Vu la requête enregistrée le 12 septembre 2011 sous forme de télécopie et régularisée le 14 septembre 2011, présentée pour la S.A. Usine du Marin, dont le siège est situé chez Azurel Martinique à Le Marin (97290), par la SCP Hélène Didier et François Pinet ;
La société Usine du Marin demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0900094 du 11 juillet 2011 par lequel le tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite née du silence gardé par le préfet de la région Martinique sur sa demande en date du 23 octobre 2008 tendant à obtenir le concours de la force publique en vue d'assurer l'exécution du jugement du 13 février 1990 du tribunal de grande instance de Fort-de-France ordonnant aux occupants sans droit ni titre de quitter les terrains dénommés " Habitation Anse Noire ", sis sur le territoire de la commune de Sainte Anne dont elle est propriétaire ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Martinique d'accorder le concours de la force publique afin d'assurer l'exécution du jugement du 13 février 1990 du tribunal de grande instance de Fort-de-France confirmé par l'arrêt de la cour d'appel de Fort-de-France du 19 juin 1992 ;
3°) d'assortir cette injonction d'une astreinte de 300 euros par jour de retard à compter d'un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de procédure civile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 novembre 2013 :
- le rapport de M. Riou, président assesseur ;
- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public ;
1. Considérant que, par un jugement du 13 février 1990, le tribunal de grande instance de Fort-de-France a ordonné l'expulsion au besoin par la force publique, dans un délai d'un mois à compter de la signification dudit jugement, des occupants sans titre de la propriété " Anse Noire ", sise à Sainte-Anne (Martinique) appartenant à la S.A. Usine du Marin ; que la société Usine du Marin, n'ayant pu obtenir des occupants qu'ils libèrent les lieux depuis cette décision, confirmée par la cour d'appel de Fort-de-France, le 19 juin 1992, a demandé, une nouvelle fois, le 23 octobre 2008 au préfet de la région Martinique de lui prêter le concours de la force publique aux fins d'expulsion ; que l'administration n'ayant pas répondu à cette demande, la société Usine du Marin a demandé au tribunal administratif d'annuler le refus implicite de concours de la force publique ; que, par le jugement en date du 11 juillet 2011 dont la société fait appel, le tribunal administratif a rejeté sa demande ;
2. Considérant que toute décision de justice ayant force exécutoire peut donner lieu à une exécution forcée, la force publique devant, si elle est requise, prêter main forte à cette exécution ; que, toutefois, des considérations impérieuses tenant à la sauvegarde de l'ordre public ou à la survenance de circonstances postérieures à la décision judiciaire d'expulsion telles que l'exécution de celle-ci serait susceptible d'attenter à la dignité de la personne humaine, peuvent légalement justifier, sans qu'il soit porté atteinte au principe de la séparation des pouvoirs, le refus de prêter le concours de la force publique ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les occupants sans titre de la propriété " Anse Noire " située à Sainte-Anne, dont l'expulsion a été ordonnée par le jugement susmentionné du 13 février 1990, revendiquent la propriété des terrains qu'ils occupent en soutenant que leur famille en est propriétaire depuis septembre 1900 et que le président directeur général de la société Usine du Marin veut les en déloger ; qu'ils ont incité, au moyen de tracts, la population à les aider à défendre " leurs terres " au nom de l'identité martiniquaise et antillaise afin de combattre les " désirs tentaculaires de ce béké " ; que le 23 août 2001, accompagnés de militants acquis à leur cause, ils ont bloqué l'accès à l'usine du Marin, distribué des tracts et " confisqué " le véhicule d'un salarié qui tentait de se rendre dans l'usine, puis, le 27 août, ont établi un barrage au niveau du rond-point situé à proximité de l'usine ; qu'un conducteur qui a tenté de forcer ce barrage a failli être lynché et n'a dû son salut qu'à l'intervention des forces de l'ordre ; que le maire de la commune de Sainte-Anne, également vice-président du conseil général de la Martinique et fondateur-président du " Mouvement des démocrates et écologistes pour une Martinique souveraine ", apporte constamment son soutien aux occupants sans titre de la propriété " Anse Noire " ; que les pièces datant de 2011, produites au dossier par l'administration, même si elles sont postérieures à la décision attaquée, démontrent la persistance, depuis les événements de 2001 décrits précédemment, du conflit, aux résonances politiques et sociales, opposant la famille détenant le capital de la société Usine du Marin aux occupants sans titre de la propriété " L'Anse Noire ", ainsi que du soutien apporté à la cause de ces derniers notamment par le " Mouvement des démocrates et écologistes pour une Martinique souveraine " ; que, dans les circonstances particulières de l'affaire, l'administration doit être regardée comme apportant la justification que le refus litigieux de prêter le concours de la force publique pour l'exécution du jugement du 13 février 1990 était légalement justifié par les risques de troubles graves à l'ordre public qu'aurait comporté l'exécution forcée de cette décision de justice ;
4. Considérant que, dès lors que, pour les motifs indiqués au point 3, le refus du préfet de prêter le concours de la force publique est justifié par les graves troubles à l'ordre public qu'aurait comporté l'exécution forcée du jugement du 13 février 1990, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 6-1 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'article 1er du premier protocole additionnel à ladite convention doivent être écartés ;
5. Considérant que ce qu'a jugé le tribunal administratif dans le litige opposant la SA Usine du Marin à l'Etat au sujet des conséquences indemnitaires du refus de prêter le concours de la force publique sur la période écoulée du 6 octobre 2009 au 5 février 2010 est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la décision en litige ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SA usine du Marin n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SA Usine du Marin est rejetée.
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N° 11BX02621