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05/11/2013 | FRANCE | N°12BX01737

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 05 novembre 2013, 12BX01737


Vu la requête enregistrée le 4 juillet 2012 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 9 juillet 2012, présentée par la Selarl Montazeau et Cara pour le centre hospitalier universitaire de Toulouse ;

Le centre hospitalier universitaire de Toulouse demande à la cour de réformer le jugement n° 0900824 du 10 mai 2012 par lequel le tribunal administratif de Toulouse l'a condamné à payer à Mme A...la somme de 41 876 euros après déduction de la provision d'un montant de 4 224 euros accordée par ordonnance du 30 janvier 2009 du président du tribunal administratif

de Toulouse et à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Pyré...

Vu la requête enregistrée le 4 juillet 2012 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 9 juillet 2012, présentée par la Selarl Montazeau et Cara pour le centre hospitalier universitaire de Toulouse ;

Le centre hospitalier universitaire de Toulouse demande à la cour de réformer le jugement n° 0900824 du 10 mai 2012 par lequel le tribunal administratif de Toulouse l'a condamné à payer à Mme A...la somme de 41 876 euros après déduction de la provision d'un montant de 4 224 euros accordée par ordonnance du 30 janvier 2009 du président du tribunal administratif de Toulouse et à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Pyrénées la somme de 11 991,95 euros et l'indemnité forfaitaire de gestion d'un montant de 997 euros, en réparation des conséquences dommageables des fautes médicales commises dans la prise en charge médicale de l'oeil droit de Mme A...le 27 mai 2006, à la suite d'un accident domestique ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu l'arrêté du 3 décembre 2012 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 octobre 2013 :

- le rapport de Mme Déborah De Paz, premier conseiller ;

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;

- les observations de Me Malaussanne, avocat du centre hospitalier universitaire de Toulouse ;

- les observations de Me Michaud, avocat de l'ONIAM ;

1. Considérant que le 26 mai 2006, Mme A...a été victime d'une blessure à l'oeil droit alors qu'elle jardinait ; que ressentant de fortes douleurs à l'oeil, elle a consulté le lendemain son médecin traitant qui l'adressait en urgence à un ophtalmologiste de l'hôpital d'Auch qui l'a reçue en consultation l'après-midi même ; que ce médecin décida alors son transfert vers le centre hospitalier universitaire de Toulouse où elle était admise le 27 mai ; que le 29 mai la présence d'un corps étranger intra-occulaire a été diagnostiquée et Mme A...a été traitée pour une endophtalmie sévère de l'oeil droit du 30 mai au 7 juin ; que le 1er juin, Mme A...a subi une intervention chirurgicale pour extraire un corps métallique présent dans son oeil, ainsi qu'une vitrectomie et une kératoplastie ; qu'il a alors été constaté une nécrose totale de la rétine et par la suite, devant l'évolution atrophique de la rétine, deux interventions de recouvrement conjonctival ont été réalisées en février 2007 et une prothèse de l'oeil droit a été posée en mai 2007 ; qu'estimant que sa prise en charge médicale avait été défaillante, Mme A...a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI) de la région Midi-Pyrénées, qui a émis le 14 novembre 2007 un avis favorable à son indemnisation et a invité l'assureur du centre hospitalier universitaire de Toulouse à lui faire une proposition à concurrence d'un tiers du dommage ; qu'après avoir refusé la proposition qui lui a été faite, Mme A...a saisi le président du tribunal administratif de Toulouse d'une demande de provision ; que par un jugement du 10 mai 2012, le tribunal administratif de Toulouse a condamné le centre hospitalier universitaire de Toulouse à payer à Mme A...la somme de 46 100 euros dont devait être déduite la somme versée à titre de provision ; qu'il a également condamné le centre hospitalier universitaire de Toulouse à payer à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Pyrénées une indemnité de 11 991,95 euros ainsi que l'indemnité forfaitaire de gestion d'un montant de 997 euros ; que le centre hospitalier universitaire de Toulouse relève appel de ce jugement que la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Pyrénées conteste aussi ;

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la détermination de la fraction du dommage :

2. Considérant qu'il résulte du rapport de l'expert désigné par la CRCI de la région Midi-Pyrénées que le diagnostic d'endophtalmie n'a été posé au centre hospitalier universitaire de Toulouse que le 29 mai 2006 après une échographie orbitale et un scanner orbital, alors que ce diagnostic aurait pu être fait le 27 mai 2006, dès l'admission de Mme A...dans l'établissement hospitalier, si un examen radiologique avait été réalisé comme il est d'usage d'effectuer systématiquement, en présence d'un traumatisme oculaire aux circonstances mal définies et chaque fois qu'il n'est pas possible de faire, comme en l'espèce, un examen complet de l'oeil ; que ce retard de diagnostic qui n'a pas permis le traitement rapide de l'endophalmie, primordial dans ce type d'affection, constitue, ainsi que l' a jugé le tribunal administratif de Toulouse dans son jugement du 10 mai 2012, non contesté sur ce point, une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier ;

3. Considérant, toutefois, que dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu ; que la réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ;

4. Considérant que le centre hospitalier universitaire de Toulouse soutient que la perte de chance subie par Mme A...d'éviter une nécrose rétinienne irréversible doit être considérée comme ayant été très faible, compte-tenu du délai supérieur à vingt quatre heures qui a séparé la survenue de l'accident domestique et l' hospitalisation de Mme A...dans son établissement ; que, toutefois, il résulte de l'instruction, notamment des déclarations de Mme A...au cours des opérations d'expertise, confirmées par son entourage, que l'accident s'est produit le 26 mai 2006 entre 21 heures et 22 heures ; que d'autre part, la fiche de transport de Mme A...par taxi pour motif médical entre l'hôpital d'Auch et le centre hospitalier universitaire de Toulouse fait apparaître que Mme A...a été admise au centre hospitalier universitaire de Toulouse vers 19 heures le 27 mai 2006 ; que le délai de vingt quatre heures au cours duquel, selon la littérature médicale, un traitement médical offrirait des chances élevées de guérison, n'était donc pas écoulé ; que dans ces conditions, le retard de diagnostic et de traitement médical imputable au centre hospitalier universitaire de Toulouse a fait perdre à Mme A...des chances importantes d'éviter l'aggravation de son état de santé ; que le retard fautif a en l'espèce entraîné pour Mme A... une perte de chance d'échapper à la perte totale de son oeil droit, qui peut être fixée à 80 % ; que par suite, le tribunal administratif n'a pas fait une inexacte appréciation de la fraction du dommage corporel réparable en l'évaluant à 80 % ; qu'il suit de là que le centre hospitalier universitaire de Toulouse n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a retenu ce pourcentage ;

En ce qui concerne l'évaluation des préjudices :

5. Considérant que si la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Pyrénées demande le remboursement de la somme de 2 674,56 euros au titre de ces frais d'hospitalisation pour la période allant du 27 au 30 mai 2006, il ne résulte pas de l'instruction qu'en l'absence de fautes médicales, la prise en charge de Mme A...aurait été limitée à une antibiothérapie et que le traitement médical de son affection n'aurait pas nécessité d'hospitalisation ; que ni l'attestation d'imputabilité en date du 6 juillet 2009, établie par le médecin conseil de la caisse, ni l'état global des débours produit en première instance et en appel ne permettent d'établir un lien de causalité direct et certain entre les frais d'hospitalisation dont la caisse demande le remboursement pour la période du 27 au 30 mai 2006 et la faute du centre hospitalier ; que dès lors, la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Pyrénées n'est pas fondée à demander le remboursement des frais d'hospitalisation de Mme A...pour la période allant du 27 au 30 mai 2006 d'un montant de 2 674,56 euros ; que par ailleurs, l'état global des débours produit ne permet pas de distinguer entre les frais médicaux, pharmaceutiques et de transports qui auraient nécessairement dû être exposés compte tenu de l'état initial de la blessure à l'oeil, et les frais supplémentaires induits par le retard dans le diagnostic et le traitement qui seuls pourraient être mis à la charge du centre hospitalier ; qu'en revanche, la caisse a droit au remboursement des frais d'hospitalisation de Mme A...pour la période allant du 30 mai au 7 juin 2006 qui correspondent à la cure chirurgicale de l'endophtalmie sévère de l'oeil droit, en rapport avec le retard de diagnostic et de traitement imputable au centre hospitalier universitaire de Toulouse, d'un montant de 10 237,03 euros ; qu'elle est aussi fondée à demander le remboursement des frais d'appareillage d'un montant de 1 055,65 euros exposés du 17 avril au 12 septembre 2007 en lien avec les fautes commises ; qu'il suit de là, que le montant des débours de la caisse primaire d'assurance maladie concernant les dépenses de santé actuelles, s'élève ainsi, à la somme de 11 292,68 euros ;

6. Considérant, s'agissant des frais futurs, qu'il résulte de l'instruction que la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes Pyrénées demandait en première instance un capital de 3 697,26 euros représentatif des dépenses d'entretien et de renouvellement de la prothèse ; que si en appel, elle demande pour le même préjudice un capital de 28 871,05 euros, la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes Pyrénées ne se prévaut d'aucune aggravation de l'état de santé de Mme A...et n'établit pas que la différence entre les deux sommes demandées correspond à la revalorisation du capital qu'elle invoque ; que sa demande, nouvelle en appel, n'est pas recevable ; que par suite, la caisse n'est pas fondée à demander en appel, que ce poste de préjudice soit fixé à 28 871,05 euros ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que compte-tenu de la fraction du préjudice indemnisable de 80 %, la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Pyrénées n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a condamné le centre hospitaliser universitaire de Toulouse au paiement de la somme de 11 991,95 euros, soit 80 % de la somme de 14 989,94 euros équivalant au total des sommes de 11 292, 68 euros et 3697,26 euros mentionnées précédemment, au titre des débours versés à son assurée en lien avec les fautes médicales commises ; que la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Pyrénées est toutefois fondée à demander que l'indemnité forfaitaire de gestion soit, conformément à l'arrêté du 3 décembre 2012 susvisé, portée à la somme de 1 015 euros ; que le montant total de la créance s'élève donc à la somme de 13 006,95 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Toulouse la somme de 1 500 euros à payer à Mme A...au titre des frais qu'elles ont exposés, non compris dans les dépens et la somme de 1 200 euros que demande la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Pyrénées sur le même fondement ;

DECIDE

Article 1er : Le centre hospitalier universitaire de Toulouse est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Pyrénées la somme de 13 006,95 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse est réformé en tant qu'il est contraire à l'article 1er.

Article 3 : La requête du centre hospitalier universitaire de Toulouse est rejetée.

Article 4 : Le centre hospitalier universitaire de Toulouse versera la somme de 1 500 euros à Mme A...et la somme de 1 200 euros à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Pyrénées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Pyrénées et des conclusions de Mme A...est rejeté.

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No 12BX01737


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