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11/06/2014 | FRANCE | N°14BX00124

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 11 juin 2014, 14BX00124


Vu la requête enregistrée le 9 janvier 2014, présentée pour Mme A...B..., demeurant..., par Me C... ;

Mme B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300976 du 17 octobre 2013 du tribunal administratif de Limoges qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 mai 2013 par lequel le préfet de la Haute-Vienne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'e

njoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour, sous astreinte de 1...

Vu la requête enregistrée le 9 janvier 2014, présentée pour Mme A...B..., demeurant..., par Me C... ;

Mme B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300976 du 17 octobre 2013 du tribunal administratif de Limoges qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 mai 2013 par lequel le préfet de la Haute-Vienne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement attaqué, d'annuler les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi, et d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ;

5°) à défaut, de surseoir à statuer dans l'attente de la réponse de la Cour de justice de l'Union européenne aux questions préjudicielles posées par le tribunal administratif de Melun dans son jugement avant dire droit du 8 mars 2013 n° 1301686 ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ainsi que la somme de 13 euros correspondant aux droits de plaidoirie, en application de l'article 43 de la même loi ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne du 7 décembre 2000 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mai 2014 :

- le rapport de M. Richard, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Bentolila, rapporteur public ;

1. Considérant que MmeB..., née en 1958 et de nationalité algérienne, est entrée en France en juin 2011, munie d'un passeport algérien revêtu d'un visa autorisant un séjour de trente jours ; que le 1er juillet 2012, elle a saisi le préfet de la Haute-Vienne d'une demande de délivrance d'un titre de séjour en raison de son état santé, demande qui a fait l'objet d'une décision implicite de rejet ; que le 18 décembre 2012, elle a présenté une nouvelle demande de titre de séjour au titre de la vie privée et familiale ; que par un arrêté du 24 mai 2013, le préfet de la Haute-Vienne a refusé son admission au séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixé le pays de renvoi ; que Mme B...fait appel du jugement du 17 octobre 2013 du tribunal administratif de Limoges qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de séjour :

2. Considérant que le refus de titre de séjour contesté comporte l'exposé des considérations de droit et de fait sur lesquels il se fonde ; que, contrairement à ce que soutient MmeB..., il fait mention du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; que, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision au regard des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs doit être écarté ;

3. Considérant que Mme B...soutient que la décision litigieuse est entachée d'un vice de procédure, dès lors que le préfet, qui avait connaissance de ses problèmes de santé, s'est abstenu de saisir le médecin de l'agence régionale de santé ; que, toutefois, il n'est pas établi par les pièces du dossier que MmeB..., qui a formulé sa demande de titre de séjour au titre de la vie privée et familiale, ait entendu solliciter un certificat de résidence en qualité d'étranger malade ;

4. Considérant qu'en vertu du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit au ressortissant algérien dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B...est entrée récemment en France à l'âge de cinquante-trois ans, sous couvert d'un visa de court séjour ; qu'elle s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français à l'expiration de son visa ; que si la requérante fait valoir que seules ses deux filles, qui vivent régulièrement en France, peuvent la prendre en charge financièrement et lui prodiguer l'aide et l'assistance dont elle a besoin, alors qu'elle est de santé fragile, sans ressources et isolée en Algérie, elle n'établit cependant pas être dépourvue d'attaches familiales en Algérie où résident son fils et sa fille et que ces derniers ne pourraient l'accueillir ou lui venir en aide ; que s'agissant de son état de santé, la requérante n'apporte aucune élément de nature à infirmer l'avis précédemment émis par le médecin de l'agence régionale de santé sur sa demande de titre en qualité d'étranger malade et selon lequel il existe un traitement approprié dans le pays d'origine vers lequel elle peut voyager sans risque ; que, dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision litigieuse aurait porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard au regard des motifs du refus qui lui a été opposé et aurait ainsi méconnu les stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'accord franco-algérien ; que, pour les mêmes raisons, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée ;

6. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues par les dispositions visées par ce texte ou les stipulations de l'accord franco-algérien ayant le même objet ; qu'ainsi, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, Mme B...n'étant pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour, le préfet n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) " ;

8. Considérant que le requérant ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne s'appliquent pas aux ressortissants algériens, dont la situation est régie de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : que, toutefois, si l'accord franco-algérien ne prévoit pas, pour sa part, de modalités d'admission exceptionnelle au séjour semblables à celles prévues par l'article L. 313-14 précité, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit et dispose à cette fin d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressée, l'opportunité d'une mesure de régularisation ; qu'eu égard aux circonstances rappelées ci-dessus au point 5, le préfet de la Haute-Vienne, en ne prenant pas au bénéfice de l'intéressée, dans le cadre de l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose, de mesure de régularisation, n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision de refus de titre de séjour doit être écarté ;

10. Considérant que MmeB..., qui avait la possibilité, pendant l'instruction de sa demande, de faire connaître, de manière utile et effective, les éléments justifiant son admission au séjour, ne pouvait ignorer qu'en cas de rejet de sa demande de titre de séjour, elle pourrait faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; que selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne [C-383/13 PPU du 10 septembre 2013] une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B... aurait eu de nouveaux éléments à faire valoir qui auraient conduit le préfet à prendre une décision différente ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'en prenant à son encontre une mesure d'éloignement sans la mettre en mesure de présenter ses observations, le préfet aurait porté atteinte au principe général du droit de l'Union européenne garantissant à toute personne le droit d'être entendue préalablement à l'adoption d'une mesure individuelle l'affectant défavorablement et également méconnu les dispositions de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ne peut être accueilli ;

11 Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été précédemment énoncés au point 5, le moyen tiré de la méconnaissance du droit de Mme B...au respect de sa vie privée et familiale doit être écarté ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté ;

13. Considérant que contrairement à ce que soutient la requérante, l'arrêté en litige cite l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne que Mme B..." ne démontre pas ni même n'allègue être exposée à des peines ou traitements personnels réels et actuels contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. " ; que la décision fixant le pays de renvoi est ainsi suffisamment motivée ;

14. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " ;

15. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de Mme B...; que si cette dernière soutient qu'en Algérie, elle ne disposerait d'aucune ressource et serait sans domicile, elle n'établit cependant pas être dépourvue d'attaches familiales en Algérie où résident son fils et sa fille et que ces derniers ne pourraient l'accueillir ou lui venir en aide, ainsi qu'il a déjà été dit au point 5 ci-dessus ; que, dès lors, le moyen tiré de ce qu'elle serait exposée à des traitements inhumains ou dégradants contraires aux stipulations précitées de l'article 3 de la convention doit, en tout état de cause, être écarté ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

17. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par MmeB..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

18. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont le requérant demande le versement à son conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, y compris les droits de plaidoirie ;

DECIDE

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

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No 14BX00124


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 14BX00124
Date de la décision : 11/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. CHEMIN
Rapporteur ?: M. Jean-Emmanuel RICHARD
Rapporteur public ?: M. BENTOLILA
Avocat(s) : SELARL PREGUIMBEAU - GREZE : AEGIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2014-06-11;14bx00124 ?
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