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17/04/2014 | FRANCE | N°13BX03074

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 17 avril 2014, 13BX03074


Vu la requête enregistrée le 18 novembre 2013, présentée pour Mme C...A..., demeurant..., par la Selarl d'avocats Préguimbeau-Greze : AEGIS ;

Mme A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200838 du 3 octobre 2013 du tribunal administratif de Limoges qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 mars 2013 par lequel le préfet de la Haute-Vienne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de renvoi ;

2°) d'annuler cet arrêté

;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour sous...

Vu la requête enregistrée le 18 novembre 2013, présentée pour Mme C...A..., demeurant..., par la Selarl d'avocats Préguimbeau-Greze : AEGIS ;

Mme A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200838 du 3 octobre 2013 du tribunal administratif de Limoges qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 mars 2013 par lequel le préfet de la Haute-Vienne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de renvoi ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, subsidiairement, en cas d'annulation des seules décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays d'éloignement, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) subsidiairement, de surseoir à statuer dans l'attente de la réponse de la Cour de justice de l'Union européenne aux questions préjudicielles posées par le tribunal administratif de Melun dans son jugement du 8 mars 2013 n° 1301686 ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ainsi qu'une somme de 13 euros au titre du droit de plaidoirie en application de l'article 43 de la loi du 10 juillet 1991 ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 mars 2014 :

- le rapport de M. Richard, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Bentolila, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme C...A..., née en 1991, de nationalité guinéenne, entrée en France en janvier 2010 selon ses dires, a sollicité au mois de juillet 2012 la délivrance d'un titre de séjour ; que par un arrêté du 21 mars 2013, le préfet de la Haute-Vienne a rejeté sa demande, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de renvoi ; que Mme A...fait appel du jugement du 3 octobre 2013 du tribunal administratif de Limoges qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de séjour :

2. Considérant que, comme l'a relevé le tribunal administratif, l'arrêté attaqué vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et notamment son article 8, ainsi que les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont le préfet a fait application ; qu'il est ainsi suffisamment motivé en droit alors même qu'il ne vise pas la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...). " ;

4. Considérant que Mme A...soutient qu'elle est mère d'un enfant né en France le 21 février 2013, reconnu par M.B..., compatriote en situation régulière et avec lequel elle vit maritalement ; que, toutefois, à la date de la décision attaquée, aucun des éléments produits par la requérante ne corrobore l'ancienneté de sa relation avec M. B... ; que M. B...n'était titulaire que d'un titre de séjour temporaire valable un an, venant à expiration le 4 mai 2013 ; que la requérante, dont l'ancienneté du séjour en France n'est pas établie, n'établit pas davantage ne plus avoir d'attaches familiales dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, en l'absence de circonstances particulières faisant obstacle à la reconstitution de la vie familiale de Mme A...en Guinée, dont le père de son enfant est également originaire, le refus de séjour opposé à l'intéressée, n'a pas porté au droit de Mme A...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes raisons, le préfet de la Haute-Vienne n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

6. Considérant qu'ainsi qu'il a été au point 4 ci-dessus, la décision litigieuse n'a ni pour objet, ni pour effet de séparer l'enfant de son père ou de sa mère, la cellule familiale pouvant se reconstruire en Guinée ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;

7. Considérant qu'en vertu de l'article L. 312-2 du même code, la commission du titre de séjour est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage notamment de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues notamment à cet article et auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus en ce qui concerne sa vie privée et familiale que Mme A... ne saurait, en tout état de cause, être regardée comme remplissant les conditions prévues pour la délivrance d'un titre de séjour de plein droit en application du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le moyen tiré de l'absence de consultation de la commission du titre de séjour doit, dès lors, être écarté ;

8. Considérant que Mme A...soutient que le préfet, pour lui refuser la délivrance d'un titre de séjour, s'est à tort fondé sur l'usage, par elle, d'un document d'état-civil falsifié, alors que la procédure pénale concernant ces faits allégués pour lesquels elle a été relaxée, était en cours, que ces faits sont erronés et qu'il n'appartient pas aux autorités françaises d'apprécier la validité d'un acte d'état civil étranger ; que, pour écarter ce moyen le tribunal administratif a estimé " qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur les seuls motifs tirés de ce que Mme A...ne remplissait pas les conditions prévues par le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de ce que le refus de séjour ne portait pas une atteinte disproportionnée à son droit de mener une vie privée et familiale normale, qui suffisent à justifier légalement la décision contestée " ; qu'il y a lieu, par adoption de ce motif retenu à... ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

9. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision de refus de séjour n'étant pas entachée d'illégalité, la requérante n'est pas fondée à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

10. Considérant qu'aux termes de l'article R. 311-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " En cas de refus de délivrance de tout titre de séjour, l'étranger est tenu de quitter le territoire français " ; que MmeA..., qui avait la possibilité, pendant l'instruction de sa demande, de faire connaître, de manière utile et effective, les éléments justifiant son admission au séjour, ne pouvait ignorer qu'en cas de rejet de sa demande de titre de séjour, elle pourrait faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; que selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne [C-383/13 PPU du 10 septembre 2013] une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la requérante aurait eu de nouveaux éléments à faire valoir qui auraient conduit le préfet à prendre une décision différente ; que, par suite, et sans qu'il y ait lieu de surseoir à statuer dans l'attente de la réponse de la Cour de justice de l'Union européenne à la question préjudicielle posée par le tribunal administratif de Melun, le moyen tiré de ce qu'en prenant à son encontre une mesure de refus de séjour sans le mettre en mesure de présenter ses observations, le préfet aurait porté atteinte au principe général du droit de l'Union européenne garantissant à toute personne le droit d'être entendue préalablement à l'adoption d'une mesure individuelle l'affectant défavorablement et également méconnu les dispositions de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doit être écarté ;

11. Considérant que, pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 4 et 6 ci-dessus, les moyens tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de Mme A...porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et serait contraire aux stipulations du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant, doivent être écartés ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

12. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas entachée d'illégalité, la requérante n'est pas fondée à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi ;

13. Considérant que l'arrêté contesté vise l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et mentionne que Mme A...n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ; que la décision fixant le pays de renvoi est ainsi suffisamment motivée au regard des exigences de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;

14. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, l'éloignement de Mme A...vers son pays d'origine n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, pour effet de séparer durablement son fils de l'un de ses parents, et que rien ne fait obstacle à ce que la vie familiale se reconstitue dans son pays d'origine ; qu'en l'absence de tout autre élément permettant d'estimer que les intérêts de son enfant seraient menacés dans ce pays, la décision fixant le pays d'éloignement ne peut être regardée comme méconnaissant de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

16. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par MmeA..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

17. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont la requérante demande le versement à son conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, y compris les droits de plaidoirie ;

DECIDE

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

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No 13BX03074


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 13BX03074
Date de la décision : 17/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. CHEMIN
Rapporteur ?: M. Jean-Emmanuel RICHARD
Rapporteur public ?: M. BENTOLILA
Avocat(s) : SELARL PREGUIMBEAU - GREZE : AEGIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2014-04-17;13bx03074 ?
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