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25/11/2013 | FRANCE | N°12BX02081

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 25 novembre 2013, 12BX02081


Vu la décision n° 349526 du 1er août 2012 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, à la suite de l'ordonnance n° 11BX00786 du 10 mai 2011 du président de la cour administrative d'appel de Bordeaux lui transmettant la requête de M. et MmeB..., attribué le jugement de cette requête à la cour ;

Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 31 mars 2011, présentée pour M. et MmeB..., demeurant..., par la Scp d'avocats Dumas Colnot-Camescasse-Abdi ;

M. et Mme B...demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900814 du 1er février 2

011 du tribunal administratif de Pau en tant qu'il rejette leur demande tendant à l...

Vu la décision n° 349526 du 1er août 2012 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, à la suite de l'ordonnance n° 11BX00786 du 10 mai 2011 du président de la cour administrative d'appel de Bordeaux lui transmettant la requête de M. et MmeB..., attribué le jugement de cette requête à la cour ;

Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 31 mars 2011, présentée pour M. et MmeB..., demeurant..., par la Scp d'avocats Dumas Colnot-Camescasse-Abdi ;

M. et Mme B...demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900814 du 1er février 2011 du tribunal administratif de Pau en tant qu'il rejette leur demande tendant à la condamnation de la commune d'Eysus à procéder à la réfection de la canalisation assurant la desserte en eau de leur propriété ou, à défaut, à leur verser la somme de 4 843,80 euros correspondant au montant des travaux de remise en état de cette canalisation ;

2°) de condamner la commune d'Eysus à leur verser ladite somme sauf pour elle à exécuter les travaux de remise en état de la canalisation dans un délai de trois mois ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Eysus la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 modifiée ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 octobre 2013 :

- le rapport de Mme Rey-Gabriac, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Bentolila, rapporteur public ;

1. Considérant que M. B...est propriétaire, depuis un acte notarié de mars 2002 portant partage successoral, d'une maison d'habitation située sur la commune d'Eysus ; que, depuis juillet 2003, il a demandé à plusieurs reprises à la commune de remettre en état la canalisation du réseau d'eau potable alimentant cette habitation ; que M. et Mme B...font appel du jugement du 1er février 2011 du tribunal administratif de Pau en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune d'Eysus à procéder à la réfection de la canalisation ou, à défaut, à leur verser une somme correspondant au montant des travaux de remise en état de cette canalisation ; que, dans le dernier état de leurs écritures, ils demandent, d'une part, la condamnation de la commune à leur verser la somme de 7 000 euros au titre de la remise en état de la canalisation, avec intérêts à compter du 15 décembre 2008 et capitalisation de ceux-ci, sauf pour elle à exécuter les travaux de remise en état dans un délai de trois mois et, d'autre part, la condamnation de la commune à leur verser une somme de 15 300 euros majorée des intérêts à compter du 15 décembre 2008 et capitalisation de ceux-ci en réparation de leur préjudice ; que, par la voie de l'appel incident, la commune demande la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a partiellement fait droit à la demande de M. et Mme B...et rejeté ses conclusions reconventionnelles ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'en interprétant la demande de M. et Mme B...comme étant une demande d'injonction présentée à titre principal, le tribunal administratif s'est mépris sur la portée des conclusions présentées devant lui, qui tendaient à la condamnation de la commune d'Eysus à procéder à la réfection de la canalisation assurant la desserte en eau de leur propriété ou, à défaut, à leur verser la somme de 4 843,80 euros correspondant au montant des travaux de remise en état de cette canalisation ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté comme irrecevables les conclusions des requérants tendant à la condamnation de la commune à réaliser lesdits travaux ; que le jugement doit, dès lors, être annulé dans cette mesure ;

3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer sur ce point et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres points de la demande présentée par M. et Mme B...devant le tribunal administratif de Pau ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par la commune :

4. Considérant que la circonstance que les réquérants n'ont pas attaqué, par la voie du recours pour excès de pouvoir et dans le délai de recours contentieux, la décision implicite de refus opposée par la commune à la demande de réfection de la canalisation d'eau potable formée le 14 mai 2004, est sans incidence sur la recevabilité du présent recours qui présente le caractère d'un recours de plein contentieux ; que ni la circonstance que la maison d'habitation se trouverait dans une zone non urbanisable, ni le fait qu'un certificat d'urbanisme négatif a été délivré à M. B... en juin 2003, ne sont de nature à priver les requérants de leur intérêt à agir contre la commune à l'effet de demander la remise en état de la canalisation du réseau public d'alimentation en eau desservant cette propriété et à rechercher la responsabilité de cette commune à raison du refus qui a été opposé à cette demande de remise en état ; que, par suite, les fins de non-recevoir opposées par la commune d'Eysus doivent être écartées ;

Sur l'exception de prescription quadriennale :

5. Considérant qu'en vertu des dispositions du premier alinéa de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics, la prescription quadriennale, qui n'a pas été opposée par l'administration en première instance, ne peut être invoquée pour la première fois en appel ; qu'en outre, seul le maire, ou l'adjoint qu'il délègue à cet effet, a qualité pour opposer la prescription quadriennale au nom de la commune ;

6. Considérant qu'ainsi que l'a relevé le tribunal administratif, la prescription invoquée par la commune d'Eysus dans un mémoire en défense enregistré le 4 décembre 2009 qui ne portait que la signature de son avocat, n'a pas été régulièrement opposée à M. et MmeB... ; que, dès lors, la commune d'Eysus, qui n'a pas régulièrement opposé la prescription devant les premiers juges, ne saurait utilement s'en prévaloir en appel ; que, par suite, et en tout état de cause, l'exception de prescription quadriennale ne peut qu'être écartée ;

Sur la responsabilité :

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la maison d'habitation dont M. B...est propriétaire depuis un partage successoral effectué par acte notarié en mars 2002, et qui a été occupée jusqu'en 1984, est raccordée au réseau public d'eau potable, mais qu'en raison d'un mauvais état d'une canalisation de ce réseau longeant le chemin rural desservant sa propriété, la maison n'est plus desservie en eau depuis plusieurs années ;

8. Considérant que la commune d'Eysus, propriétaire du réseau de distribution d'eau, a la charge de le maintenir en bon état ; qu'il appartient, dès lors, à la commune, sauf circonstances particulières, de prendre en charge les travaux nécessaires à la réfection de la canalisation défectueuse de ce réseau ;

9. Considérant que pour s'opposer à la remise en état de cette canalisation, la commune d'Eysus invoque l'entrée en vigueur, en mai 2003, d'une carte communale ne faisant pas figurer la propriété en cause, ancienne ferme située dans une zone agricole dans une zone urbanisable ; que, toutefois, et ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, la commune ne peut utilement invoquer des dispositions d'urbanisme applicables aux constructions futures, s'agissant de l'alimentation en eau d'un bâtiment déjà existant et à usage d'habitation et bénéficiant précédemment d'une alimentation en eau potable ; qu'il ne résulte pas de l'instruction et n'est d'ailleurs pas soutenu par la commune que la maison, habitée jusqu'en 1984, n'aurait pas été régulièrement édifiée ; qu'il n'est au demeurant pas davantage établi que les travaux de rénovation entrepris par les époux B...depuis 2002 auraient été irrégulièrement réalisés et qu'ils auraient nécessité un permis de construire ou une déclaration préalable de ; que la commune ne saurait davantage utilement invoquer à cet égard la délivrance, en juin 2003, d'un certificat d'urbanisme négatif sollicité par M.B..., ni se prévaloir de la décision implicite de rejet qu'elle a opposée en mai 2004 à sa demande de réfection de la canalisation, au motif que la légalité de ces décisions n'a pas été contestée ;

10. Considérant que la commune ne saurait, pour s'exonérer de sa responsabilité invoquer le fait que M. B...aurait attendu près de vingt ans pour se préoccuper de l'alimentation en eau de sa propriété, alors qu'il résulte de l'instruction qu'ayant hérité du bien en mars 2002 il a, dès le mois de juillet 2003, adressé une première demande à la commune afin qu'elle procède à la réparation de la canalisation défectueuse ; que, de même, les circonstances que M. et Mme B...ne seraient pas exploitants agricoles ou qu'ils seraient sans descendants directs sont sans incidence sur l'obligation qu'a la commune d'entretenir une canalisation publique ; que la commune ne saurait non plus invoquer le fait que les épouxB..., redevables par ailleurs de la taxe foncière, ne paient pas de taxe d'habitation, ce non- assujettissement étant d'ailleurs précisément fondé sur l'absence d'alimentation de la maison en eau potable ; qu'elle n'invoque ainsi aucune circonstance particulière qui ferait obstacle à la réalisation de travaux de réfection du tronçon défectueux de la canalisation publique ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune d'Eysus, qui ne pouvait refuser de prendre en charge les travaux nécessaires à la réfection de la canalisation défectueuse, a manqué à son obligation de maintenir en bon état son réseau communal de distribution d'eau ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a retenu sa responsabilité à l'égard des requérants ;

Sur le préjudice :

12. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, selon un devis réalisé par une entreprise de bâtiment en mars 2009, le coût de la réfection de la canalisation sur une longueur de 300 mètres s'élève à 4 843,80 euros toutes taxes comprises ; que devant la cour, les requérants font valoir que, sur la base d'une augmentation annuelle du coût des travaux de 10 %, ce montant doit être porté à la somme de 7 000 euros ; que cependant, comme l'ont déjà relevé les premiers juges, M. et Mme B...ne peuvent faire réaliser les travaux en cause sur une canalisation appartenant à la commune d'Eysus ; que, dès lors, leurs conclusions tendant au versement de la somme de 7 000 euros pour la réalisation de travaux par les requérants, sauf pour la commune à exécuter les travaux de remise en état de la canalisation dans un délai de trois mois, ne peuvent qu'être rejetées ;

13. Considérant, en revanche, que les requérants tentent en vain, depuis le mois de juillet 2003, et malgré plusieurs interventions du délégué départemental auprès du médiateur de la République, de faire réparer la canalisation publique au droit de leur propriété ; qu'il résulte de l'instruction que M.B..., né en 1935, avait le souhait de passer sa retraite dans la maison qu'il a héritée de son père et que, faute d'eau potable, il ne peut y résider depuis qu'il en est devenu propriétaire en 2002 ; que, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par M. et Mme B...en portant à 7 000 euros tous intérêts confondus la somme que le tribunal administratif a condamné la commune à verser à ce titre ; qu'il y a lieu, en conséquence, de faire droit partiellement à leurs conclusions d'appel principal et de réformer en ce sens le jugement attaqué ; qu'il y a lieu, par contre, de rejeter les conclusions d'appel incident formé sur ce point par la commune d'Eysus ;

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive présentée par la commune d'Eysus :

14. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que ni la demande des époux B...présentée devant le tribunal administratif de Pau, ni leur requête devant la cour ne présentent un caractère abusif ; que par suite, les conclusions reconventionnelles et incidentes présentées par la commune d'Eysus tendant à ce qu'ils soient condamnés à lui verser des dommages-intérêts pour procédure abusive ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant qu'en mettant à la charge de la commune d'Eysus la somme de 1 000 euros à verser à M. et Mme B...au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens en première instance, les premiers juges n'ont pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge des requérants, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune demande au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Eysus la somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions au titre des frais exposés en appel par M. et Mme B... et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : Le jugement n° 0900814 du tribunal administratif de Pau du 1er février 2011 est annulé en tant qu'il rejette, comme constituant des conclusions à fin d'injonction irrecevable, la demande présentée par M. et Mme B...tendant à la condamnation de la commune d'Eysus à réaliser des travaux.

Article 2 : La somme de 2 000 euros que commune d'Eysus a été condamnée à verser à M. et Mme B...en réparation de leur préjudice moral par l'article 2 du jugement du 1er février 2011 du tribunal administratif de Pau est portée à 7 000 euros tous intérêts confondus.

Article 3 : Le jugement du 1er février 2011 du tribunal administratif de Pau est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La commune d'Eysus versera la somme de 1 500 euros à M. et Mme B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par M. et Mme B...devant le tribunal administratif de Pau, le surplus des conclusions de leur requête, les conclusions incidentes et reconventionnelles ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la commune d'Eysus sont rejetés.

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No 12BX02081


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 12BX02081
Date de la décision : 25/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03 Travaux publics. Différentes catégories de dommages.


Composition du Tribunal
Président : M. CHEMIN
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: M. BENTOLILA
Avocat(s) : SCP DUMAS CAMESCASSE ABDI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2013-11-25;12bx02081 ?
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