de ce que l'administration fiscale ne saurait utiliser une méthode hypothétique pour reconstituer les recettes d'une société et au moyen selon lequel il revient à l'administration fiscale de démontrer, en sus de l'existence des bénéfices distribués, que les montants auraient bien été attribués à l'associé personnellement ;

- concernant la régularité de la procédure, la proposition de rectification, en date du 4 octobre 2007 concernant l'année 2006 n'est pas motivée et notamment le vérificateur n'a pas précisé pourquoi la date de l'exercice clos le 31 décembre 2006 devait être ramenée au 6 décembre 2006 ;

- concernant le bien-fondé de l'imposition, l'administration ne rapporte pas la preuve du montant des bénéfices considérés comme revenus distribués qui ne saurait être constitué par le seul fait de la condamnation de M. C...par le tribunal correctionnel ;

- la méthode utilisée par l'administration pour reconstituer les recettes de la SARL Casabon est radicalement viciée et entachée d'erreur de droit : le service n'a pas demandé des renseignements auprès du requérant afin de connaître les conditions concrètes de fonctionnement des deux sociétés, si bien que la reconstitution ne correspond aucunement aux conditions dans lesquelles s'exerce réellement l'activité desdites sociétés ; de plus une méthode de reconstitution qui méconnaît les règles de rattachement des créances fixées par l'article 38 2 bis du code général des impôts (CGI) doit être regardée comme radicalement viciée, en particulier l'administration ne peut valablement reconstituer les recettes d'un contribuable selon la comptabilité de caisse, tandis que les charges étaient prises en compte selon la comptabilité d'engagement, le service vérificateur doit choisir un mode de comptabilisation conforme à la méthode de détermination du contribuable et non un mixage de plusieurs règles de comptabilisation ; enfin le service vérificateur a utilisé une méthode hypothétique qui ne permet pas d'établir la réalité des opérations ayant servi de base au redressement ; que le service a écarté les informations dont il disposait au profit d'une théorie hypothétique selon laquelle seule les dépenses reconduites à l'identique d'un mois sur l'autre constitueraient du salaire et les montants ronds ne seraient être engagés dans l'intérêt de l'entreprise ;

- le service n'a pas déterminé le chiffre d'affaires correspondant aux commissions de la SARL CAP et n'a pas pris en considération les éléments d'information à sa disposition tout en considérant comme recettes l'ensemble des sommes reçues en prêt par la société en dépit d'un contrat établi pour chaque prêt ;

- le service désigne M. C...comme bénéficiaire des sommes réputées distribuées sans l'établir et ses affirmations ne sont corroborées par aucune référence à l'enrichissement de l'intéressé ;

- les pénalités de mauvaise foi ne sont pas motivées et l'élément intentionnel n'est ainsi pas démontré ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er octobre 2012, présenté par le ministre de l'économie et des finances (Direction du contrôle fiscal Sud-Ouest) qui conclut au rejet de la requête ;

Le ministre fait valoir que :

- les premiers juges se sont clairement prononcés sur la validité de la méthode suivie par le vérificateur et la circonstance établissant la réalité des distributions était rapportée sans ambiguïté par le jugement, le moyen tenant à l'irrégularité du jugement manque donc en fait ;

- concernant la procédure, la proposition de rectification critiquée par le requérant indiquait clairement le motif pour lequel les opérations de vérifications avaient été arrêtées au 6 décembre, la mise en liquidation judiciaire des deux sociétés et la cessation de toute activité de celles-ci ;

- concernant le bien-fondé de l'imposition, en premier lieu les suppléments d'imposition relatifs aux revenus considérés comme distribués au titre de l'année 2004 à raison du passif injustifié constaté au sein de la société HJ Casabon ont été dégrevés et les prélèvements nets de trésorerie qui ont fait l'objet de rectifications notifiées aux deux sociétés n'ont pas été considérés comme des revenus réputés distribués entre les mains du requérant ;

- en second lieu les impositions en litige font suite au contrôle des deux sociétés qui n'avaient souscrit aucune déclaration ni présenté de comptabilité, les seules pièces dont a disposé le vérificateur étant les CCP obtenus par le droit de communication, ce qui explique que les recettes n'ont pu être appréhendés que par des dates d'encaissement, les crédits étant considérés comme recettes commerciales à défaut de tout justificatif probant permettant d'établir qu'ils ne constituaient que des dépôts, des remboursements ou des virements entre sociétés ; concernant les charges le vérificateur a procédé de même à partir des décaissements ;

- qu'il ne saurait être contesté que le requérant, dirigeant de droit et de fait des sociétés contrôlées, avait le contrôle total de celles-ci et l'appréhension par le contribuable des bénéfices reconstitués est ainsi démontrée ce qui est confirmé par la justice pénale ;

- que concernant les pénalités et contrairement aux affirmations du requérant, le vérificateur ne s'est pas borné à se référer à la procédure pénale mais s'est appuyé, en les rappelant, sur des faits qu'il avait constatés relevant de la gestion particulièrement confuse des sociétés, aux graves manquements comptables et à l'implication totale de M. C...à ces divers égards, le caractère intentionnel de l'infraction étant établi par l'importance des sommes utilisées à titre personnel par l'intéressé, le caractère répétitif de l'infraction et la connaissance délibérée qu'en agissant ainsi le contribuable éludait délibérément l'impôt ;

Vu le mémoire en production de pièces enregistré le 25 janvier 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances (Direction du contrôle fiscal Sud-Ouest) ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 octobre 2014 :

- le rapport de M. Bertrand Riou, président ;

- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public ;

1. Considérant que la SARL Courtage d'Assurances Pyrénéen (CAP) qui exerce une activité de courtier en assurances, dont M. C...était le gérant et la S.A. HJ Casabon dont le requérant était président directeur général, ont fait l'objet en 2007 d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle le vérificateur a, en l'absence de comptabilité présentée par la société, procédé à la reconstitution de leurs recettes et taxé à l'impôt sur le revenu, entre les mains de M.C..., dans la catégorie des revenus mobiliers les bénéfices reconstitués ; que M. C...fait appel du jugement en date du 10 juillet 2012 du tribunal administratif de Bordeaux, rejetant sa demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre des années 2004, 2005 et 2006, procédant des opérations de vérification ci-dessus mentionnées ;

Sur les conclusions à fin de décharge :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. 2 bis. Pour l'application des 1 et 2, les produits correspondant à des créances sur la clientèle ou à des versements reçus à l'avance en paiement du prix sont rattachés à l'exercice au cours duquel intervient la livraison des biens pour les ventes ou opérations assimilées et l'achèvement des prestations pour les fournitures de services (...) " ; qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " Sont considérés comme des revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital. 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices ( ...) " ;

3. Considérant qu'il est constant que, lors des opérations de contrôle sur place de la SARL Courtage d'Assurance Pyrénéen (CAP) et de la SA HJ Casabon, celles-ci n'ont pas été en mesure de présenter de documents comptables afférents à leur activité, ni des pièces justificatives du détail de leurs recettes ; que le vérificateur a procédé à la reconstitution du chiffre d'affaires des deux sociétés en cause sur l'ensemble de la période contrôlée en se fondant sur les seuls relevés bancaires dont certains ont été obtenus par l'exercice du droit de communication ; qu'il a ainsi évalué les recettes en additionnant les encaissements intervenus dans l'exercice en cause sous déduction de sommes en provenance d'autres sociétés considérées comme des avances remboursables et les charges en totalisant décaissements et salaires versés ; qu'ainsi cette évaluation a été faite sur la base des recettes encaissées et des dépenses payées au cours de l'exercice, contrevenant ainsi aux prescriptions de l'article 38-2 du code général des impôts selon lesquelles il y a lieu de se référer à la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice, ce qui implique que soient notamment prises en compte les valeurs réalisables comprises dans l'actif de l'entreprise à l'ouverture de l'exercice ; qu'une telle méthode doit, ainsi que le soutient M.C..., être regardée comme radicalement viciée ; qu'ainsi le bénéfice reconstitué de l'entreprise n'a pas reposé sur l'application de règles de rattachement aux exercices homogènes pour les produits et pour les charges et les distributions fondées sur les dispositions précitées de l'article 109 du code général des impôts (CGI) ne peuvent être regardées comme établies ; que, la critique formulée par M. C...à l'égard de la méthode d'évaluation de l'administration étant à la fois essentielle et fondée, il y a lieu de lui accorder la décharge des droits et pénalités mis à sa charge ;

4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à verser à M. C...une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : M. C...est déchargé des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre des années 2004, 2005 et 2006 et des pénalités y afférentes .

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 10 juillet 2012 est annulé.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 14 octobre 2014, à laquelle siégeaient :

M. Bertrand Riou, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, premier conseiller,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller ;

Lu en audience publique, le 17 novembre 2014.

Le premier assesseur,

Frédérique MUNOZ-PAUZIES

Le président,

Bertrand RIOU

Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Virginie MARTY

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N° 12BX02493


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 12BX02493
Date de la décision : 17/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Composition du Tribunal
Président : M. RIOU
Rapporteur ?: M. Bertrand RIOU
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : SELARL RSDA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2014-11-17;12bx02493 ?
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