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06/11/2014 | FRANCE | N°13BX02323

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 06 novembre 2014, 13BX02323


Vu la requête, enregistrée le 9 août 2013 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 13 août 2013, présentée par le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt ;

Le ministre demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902583 du 11 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a, à la demande de M. C... E..., annulé la décision du préfet de l'Aveyron en date du 26 Mars 2009 lui refusant l'autorisation d'exploiter 30ha47 de terres situées sur la commune de Sainte Geneviève sur Argence ;

2°) de rejeter la

demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Toulouse ;

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Vu la requête, enregistrée le 9 août 2013 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 13 août 2013, présentée par le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt ;

Le ministre demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902583 du 11 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a, à la demande de M. C... E..., annulé la décision du préfet de l'Aveyron en date du 26 Mars 2009 lui refusant l'autorisation d'exploiter 30ha47 de terres situées sur la commune de Sainte Geneviève sur Argence ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Toulouse ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 septembre 2014 :

- le rapport de Mme Catherine Monbrun, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;

1. Considérant que, par arrêté du 26 mars 2009, le préfet de l'Aveyron a refusé de donner une suite favorable à la demande de M. E...tendant à obtenir l'autorisation d'agrandir son exploitation agricole de 30 hectares 47 de terres situées sur le territoire de la commune de Sainte Geneviève sur Argence ; que le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé cette décision de refus ;

Sur la fin de non-recevoir :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : (...) 2° Les chefs de service, directeurs adjoints, sous-directeurs, les chefs des services à compétence nationale (...) " ; que, par arrêté du 4 juin 2013 publié au Journal officiel de la République française du 6 juin 2013, Mme B...a été nommée sous-directrice du droit de l'administration, de la concurrence et des procédures juridiques communautaires au service des affaires juridiques du ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt ; que l'article 2 du décret du 30 juin 2008 prévoit que ce service représente le ministre devant les juridictions compétentes ; que, dès lors, Mme B...était compétente pour signer la requête d'appel ;

Sur l'exception de non-lieu :

3. Considérant que si M. E...fait valoir qu'il a obtenu, par arrêté du 12 mai 2010, l'autorisation d'exploiter sollicitée et qu'ainsi la présente procédure est " privée d'intérêt ", cet arrêté, qui concerne une demande distincte, n'a ni pour objet ni pour effet d'abroger l'arrêté attaqué en date du 26 mars 2009 ; que, par suite, M. E...n'est pas fondé à soutenir que la requête du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt serait devenue sans objet et qu'il n'y aurait plus lieu ainsi d'y statuer ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Considérant que les premiers juges ont, pour faire droit à la demande de M. E...et annuler l'arrêté du 26 mars 2009 du préfet de l'Aveyron accordant l'autorisation d'exploiter au GAEC des Pradeaux, mentionné que, d'une part, l'autorisation d'exploiter n'a pas été sollicitée pour le compte de M. D...F...mais demandée au nom du GAEC des Pradeaux qui dispose d'une personnalité morale distincte de ses associés et que, d'autre part, la dotation d'installation " jeunes agriculteurs " n'a été accordée à M. D...F...que postérieurement à la décision attaquée ; qu'ils ont également rappelé les dispositions des articles L. 331-1, L. 331-3 et L. 311-2 du code rural ainsi que celle des articles 1842 et 1843 du code civil ; qu'ainsi, le jugement attaqué est suffisamment motivé ; que, par suite, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt n'est pas fondé à soutenir que le jugement du tribunal administratif de Toulouse serait entaché d'irrégularité ;

Sur le bien-fondé du jugement :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 331-1 du code rural : " (...) L'objectif prioritaire du contrôle des structures est de favoriser l'installation d'agriculteurs, y compris ceux engagés dans une démarche d'installation progressive. En outre, il vise : soit à empêcher le démembrement d'exploitations agricoles viables pouvant permettre l'installation d'un ou plusieurs agriculteurs ; soit à favoriser l'agrandissement des exploitations agricoles dont les dimensions, les références de production ou les droits à aide sont insuffisants au regard des critères arrêtés dans le schéma directeur départemental des structures ; soit à permettre l'installation ou conforter l'exploitation d'agriculteurs pluriactifs partout où l'évolution démographique et les perspectives économiques le justifient " ; qu'aux termes de l'article L. 331-3 du même code : " L'autorité administrative se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. Elle doit notamment : 1° Observer l'ordre des priorités établi par le schéma départemental entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des exploitations agricoles, en tenant compte de l'intérêt économique et social du maintien de l'autonomie de l'exploitation faisant l'objet de la demande (...) " ; que l'article 1er du schéma directeur départemental des structures agricoles du département de l'Aveyron, dans sa rédaction issue de l'arrêté modifié du préfet de l'Aveyron en date du 1er août 2000 applicable à la date de la décision litigieuse, dispose : "(...) b) en fonction de ces objectifs, les priorités (...) sont ainsi définies : 1. (...) - installations aidées de jeunes agriculteurs y compris ceux engagés dans une démarche d'installation progressive ayant un projet agricole viable ; - autres installations compte tenu de l'âge, de la situation familiale et de la capacité professionnelle ayant un projet agricole viable ; - réinstallation d'exploitants expropriés ou évincés (...) " ;

6. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées du code rural que le préfet, saisi de demandes concurrentes d'autorisation d'exploiter portant sur les mêmes terres, doit, pour statuer sur ces demandes, observer l'ordre des priorités établi par le schéma directeur départemental des structures agricoles ; qu'il peut être conduit à délivrer plusieurs autorisations lorsque plusieurs candidats à la reprise relèvent du même rang de priorité et qu'aucun autre candidat ne relève d'un rang supérieur ; que, dans cette hypothèse, la législation sur le contrôle des structures des exploitations agricoles est sans influence sur la liberté du propriétaire des terres de choisir la personne avec laquelle il conclura un bail ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le GAEC des Pradeaux a, le 21 novembre 2008, demandé à l'autorité administrative l'autorisation d'exploiter 30 hectares 47 ares de terres appartenant à M. et Mme A...; que M. E...a, le 19 décembre 2008, présenté une demande d'autorisation d'exploiter portant sur les mêmes terres ; que le préfet, saisi de ces deux demandes concurrentes et tenu d'observer l'ordre des priorités établi par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département de l'Aveyron, a, par deux arrêtés du 26 mars 2009, autorisé le GAEC des Pradeaux à exploiter lesdites terres et rejeté la demande de M.E... ;

8. Considérant que pour refuser l'autorisation sollicitée par M.E..., le préfet de l'Aveyron a, en application de l'article L. 331-3 du code rural, retenu que les terres en cause avaient fait l'objet d'une demande d'autorisation d'exploiter par des agriculteurs prioritaires sur le demandeur au regard du schéma directeur départemental ; qu'il a, notamment, pris en considération la circonstance que M. D...F...projetait de s'installer avec la dotation d'installation des jeunes agriculteurs au sein du GAEC des Pradeaux dans lequel il est associé avec ses parents ; que la circonstance qu'une demande d'autorisation d'exploiter émane d'un groupement agricole d'exploitation en commun en cours de constitution, régi par les articles 1845 et suivants du code civil et doté d'une personnalité morale distincte de celle de ses associés, impose à l'autorité administrative de considérer l'ensemble de l'exploitation du groupement et donc d'apprécier la situation de l'ensemble des associés pour la détermination des critères de priorité et, notamment, celle de M. D...F..., engagé dans une démarche d'installation ; que, dans ces conditions, le préfet a pu régulièrement prendre en compte, au sein de ce groupement en cours de constitution, tant la situation de Sylvain F...que celle de ses parents ; qu'il est constant que M. D...F...disposait des diplômes nécessaires à l'exercice de la profession agricole depuis le 10 août 2006 et qu'il était associé, avec ses parents, au sein du GAEC des Pradeaux agréé par l'administration le 18 novembre 2008 ; que si les aides à l'installation des jeunes agriculteurs lui ont été accordées par arrêté du 27 mars 2009, postérieur à la décision de refus opposée à M. E...le 26 mars 2009, il est constant que M. D... F...avait terminé les actions de professionnalisation préalables à son installation depuis le 9 février 2009 ; qu'ainsi, lorsque le préfet de l'Aveyron s'est prononcé sur la demande de M.E..., M. F...était bien engagé dans une démarche d'installation ; qu'enfin, la circonstance que ce GAEC était en cours de constitution est sans influence sur l'appréciation de ce projet d'installation ; que, dans ces conditions, le projet d'exploitation des terres dont s'agit par le GAEC des Pradeaux s'inscrit dans une démarche d'installation entreprise par M. D... F... consistant en la création d'un GAEC avec ses parents et la mise à disposition de celui-ci des 30 hectares 47 ares pour lesquels l'autorisation a été sollicitée et qui s'ajouteront aux 109 hectares 38 ares exploités par les parents de M. D...F...; que, par suite, la demande concurrente du GAEC des Pradeaux relevait bien de la priorité n°1 visée à l'article 1er b) 1 du schéma directeur départemental des structures de l'Aveyron et était prioritaire par rapport à la demande d'agrandissement présentée par M.E..., lequel exploitait déjà 186 hectares 68 ares de terres ; que, dès lors, le préfet de l'Aveyron était tenu de refuser à M. E...l'autorisation qu'il sollicitait ;

9. Considérant, par suite, que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la décision du 26 mars 2009 opposée à M. E...était entachée d'erreur d'appréciation ; qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. E...en première instance ;

10. Considérant, en premier lieu, que la signataire des arrêtés, MmeG..., disposait d'une délégation de signature en date du 2 janvier 2009 régulièrement publiée le 5 janvier suivant dans le numéro spécial n° 386 du recueil des actes administratifs de la préfecture de l'Aveyron ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée n'a pas été signée par une personne bénéficiant d'une délégation de signature doit être écarté comme manquant en fait ;

11. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté contesté comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait qui le fondent ; qu'il vise, en effet, l'article L. 331-1 du code rural ainsi que le schéma directeur applicable en cas de demandes concurrentes et fait état tant de la situation de M. E...au regard de la surface qu'il exploite et du nombre d'actifs dont il dispose que de celle du GAEC des Pradeaux au sein duquel M. D...F...souhaite s'installer avec la dotation des jeunes agriculteurs ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté ;

12. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. E...a été avisé, par lettre du 23 février 2009, que les parcelles appartenant à M. et Mme A...pour lesquelles il a déposé un dossier de demande font également l'objet d'une demande émanant du GAEC des Pradeaux ; que, par suite, le moyen tiré de ce que M. E...n'aurait pas été informé de l'existence d'une demande concurrente manque, en tout état de cause, en fait ; que ce courrier précise également que ces demandes seront examinées pour avis par la commission départementale d'orientation de l'agriculture lors de sa séance du 5 mars 2009 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que M. E...n'a pas été informé de la date d'examen des demandes manque en fait ;

13. Considérant, en quatrième lieu, que M. E...soutient qu'à défaut d'avoir une existence légale, le GAEC des Pradeaux ne pouvait déposer une demande d'autorisation d'exploiter ; qu'il ressort des pièces du dossier que la demande du GAEC, dont l'administration a accusé réception le 21 novembre 2008, a été déposée alors que le groupement était en cours de constitution et avait obtenu l'agrément de l'administration le 18 novembre 2008 ; qu'en vertu de l'article R. 323-14 du code rural, il ne pouvait être procédé à l'immatriculation du groupement au registre du commerce et aux formalités de publicité de sa constitution qu'après sa reconnaissance définitive par l'administration ; que la circonstance qu'il n'ait été immatriculé que postérieurement au dépôt de sa demande d'autorisation est sans incidence sur la validité de sa demande d'autorisation dès lors que conformément à l'article 1843 du code civil " les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant l'immatriculation sont tenues des obligations nées des actes ainsi accomplis. (...)La société régulièrement immatriculée peut reprendre les engagements souscrits, qui sont alors réputés avoir été dès l'origine contractés par celle-ci " ; que, par suite, le moyen de M. E...doit être écarté ;

14. Considérant, en cinquième lieu, que dès lors que la demande de M. E...n'était pas prioritaire, ce dernier ne peut utilement faire valoir que la structure de son exploitation est fragile car il exploite 160 hectares de terres très éloignées de son centre d'exploitation situé à Le Mazut et de surcroît précaires car constituées de bien de section ; qu'il ne peut pas plus utilement se prévaloir de ses charges de famille et des liens d'amitié qui l'unissent aux propriétaires des terres convoitées ;

15. Considérant, en sixième lieu, que le moyen tiré de l'atteinte au droit de propriété et au droit de contracter librement est inopérant dès lors qu'une autorisation d'exploiter n'emporte en elle-même, aucune atteinte aux droits en cause et n'impose au propriétaire la conclusion d'aucun contrat de bail ou de cession d'un tel contrat ;

16. Considérant, en dernier lieu, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 26 mars 2009 refusant à M. E...l'autorisation d'exploiter sollicitée ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative :

18. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à ce titre à la charge de l'État , qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande M. E...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : Le jugement n°0902583 du 11 juin 2013 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. E...devant le tribunal administratif et ses conclusions en appel sont rejetées.

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N° 13BX02323


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 13BX02323
Date de la décision : 06/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-03-03-01-03 Agriculture et forêts. Exploitations agricoles. Cumuls et contrôle des structures. Cumuls d'exploitations. Motifs de la décision.


Composition du Tribunal
Président : Mme RICHER
Rapporteur ?: Mme Catherine MONBRUN
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : PETITJEAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2014-11-06;13bx02323 ?
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