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23/12/2013 | FRANCE | N°13BX01851

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 23 décembre 2013, 13BX01851


Vu la requête enregistrée par télécopie le 7 juillet 2013, et régularisée par courrier le 18 juillet suivant, présentée pour Mme A...B..., demeurant au..., par Me C... ;

Mme B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1302460 du 7 juin 2013 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 juin du préfet de la Haute-Garonne portant obligation de quitter le territoire français, sans délai de départ volontaire et fixation le pays de renvoi, ainsi que de la déci

sion du même jour prononçant son placement en rétention administrative ;

2°) d'ann...

Vu la requête enregistrée par télécopie le 7 juillet 2013, et régularisée par courrier le 18 juillet suivant, présentée pour Mme A...B..., demeurant au..., par Me C... ;

Mme B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1302460 du 7 juin 2013 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 juin du préfet de la Haute-Garonne portant obligation de quitter le territoire français, sans délai de départ volontaire et fixation le pays de renvoi, ainsi que de la décision du même jour prononçant son placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de sept jours, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de se prononcer sur son droit au séjour dans le délai d'un mois, sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;

Vu la convention de l'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;

Vu l'accord entre la République française et le Royaume d'Espagne relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière, signé à Malaga le 26 novembre 2002, publié par le décret n° 2004-226 du 9 mars 2004 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 novembre 2013 :

- le rapport de M. Richard, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Bentolila, rapporteur public ;

1. Considérant que MmeB..., de nationalité nigériane, née le 9 mai 1983 a fait l'objet, le 3 juin 2013, à la suite de son interpellation par les services de police, d'un arrêté du préfet de la Haute-Garonne lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire avec fixation du pays de renvoi, ainsi que d'une décision le même jour la plaçant en rétention administrative ; qu'elle fait appel du jugement du 7 juin 2013 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

2. Considérant que l'arrêté en litige vise les textes dont il est fait application et contient les éléments de faits propres à la situation de l'intéressée ; qu'il est ainsi suffisamment motivé, alors même qu'il ne fait pas mention de l'accord franco-espagnol du 9 mars 2005 ;

3. Considérant que le premier juge a relevé que la requérante a été entendue à deux reprises le 3 juin 2013 et qu'il ressort des deux procès-verbaux signés par l'intéressée, assistée d'un interprète, que les services de police lui ont indiqué qu'une mesure d'éloignement était susceptible d'être prise à son encontre et qu'elle avait la possibilité de présenter des observations écrites ou orales ; que la requérante qui se borne à soutenir qu'elle aurait été dans l'impossibilité de présenter des observations orales contre la décision litigieuse, n'apporte aucune critique de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le premier juge qui a, à juste titre, écarté le moyen tiré de la violation du droit d'être entendu garanti par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne (...) ", et qu'en vertu de l'article L. 531-2 du même code : " Les dispositions de l'article L. 531-1 sont applicables (...) à l'étranger qui, en provenance du territoire d'un Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, est entré ou a séjourné sur le territoire métropolitain sans se conformer aux dispositions des articles 19, paragraphe 1 ou 2,20, paragraphe 1, ou 21, paragraphe 1 ou 2, de cette convention ou sans souscrire, au moment de l'entrée sur ce territoire, la déclaration obligatoire prévue par l'article 22 de la même convention, alors qu'il était astreint à cette formalité. (...) " ;

5. Considérant que la requérante soutient que le préfet ne pouvait édicter une décision portant obligation de quitter le territoire français, sans saisir au préalable les autorités espagnoles en vue de sa réadmission vers l'Espagne et s'assurer de son droit à être éventuellement remise à ces autorités ;

6. Considérant, toutefois, que les stipulations de l'accord entre l'Espagne et la France relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière signé à Malaga le 26 novembre 2002 n'imposent pas aux autorités françaises de demander la réadmission en Espagne d'un étranger en situation irrégulière qui a précédemment séjourné dans ce pays ; que Mme B...ne soutient pas détenir une autorisation de séjour en Espagne ; que, dans ces conditions, le préfet, qui n'a pas mis en oeuvre la procédure de réadmission prévue par cet accord, a pu légalement prendre à l'encontre de l'intéressée une mesure d'éloignement sans avoir préalablement à demander à l'Espagne sa réadmission ;

7. Considérant que MmeB..., célibataire et sans enfant, est arrivée récemment en France et a vécu près de trente ans hors de France ; qu'elle n'a sollicité aucun titre de séjour ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la mesure d'éloignement n'a pas porté au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée;

En ce qui concerne le refus de délai de départ volontaire :

8. Considérant qu'aux termes du paragraphe II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...). / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. (...) " ;

9. Considérant qu'il est constant que la situation de MmeB..., qui s'est maintenue sur le territoire national sans solliciter la délivrance d'un titre de séjour, entrait dans le champ d'application des dispositions précitées du b) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui permettent à l'autorité administrative de priver l'étranger d'un délai de départ volontaire ; que le préfet a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, estimer, compte tenu notamment de ce que l'intéressée était restée plusieurs mois en situation irrégulière et sans justifier d'un domicile fixe, effectif et permanent, même par la production d'une inscription le 9 novembre 2012 d'une inscription sur les listes de recensement de la mairie de Palma, que Mme B...n'était pas dans une situation particulière permettant d'écarter le risque de fuite ; qu'il a donc pu légalement refuser de lui accorder un délai de départ volontaire ;

En ce qui concerne la fixation du pays de renvoi :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ;

11. Considérant que, contrairement à ce qu'elle soutient, Mme B...n'avait invoqué devant le premier juge aucun moyen spécifique à l'encontre de la décision distincte contenue dans l'arrêté du 3 juin 2003 portant fixation du pays de renvoi ; qu'elle n'est dès lors pas fondée à critiquer le jugement attaqué sur ce point ;

12. Considérant par l'arrêté contesté, le préfet de la Haute-Garonne a décidé d'éloigner l'intéressée à destination du pays dont elle a la nationalité ou de tout autre pays où elle est légalement admissible ; que la requérante, à qui il a été loisible de présenter des observations, comme il a été dit au point 3 ci-dessus, ne justifie pas avoir demandé à être admise en Espagne, lors des deux entretiens qu'elle a eu avec les services de police ;

En ce qui concerne le placement en rétention administrative :

13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) ; 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...). " ;

14. Considérant que si Mme B...soutient qu'elle avait demandé à être assignée à résidence, en produisant une carte d'admission à l'aide médicale de l'Etat et des attestations de domicile, il ressort des pièces du dossier que la requérante ne démontre pas disposer d'une résidence stable que ce soit en France ou même en Espagne, qu'elle ne dispose d'aucun document d'identité, qu'elle s'est présentée avec de multiples identités et n'a jamais sollicité une régularisation de sa situation en France ; que, par suite, le préfet a pu, à bon droit, décider de placer la requérante en rétention sans commettre d'erreur d'appréciation ;

15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 3 juin 2013 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

16. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation, présentées par MmeB..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions présentées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 :

17. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante au présent litige, la somme dont Mme B...demande le versement à son conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

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No 13BX01851


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 13BX01851
Date de la décision : 23/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. CHEMIN
Rapporteur ?: M. Jean-Emmanuel RICHARD
Rapporteur public ?: M. BENTOLILA
Avocat(s) : MAINIER-SCHALL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2013-12-23;13bx01851 ?
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