Vu le recours enregistré le 29 février 2012 présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat (Direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-Ouest) qui demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°0803162 du 6 décembre 2011 du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il a déchargé M. et Mme B...A...des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ceux-ci ont été assujettis au titre de l'année 2003 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme A...devant le tribunal administratif et de rétablir les impositions en litige ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 mars 2014 ;
- le rapport de M. Cristille, premier conseiller ;
- les conclusions de M. de La Taille Lolainville, rapporteur public ;
- et les observations de Me Dupuy, avocat de M.A... ;
1. Considérant que M. A...a acquis en novembre et en décembre 2003 plusieurs lots dans un immeuble situé 26 rue Chartran à Carcassonne, à l'intérieur du secteur sauvegardé de la ville, et y a entrepris d'importants travaux de restauration ; qu'il a imputé sur son revenu global des années 2003 et 2004 l'intégralité des déficits fonciers résultant des dépenses correspondantes, sur le fondement des dispositions du 3° de l'article 156-I du code général des impôts ; qu'à la suite d'un examen contradictoire de sa situation fiscale d'ensemble portant sur les années 2003 et 2004, l'administration a remis en cause les déductions ainsi opérées ; que M. et Mme A...ont été assujettis en conséquence à des suppléments d'impôt sur le revenu pour un montant de 47 650 euros au titre de l'année 2003 et de 25 308 euros au titre de l'année 2004 ; qu'ils ont contesté ces cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ; que, par un jugement du 6 décembre 2011, le tribunal administratif de Bordeaux, après avoir rejeté comme irrecevables les conclusions afférentes à l'année 2004 pour défaut de réclamation préalable, a fait droit à la demande de décharge présentée au titre de l'année 2003 ; que le ministre de l'économie et des finances interjette appel de ce jugement en tant qu'il prononce cette décharge ;
2. Considérant que, pour prononcer la décharge des impositions en litige, le tribunal administratif a relevé qu'il résultait des dispositions combinées des articles 156-I 3° du code général des impôts et L. 313-1 à L. 313-3 du code de l'urbanisme que seuls les propriétaires d'immeubles agissant dans le cadre d'un groupement étaient autorisés à imputer sur leur revenu global les déficits fonciers provenant de dépenses de restauration d'immeubles situés dans un secteur sauvegardé et qu'en l'espèce la maîtrise d'ouvrage de l'opération ayant été assumée collectivement et l'association syndicale n'ayant pas eu un rôle seulement formel, l'administration ne pouvait légalement refuser la déduction des déficits fonciers en cause au seul motif que les travaux n'avaient pas été réalisés dans le cadre d'une opération groupée de restauration immobilière ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 156 du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'imposition en litige : " l'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé (...) sous déduction : I. du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus ; si le revenu global n'est pas suffisant pour que l'imputation puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur le revenu global des années suivantes jusqu'à la cinquième année inclusivement. Toutefois, n'est pas autorisée l'imputation : (...) 3° Des déficits fonciers, lesquels s'imputent exclusivement sur les revenus fonciers des dix années suivantes ; cette disposition n'est pas applicable (...) aux déficits provenant de dépenses autres que les intérêts d'emprunt effectuées sur des locaux d'habitation par leurs propriétaires et à leur initiative (...), en vue de la restauration complète d'un immeuble bâti en application des articles L. 313-1 à L. 313-3 du code de l'urbanisme et payées à compter de la date de publication du plan de sauvegarde et de mise en valeur. Il en est de même, lorsque les travaux de restauration ont été déclarés d'utilité publique en application de l'article L. 313-4-1 du code de l'urbanisme, des déficits provenant des mêmes dépenses effectuées sur un immeuble situé dans un secteur sauvegardé, dès sa création dans les conditions prévues à l'article L. 313-1 du même code, ou dans une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager créée en application de l'article 70 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 modifiée relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat. Les propriétaires prennent l'engagement de les louer nus, à usage de résidence principale du locataire, pendant une durée de six ans. La location doit prendre effet dans les douze mois qui suivent la date d'achèvement des travaux de restauration " ; que, si ces dispositions ne subordonnent pas la possibilité d'imputer sur le revenu global des déficits fonciers provenant des dépenses de restauration complète d'un immeuble bâti situé dans un secteur sauvegardé à la condition que les travaux aient été exécutés dans le cadre d'une opération groupée, elles exigent en revanche que ces dépenses aient été effectuées par les propriétaires de l'immeuble et à leur initiative ; que cette condition doit être regardée comme satisfaite lorsque les propriétaires de l'immeuble, groupés ou non, ont obtenu les autorisations exigées par les articles L. 313-2 et L. 313-3 du code de l'urbanisme et ont assumé la maîtrise d'ouvrage des travaux, c'est-à-dire, les ont engagés, financés et contrôlés ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le 28 décembre 2002, la société " à la Vierge des grands magasins de nouveautés ", propriétaire initial de l'immeuble situé 26 rue Chartran et qui en avait conservé plusieurs lots, et les acquéreurs des autres lots ont créé l'association foncière urbaine libre (AFUL) de " l'immeuble de la Vierge " ; que le budget destiné aux travaux de restauration de l'immeuble a été voté par les propriétaires lors de la première assemblée générale de l'association le 28 décembre 2002 ; qu'il résulte encore de l'instruction que l'association syndicale a déposé au nom des propriétaires une demande de permis de construire le 27 février 2003, puis le 23 juin 2003 et a signé le 10 février 2003 le marché avec les entreprises chargées d'effectuer les travaux ; que les travaux qui ont débuté le 5 juillet 2004 ont été payés intégralement par l'association ; que les propriétaires de l'immeuble, regroupés dans l'AFUL de " l'immeuble de la Vierge ", ont ainsi assuré la maîtrise d'ouvrage de l'opération de restauration ; que la circonstance que l'étude de faisabilité, la recherche des constructeurs et l'évaluation financière globale des travaux aient été réalisées par la société qui vendait le bien ne fait pas obstacle à ce que les propriétaires soient regardés comme ayant eu l'initiative des travaux au sens des dispositions précitées du 3° de l'article 156-1 du code général des impôts ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le 24 décembre 2003, l'assemblée générale de l'AFUL a accepté l'adhésion de M. A...qui avait acquis le 3 novembre 2003 les lots à usage commercial ou d'habitation 18 à 21 de l'immeuble par l'intermédiaire d'une société civile immobilière et le 29 décembre 2003 le lot 4 affecté à l'habitation ; que la somme de 107 590 euros dont M. A...a demandé l'imputation sur son revenu global de 2003 correspond à une fraction d'un ensemble de travaux effectués par l'AFUL de " l'immeuble de la Vierge " qui ont eu pour objet la restauration complète de l'immeuble situé 26 rue Chartran à Carcassonne ; que, dès lors, les déficits fonciers nés des dépenses correspondantes aux travaux en cause étaient de ceux qui peuvent être admis en déduction du revenu global en application des dispositions précitées de l'article 156 du code général des impôts ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a déchargé M. et Mme A...des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2003 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de M. et Mme A...de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1er : Le recours du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à M. et Mme A...la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
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N°12BX00526