Vu la requête enregistrée le 3 janvier 2014, présentée pour M. A...B..., demeurant..., par la SCP d'avocats Bonnet et Brugier ;
M. B...demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1301988 du 4 décembre 2013 du tribunal administratif de Poitiers qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 août 2013 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
2) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) A titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Vienne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, valable jusqu'à ce que l'autorité administrative ait statué, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991;
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Vu les autres pièces du dossier :
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le traité signé le 25 avril 2005, relatif à l'adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne, notamment l'annexe VII du protocole relatif aux conditions et modalités d'admission de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne, ensemble la loi n° 2006-1254 du 13 octobre 2006 en autorisant la ratification ;
Vu le règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mai 2014 :
- le rapport de Mme Rey-Gabriac, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Bentolila, rapporteur public ;
1. Considérant que M. A...B..., de nationalité roumaine, né en 1973, est entré régulièrement en France le 1er février 2011 ; que le 27 mars 2013, il a déposé une demande de carte de séjour d'une durée d'un an ou de dix ans portant la mention " ressortissant européen " en qualité de commerçant et au titre de sa vie privée et familiale ; que par une décision du 13 mai 2013, le préfet de la Vienne, a rejeté sa demande de délivrance de carte de résident " ressortissant européen " permanent ; que le 6 août 2013, le préfet a pris à son encontre un arrêté portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi ; que M. B...fait appel du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 4 décembre 2013 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : / 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; / 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille tels que visés au 4° de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; (...). " ; qu'aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Les ressortissants visés à l'article L. 121-1 qui souhaitent établir en France leur résidence habituelle se font enregistrer auprès du maire de leur commune de résidence dans les trois mois suivant leur arrivée. Les ressortissants qui n'ont pas respecté cette obligation d'enregistrement sont réputés résider en France depuis moins de trois mois. / Ils ne sont pas tenus de détenir un titre de séjour. S'ils en font la demande, il leur est délivré un titre de séjour. / Toutefois, demeurent soumis à la détention d'un titre de séjour durant le temps de validité des mesures transitoires éventuellement prévues en la matière par le traité d'adhésion du pays dont ils sont ressortissants, et sauf si ce traité en stipule autrement, les citoyens de l'Union européenne qui souhaitent exercer en Franceune activité professionnelle. (...) " ; qu'aux termes de l'article 20 du protocole relatif aux conditions et modalités d'admission de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne : " Les mesures énumérées aux annexes VII du présent protocole sont applicables à la Roumanie dans les conditions définies dans lesdites annexes ", et qu'aux termes du 2 du 1 " Libre circulation des personnes " de l'annexe VII : " Par dérogation aux articles 1er à 6 du règlement CEE n° 1612/68 et jusqu'à la fin de la période de deux ans suivant la date d'adhésion, les Etats membres actuels appliqueront les mesures nationales, ou des mesures résultant d'accords bilatéraux, qui réglementent l'accès des ressortissants roumains à leur marché du travail. Les Etats membres actuels peuvent continuer à appliquer ces mesures jusqu'à la fin de la période de cinq ans suivant la date d'adhésion (...) " ; que la Roumanie a adhéré à l'Union Européenne le 1er janvier 2007 ; que le règlement n° 1612/68 auquel il est ainsi dérogé ne porte que sur les travailleurs salariés ; qu'aux termes de l'article R. 121-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.-Sans préjudice des dispositions du cinquième alinéa de l'article L. 121-2, les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne soumis à des mesures transitoires par leur traité d'adhésion qui souhaitent exercer une activité professionnelle en France sont tenus de solliciter la délivrance d'une carte de séjour ainsi que l'autorisation de travail prévue à l'article L. 341-2 du code du travail pour l'exercice d'une activité salariée. (...) La carte de séjour des ressortissants mentionnés au premier alinéa est délivrée dans les conditions et pour la durée prévue à l'article R. 121-10. Elle porte selon les cas la mention " UE-toutes activités professionnelles " ou " UE-toutes activités professionnelles, sauf salariées ". (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 121-10 du même code : " Les ressortissants mentionnés au 1° de l'article L. 121-1 qui ont établi leur résidence habituelle en France depuis moins de cinq ans bénéficient à leur demande d'un titre de séjour portant la mention : / " UE-toutes activités professionnelles ". La reconnaissance de leur droit de séjour n'est pas subordonnée à la détention de ce titre. / Ce titre est d'une durée de validité équivalente à celle du contrat de travail souscrit ou, pour les travailleurs non salariés, à la durée de l'activité professionnelle prévue. Sa durée de validité ne peut excéder cinq ans. / Sa délivrance est subordonnée à la production par le demandeur des justificatifs suivants : / 1° Un titre d'identité ou un passeport en cours de validité ; / 2° Une déclaration d'engagement ou d'emploi établie par l'employeur, une attestation d'emploi ou une preuve attestant d'une activité non salariée. " ; qu'enfin, l'article L. 511-3-1 de ce même code dispose : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, (...), ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : / 1° Qu'il ne justifie plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 121-1, L. 121-3 ou L. 121-4-1 ; (...). " ;
3. Considérant, d'une part, qu'il résulte de la combinaison des stipulations et dispositions précitées que la délivrance, pendant la période transitoire visée ci-dessus, d'un titre de séjour à un citoyen roumain pour l'exercice d'une activité non salariée en France est subordonnée à la production par l'intéressé d'un titre d'identité, ou d'un passeport en cours de validité, et d'une preuve attestant d'une activité non salariée, comme le prévoit l'article R. 121-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auquel renvoie l'article R. 121-16 du même code ; que s'il ne justifie plus d'un tel droit au séjour, le préfet est fondé à prendre une obligation de quitter le territoire français ;
4. Considérant que pour justifier de l'exercice de son activité d'auto-entrepreneur dans le domaine de la vente ambulante, M. B...avait produit en première instance un récépissé de dépôt de déclaration de début d'activité d'auto-entrepreneur du 24 mars 2011, des fiches de situation au répertoire des entreprises et des établissements des 25 mars 2011 et 2 septembre 2013, une attestation d'ouverture des droits auprès du régime social des indépendants en date du 23 mai 2012, une attestation de son assurance auto valable du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012, un extrait de son registre de comptabilité retraçant des opérations réalisées entre avril 2011 et juin 2012, quelques factures d'achat de marchandises et des tickets de paiement de location d'emplacement de marchés ; qu'en appel, il produit en outre trois nouvelles factures, dont deux ne comportent aucun montant, ainsi que deux attestations fiscales d'auto-entrepreneur, l'une au titre de l'année 2011, qui fait apparaître un montant de ventes de 533 euros, l'autre au titre de l'année 2012, qui fait apparaître un montant de ventes de 300 euros ; que l'accomplissement de ces différentes formalités, purement déclaratives, et ces quelques justificatifs d'achats, au demeurant pour des montants très faibles voire en l'absence de tout montant, ne peuvent, à défaut notamment de toute facture de ventes de produits ou des tickets de caisse correspondants, constituer la preuve d'une activité non salariée exigée par les dispositions de l'article R. 121-10 précité ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que l'intéressé ne peut être regardé comme remplissant la condition d'exercice d'une activité professionnelle au sens du premier alinéa de l'article R. 121-10 précité ;
5. Considérant, d'autre part, que si M. B...fait valoir que, du fait de son activité de commerçant ambulant, il remplirait la condition de ressources visée par le deuxième alinéa de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité, il ressort des pièces du dossier, et notamment d'une attestation de la caisse d'allocations familiales de la Vienne produite par le préfet de la Vienne, que, comme l'ont justement relevé les premiers juges, ses ressources provenaient essentiellement, au mois de janvier 2013, des prestations versées par cette caisse, d'un montant total mensuel de 1 766,72 euros ; que le requérant ne justifie pas par ailleurs de ressources suffisantes pour ne pas constituer une charge pour le système social français au sens des dispositions précitées de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile ; que, dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le requérant ne remplissait pas non plus la condition prévue au 2° de l'article L. 121-1 du même code pour pouvoir séjourner régulièrement en France ;
6. Considérant que M. B...ne remplissant les conditions exigées au 1° et au 2° de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour pouvoir séjourner régulièrement en France, le préfet a légalement pu prendre à son encontre une obligation de quitter le territoire français ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
8. Considérant que pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le tribunal administratif a relevé que M. B...est entré récemment en France, que son épouse, qui est de nationalité roumaine, a également fait l'objet d'une mesure d'éloignement prise à son encontre le 10 août 2012 par le préfet de la Seine-Saint-Denis ; qu'il en a déduit que rien ne faisait obstacle à ce que M. B... reconstruise sa cellule familiale en Roumanie où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-huit ans, où il ne démontre pas être dépourvu d'attaches familiales et personnelles, et où sont nés cinq de ses six enfants qui pourront y poursuivre leur scolarité, et qu'ainsi, la mesure contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'en l'absence de tout élément nouveau présenté en appel à l'appui de ce moyen, il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent être accueillies ;
Sur les conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont M. B... demande le versement à son conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
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No 14BX00058