La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/04/2014 | FRANCE | N°12BX02499

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 17 avril 2014, 12BX02499


Vu la requête enregistrée par télécopie le 14 septembre 2012, et régularisée par courrier le 20 septembre suivant, présentée pour M. A...B..., domicilié " ..., par Me Mainier-Schall ;

M. B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0804621 du 17 juillet 2012 du tribunal administratif de Toulouse qui a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 27 août 2008 par lequel le recteur de l'académie de Toulouse lui a infligé la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre mois, ainsi que de la décision du 16

septembre 2008 de rejet de son recours gracieux formé contre cet arrêté, et, d'...

Vu la requête enregistrée par télécopie le 14 septembre 2012, et régularisée par courrier le 20 septembre suivant, présentée pour M. A...B..., domicilié " ..., par Me Mainier-Schall ;

M. B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0804621 du 17 juillet 2012 du tribunal administratif de Toulouse qui a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 27 août 2008 par lequel le recteur de l'académie de Toulouse lui a infligé la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre mois, ainsi que de la décision du 16 septembre 2008 de rejet de son recours gracieux formé contre cet arrêté, et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint au recteur de procéder à la reconstitution de sa carrière avec le versement de dommages et intérêts y afférent ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'enjoindre au recteur de procéder à la reconstitution de sa carrière avec le versement des dommages et intérêts ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens ;

---------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée ;

Vu le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 modifié ;

Vu le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 mars 2014 :

- le rapport de Mme Rey-Gabriac, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Bentolila, rapporteur public ;

- les observations de Me Mainier-Schall, avocat de M.B... ;

1. Considérant que M.B..., né en 1952, qui appartient au corps des adjoints techniques des établissements d'enseignement du ministère de l'éducation nationale, détaché depuis le 1er janvier 2009 dans le corps des adjoints techniques territoriaux des établissements d'enseignement, était affecté au lycée Clément Marot à Cahors pour y exercer ses fonctions au sein du service de restauration ; qu'il a fait l'objet d'une sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions sans sursis pour une durée de quatre mois par un arrêté du 27 août 2008 du recteur de l'académie de Toulouse, pris après avis favorable de la commission administrative paritaire académique siégeant en formation disciplinaire ; qu'il fait appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 17 juillet 2012 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ainsi que de la décision du 16 septembre 2008 rejetant son recours gracieux formé à l'encontre de cette décision et à ce qu'il soit enjoint au recteur de procéder à la reconstitution de sa carrière avec le versement des dommages et intérêts y afférents ; qu'il demande à la cour de faire droit à sa demande et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20 000 euros au titre du préjudice moral et de carrière qu'il estime avoir subi ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que si M. B...affirme que le jugement attaqué " est entaché d'un défaut de motivation ", il n'étaye pas ce moyen des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ; qu'en tout état de cause, il résulte de la rédaction du jugement que les premiers juges ne se sont pas abstenus d'examiner les documents et témoignages produits par le requérant ; que, contrairement à ce qu'il soutient, le tribunal qui n'était pas saisi d'une demande indemnitaire pour harcèlement moral, n'a pas omis de statuer sur ses conclusions ; que, par suite, les moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué doivent être écartés ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat : " Le fonctionnaire poursuivi peut présenter devant le Conseil de discipline des observations écrites ou orales, citer des témoins et se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix. Le droit de citer des témoins appartient également à l'administration. / Les frais de déplacement et de séjour des témoins cités par le fonctionnaire poursuivi ainsi que les frais de déplacement et de séjour de son ou de ses défenseurs ne sont pas remboursés par l'administration. " ; que l'article 4 du même décret dispose : " Le fonctionnaire poursuivi est convoqué par le président du conseil de discipline quinze jours au moins avant la date de réunion, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. " ; qu'enfin, selon l'article 5 de ce même décret : " (...). Le rapport établi par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire (...) et les observations écrites éventuellement présentées par le fonctionnaire sont lus en séance. / Le conseil de discipline entend séparément chaque témoin cité. / (...). Le fonctionnaire et, le cas échéant, son ou ses défenseurs peuvent, à tout moment de la procédure devant le conseil de discipline, demander au président l'autorisation d'intervenir afin de présenter des observations orales. Ils doivent être invités à présenter d'ultimes observations avant que le conseil ne commence à délibérer. " ;

3. Considérant qu'ainsi que l'a relevé le tribunal administratif, si le procès-verbal de la commission administrative paritaire académique siégeant en formation disciplinaire ne mentionne pas que la lecture des observations écrites du requérant a été effectuée en séance, le requérant n'établit ni même n'allègue que les membres du conseil de discipline n'auraient pas eu connaissance de ces observations avant d'émettre leur avis motivé sur les suites qui paraissaient devoir être réservées à la procédure disciplinaire engagée à son encontre ; qu'il ressort du procès-verbal de la commission du 26 août 2008 que M.B..., ainsi que ses deux défenseurs, ont pu s'exprimer à maintes reprises et ont été invités par le président à présenter leurs ultimes observations ou questions ; qu'ainsi, contrairement à ce qu'il soutient, le requérant a eu la possibilité de présenter ses observations orales tout au long de cette réunion ainsi que ses ultimes observations avant que le conseil de discipline ne délibère ; que, dans ces conditions, comme que l'a encore relevé le tribunal administratif dans les motifs de son jugement qu'il convient d'adopter, la circonstance que les observations écrites du requérant n'aient pas été lues en cours de séance du conseil de discipline ne peut être regardée comme ayant eu une incidence sur le sens de l'avis émis par ce dernier ou comme ayant privé le requérant d'une garantie ;

4. Considérant qu'il ressort également du procès-verbal de la commission administrative paritaire académique que si M. B... n'a pas fait citer de témoins en sa faveur, cela relève d'un choix de sa part, qu'il attribue au non-remboursement de leurs frais de déplacement par l'administration et non parce qu'il n'y aurait pas été invité ou qu'il aurait essuyé un refus ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 30 mai 2008, que M. B...ne conteste pas avoir reçu, le recteur de l'académie de Toulouse l'a invité à consulter son dossier administratif et à présenter ses observations le 13 juin 2008 ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, ce délai était suffisant pour qu'il puisse préparer sa défense et présenter des observations, ce qu'il a d'ailleurs fait lors du conseil de discipline du 26 août 2008, comme cela a été rappelé ci-dessus ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui à été dit précédemment que les moyens tirés du non-respect des droits de la défense et du principe du contradictoire doivent être écartés ; qu'en tout état de cause, s'agissant de la violation des droits de la défense, M.B..., qui avait la qualité de fonctionnaire de l'Etat, ne saurait utilement invoquer une méconnaissance de l'article 9 du décret du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux ;

En ce qui concerne la légalité interne :

7. Considérant qu'aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. (...) Troisième groupe : - la rétrogradation ; - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans. (...) L'exclusion temporaire de fonctions, qui est privative de toute rémunération, peut-être assortis d'un sursis total ou partiel. (...) " ;

8. Considérant que la décision contestée est fondée sur le " comportement intempérant réitéré " de M. B...dans la mesure où il a " proféré des menaces et manqué de façon répétée, dans son attitude, à l'obligation de dignité et de respect de la personne de ses collègues de travail, de ses supérieurs hiérarchiques et d'élèves " ; qu'elle lui fait également grief d'avoir " manqué à l'obligation professionnelle d'accomplir un service de qualité ", d'avoir " manqué au principe d'obéissance hiérarchique ", d'avoir " manqué à son devoir de réserve ", et d'avoir " porté entrave au bon fonctionnement du service public dans son établissement d'affectation " ; que, pour établir ces griefs, cette décision se fonde sur un rapport de l'agent-chef du lycée du 31 janvier 2008 et sur un rapport du gestionnaire du 1er février 2008, ainsi que sur un courrier du proviseur du 4 mars 2008 ;

9. Considérant que les deux rapports précités sont très circonstanciés sur le comportement de M.B..., et notamment sur l'incident qui l'a opposé à deux collègues féminines en cuisine le jeudi 31 janvier 2008 et sur son comportement le lendemain ; que si M. B... produit un certain nombre d'attestations de collègues ou d'anciens collègues en sa faveur, celles-ci, qui soulignent les bonnes relations qu'ils ont toujours eues avec lui, ne suffisent pas à démontrer que l'incident du 31 janvier 2008 ne se serait pas déroulé tel que décrit dans ces deux rapports ; que, par ailleurs, M. B...reconnaît avoir adressé directement plusieurs courriers au recteur, sans passer par la voie hiérarchique, dans lesquels il dénonçait certains dysfonctionnements internes dans la gestion de l'établissement, notamment au plan de la gestion du personnel technique ; que ces faits qui mettent en lumière un comportement contraire à l'obligation de dignité et de respect de la personne de ses collègues de travail, ainsi qu'à l'égard de ses supérieurs hiérarchiques, et dont la matérialité est établie, étaient de nature à eux seuls à justifier la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre mois qui a été prononcée ; que ces motifs suffisant à eux seuls à justifier la sanction qui a été prise, la contestation des autres motifs de l'arrêté litigieux, et notamment celui d'avoir manqué de respect à des élèves musulmans en leur servant du porc qu'il aurait fait passer pour de l'agneau est inopérante ;

10. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : /1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) " ;

11. Considérant qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

12. Considérant que pour soutenir pour la première fois en appel qu'il est victime de harcèlement moral, M. B...produit des attestations de collègues ou d'anciens collègues, ainsi qu'un certain nombre de courriers, de documents, notamment syndicaux ; qu'il produit en outre des certificats et rapport médicaux ainsi que des arrêts de travail qui attestent de la dégradation de son état de santé postérieurement ou en lien avec la sanction qui a été prononcée, et fait état dans ses dernières écritures d'une plainte avec constitution de partie civile qu'il a déposée pour harcèlement moral ; que cependant, si les documents qu'il produits révèlent un climat social très tendu dans cet établissement, notamment au niveau des personnels techniques, et montrent qu'il souffre d'une pathologie anxio-dépressive, il ne ressort pas des pièces du dossier au regard du comportement incompatible avec le bon fonctionnement du service dont il a lui-même fait preuve et qui justifie la sanction qui a été prise, que celle-ci procèderait d'agissements répétés de la part de son administration qui excèderaient les limites du pouvoir hiérarchique et pourraient être qualifiés de harcèlement moral au sens des dispositions précitées de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il y a lieu de faire droit à la mesure d'instruction sollicitée, que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions indemnitaires :

14. Considérant qu'il résulte de ce qui a été précédemment que l'administration n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité ; que, par suite, les conclusions du requérant tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi, ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

15. Considérant que le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M.B... n'appelle aucune mesure d'exécution ; que par suite, ses conclusions à fin de reconstitution de carrière ne peuvent être accueillies ;

Sur les dépens :

16. Considérant qu'il y a lieu de laisser les dépens comprenant la contribution pour l'aide juridique d'un montant de 35 euros à la charge de M.B... ;

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie tenue aux dépens ou la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

''

''

''

''

2

No 12BX02499


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 12BX02499
Date de la décision : 17/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. CHEMIN
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: M. BENTOLILA
Avocat(s) : MAINIER-SCHALL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2014-04-17;12bx02499 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award