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17/02/2014 | FRANCE | N°12BX03199

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 17 février 2014, 12BX03199


Vu la requête enregistrée le 18 décembre 2012, présentée par le ministre des outre-mer ;

Le ministre des outre-mer demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 31/09 du 26 septembre 2012, du tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon qui a, sur la demande de la Banque de Saint-Pierre-et-Miquelon, condamné l'Etat à lui verser la somme de 458 750 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, correspondant au montant de la compensation financière qui aurait dû être versée à la société Alliance

la fin du mois de juin 2008 et a mis à sa charge la somme de 1 500 euros au titre...

Vu la requête enregistrée le 18 décembre 2012, présentée par le ministre des outre-mer ;

Le ministre des outre-mer demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 31/09 du 26 septembre 2012, du tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon qui a, sur la demande de la Banque de Saint-Pierre-et-Miquelon, condamné l'Etat à lui verser la somme de 458 750 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, correspondant au montant de la compensation financière qui aurait dû être versée à la société Alliance à la fin du mois de juin 2008 et a mis à sa charge la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) à titre accessoire, de surseoir à l'exécution du jugement attaqué ;

3) de mettre à la charge de la Banque de Saint-Pierre-et-Miquelon la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 modifié ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 janvier 2014 :

- le rapport de Mme Rey-Gabriac, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Bentolila, rapporteur public ;

- les observations de Me Bouchet, avocat de la Banque de Saint-Pierre-et-Miquelon ;

1. Considérant que par une convention de délégation de service public du 29 décembre 2004, conclue pour une durée de cinq ans, l'Etat a confié à la société Alliance l'exploitation et la gestion du service de desserte maritime internationale en fret de l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon ; qu'en raison de difficultés financières, la société Alliance a interrompu la desserte à compter du 27 juin 2008 ; que cette société avait, par bordereau du 12 décembre 2007, cédé à la Banque de Saint-Pierre-et-Miquelon la créance correspondant au montant annuel de la compensation prévue pour l'année 2008 en application de la convention précitée ; qu'en sa qualité de cessionnaire de la créance détenue par la société Alliance, la Banque de Saint-Pierre-et-Miquelon a demandé la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 458 750 euros correspondant, selon elle, à la part de la compensation forfaitaire annuelle qui n'a pas été versée à la société Alliance à la fin du mois de juin 2008 ; que le ministre des outre-mer fait appel du jugement du 26 septembre 2012 du tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon qui a, sur la demande de la Banque, condamné l'Etat à verser à cette dernière la somme de 458 750 euros, assortie des intérêts à taux légal et de la capitalisation de ceux-ci ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-23 du code monétaire et financier: " Tout crédit qu'un établissement de crédit consent à une personne morale de droit privé ou de droit public, ou à une personne physique dans l'exercice par celle-ci de son activité professionnelle, peut donner lieu au profit de cet établissement, par la seule remise d'un bordereau, à la cession ou au nantissement par le bénéficiaire du crédit, de toute créance que celui-ci peut détenir sur un tiers, personne morale de droit public ou de droit privé ou personne physique dans l'exercice par celle-ci de son activité professionnelle. / Peuvent être cédées ou données en nantissement les créances liquides et exigibles, même à terme. Peuvent également être cédées ou données en nantissement les créances résultant d'un acte déjà intervenu ou à intervenir mais dont le montant et l'exigibilité ne sont pas encore déterminés. / (...) " ; qu'aux termes de l'article L.313-24 du même code: " Même lorsqu'elle est effectuée à titre de garantie et sans stipulation d'un prix, la cession de créance transfère au cessionnaire la propriété de la créance cédée. (...) " ; que l'article L.313-27 de ce même code dispose : " La cession ou le nantissement prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date apposée sur le bordereau lors de sa remise, quelle que soit la date de naissance, d'échéance ou d'exigibilité des créances, sans qu'il soit besoin d'autre formalité, et ce quelle que soit la loi applicable aux créances et la loi du pays de résidence des débiteurs. (...) La remise du bordereau entraîne de plein droit le transfert des sûretés, des garanties et des accessoires attachés à chaque créance, y compris les sûretés hypothécaires, et son opposabilité aux tiers sans qu'il soit besoin d'autre formalité. (...) " ; que selon l'article L. 313-28 du même code : " L'établissement de crédit peut, à tout moment, interdire au débiteur de la créance cédée ou nantie de payer entre les mains du signataire du bordereau. A compter de cette notification, dont les formes sont fixées par le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 313-35, le débiteur ne se libère valablement qu'auprès de l'établissement de crédit. "; qu'enfin, aux termes de l'article L. 313-29 de ce code : " Sur la demande du bénéficiaire du bordereau, le débiteur peut s'engager à le payer directement: cet engagement est constaté, à peine de nullité, par un écrit intitulé : "Acte d'acceptation de la cession ou du nantissement d'une créance professionnelle". / Dans ce cas, le débiteur ne peut opposer à l'établissement de crédit les exceptions fondées sur ses rapports personnels avec le signataire du bordereau, à moins que l'établissement de crédit, en acquérant ou en recevant la créance, n'ait agi sciemment au détriment du débiteur. " ;

3. Considérant que les dispositions précitées des articles L. 313-28 et L. 313-29 du code monétaire et financier sont applicables aux créances détenues sur des personnes morales de droit public ; que la souscription par le débiteur d'une créance cédée, à la demande de l'établissement de crédit cessionnaire, de l'acte d'acceptation prévu à l'article L. 313-29 a pour effet de créer à l'encontre de ce débiteur une obligation de paiement entre les mains du bénéficiaire du bordereau, détachée de la créance initiale de l'entreprise et contre laquelle il ne peut faire valoir des exceptions tirées de ses rapports avec l'entreprise cédante ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que la Banque de Saint-Pierre-et-Miquelon a régulièrement notifié, par courriers des 1er et 2 avril 2008, au comptable public de la collectivité de Saint-Pierre et Miquelon la cession de créance opérée par un bordereau signé le 12 décembre 2007 entre la Banque des Iles, devenue la Banque de Saint-Pierre et Miquelon, et la société Alliance ; que cependant, il est constant qu'aucune demande d'acceptation de cette cession de créance n'a été faite par l'établissement cessionnaire bénéficiaire du bordereau auprès du préfet, représentant de l'Etat dans la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon, engagement qui aurait dû, aux termes de l'article L. 313-29 du code monétaire et financier, être formalisé par un écrit intitulé " acceptation de la cession " ; que, dans ces conditions, la créance en litige, régulièrement cédée et dont la cession a été régulièrement notifiée au comptable public, est opposable à l'Etat, qui ne peut désormais se libérer de sa dette qu'envers la Banque de Saint-Pierre-et-Miquelon ; qu'ainsi, si le défaut de procédure d'acceptation par l'Etat de cette créance dans les formes prescrites par les dispositions de l'article L. 313-29 du code monétaire et financier, ne saurait avoir pour conséquence pour celui-ci de s'exonérer de sa dette vis-à-vis de la Banque, il est toutefois fondé à en contester le bien-fondé en faisant valoir les fautes qu'aurait commises le délégataire dans l'exécution de la mission de service public dont il était chargé ;

5. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 19 de la convention de délégation de service public du 29 décembre 2004 : " Le montant annuel de la compensation forfaitaire sera versé en trois fois, soit 50 % fin février, 25 % fin juin et 25 % fin novembre, après contrôle par l'autorité délégante du respect des obligation de service public et principalement du nombre des rotations assurées pendant le trimestre, soit 12 ou 13 sur la base de 50 rotations prévues par an " ; qu'ainsi, aux termes des stipulations de cet article, chacun des trois versements est conditionné par l'accomplissement du nombre de rotations qu'est tenu d'effectuer le délégataire ; que la Banque de Saint-Pierre-et-Miquelon a justifié, en première instance, par la production d'un document du 27 juin 2008 certifié par le commandant du port de Saint-Pierre, de l'accomplissement par la société Alliance, entre le 1er avril et le 30 juin 2008, des treize rotations imposées par la convention ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal administratif a considéré que la société Alliance avait rempli ses obligations de délégataire de service public au deuxième trimestre 2008 ;

6. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 28 de la convention précitée, intitulé " sanctions financières " : " En cas de manquement aux obligations de service public, et en particulier en cas d'interruption non justifiée du service sur l'une des lignes pendant deux semaines, le montant de la compensation financière sera réduit à proportion du nombre de voyages prévus sur le trimestre correspondant. / Le non respect des autres obligations de service public pourra entraîner des pénalités dont le montant sera établi en rapport avec le préjudice ainsi créé " ;

7. Considérant que le ministre des outre-mer invoque différents manquements qu'aurait commis la société Alliance, et notamment la rupture unilatérale de ses obligations à compter de la fin juin 2008 qui a entraîné la rupture du service, l'octroi de remises tarifaires illégales, le défaut de mise en oeuvre d'ajustements financiers, la non-transmission de comptes rendus périodiques, l'absence d'élévation du capital social à hauteur de 1 000 000 d'euros comme l'exige l'article 23 de la convention, et soutient que ces différents manquements sont de nature à entraîner la réduction de la compensation financière en application de l'article 28 de la convention ; que toutefois l'administration n'établit pas, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que la société Alliance n'aurait pas rempli ses obligations de délégataire de service public au deuxième trimestre 2008 ni en quoi ces manquements pourraient entraîner une réduction de la compensation financière à proportion du nombre de voyages prévus sur le trimestre correspondant ; qu'elle n'apporte au demeurant aucune précision sur le montant des pénalités qui pourraient être établies en rapport avec le préjudice allégué en application des stipulations contractuelles précitées;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre des outre-mer n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon a estimé que la cession de créance en litige était opposable à l'Etat et l'a condamné à verser à la Banque de Saint-Pierre et Miquelon la somme de 458 750 euros ;

9. Considérant que le présent arrêt statue au fond sur la requête du ministre des outre-mer ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de ses conclusions à fin de sursis à exécution du jugement attaqué, il n'y a pas lieu de statuer sur ces conclusions ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Banque de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le ministre des outre-mer demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la Banque de Saint-Pierre-et-Miquelon sur le fondement des mêmes dispositions ;

DECIDE

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement n° 31/09 du 26 septembre 2012 du tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon présentées par le ministre des outre-mer.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du ministre des outre-mer est rejeté.

Article 3 : L'Etat versera à la Banque de Saint-Pierre-et-Miquelon la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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No 12BX03199


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 12BX03199
Date de la décision : 17/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CHEMIN
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: M. BENTOLILA
Avocat(s) : FROMENT-MEURISE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2014-02-17;12bx03199 ?
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