Vu la requête enregistrée le 16 mars 2012 présentée pour Mlle J...E..., Mlle I...E..., Mlle C...E..., demeurant..., agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité d'ayants droit de leur mère décédée Mme B...E..., pour Mme D...G...épouseF..., demeurant ... et Mme H...G...épouseA..., demeurant..., soeurs de Mme B...E..., agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité d'ayants droit de leur mère Mme K...veuveG..., par la SCP Douchez, Layani, Amar, avocat ;
Les requérantes demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0804184 du 2 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'établissement français du sang (EFS) à les indemniser des préjudices subis du fait du décès de Mme B...E...à la suite de sa contamination par le virus de l'hépatite B lors d'une transfusion sanguine ;
2°) de condamner l'EFS à verser :
- à Mlles Bérangère, Bénédicte et Astrid E...en leur qualité d'ayants droit de MmeB... E..., une indemnité de 71 537,30 euros au titre des souffrances, de l'incapacité temporaire partielle et du préjudice moral subis par Mme B...E...;
- à Mlles Bérangère, Bénédicte et Astrid E...une indemnité de 50 000 euros chacune au titre de leur préjudice moral personnel ;
- à Mmes F...etA..., en leur qualité d'ayants droit de Mme K... veuveG..., une indemnité de 30 000 euros au titre du préjudice moral de cette dernière ;
- à MmeF..., une indemnité de 25 000 euros au titre de son préjudice moral personnel ;
- à MmeA..., une indemnité de 20 000 euros au titre de son préjudice moral personnel ;
3°) de mettre à la charge de l'EFS la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;
Vu la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009 ;
Vu la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 mai 2013 :
- le rapport de M. Jean-Pierre Valeins, président assesseur ;
- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;
1. Considérant que le 15 juin 1973 Mme B...E..., alors âgée de 25 ans, a été victime d'un accident de la circulation ; que, polytraumatisée, elle a été transportée ce même jour à l'hôpital de Castelnaudary ; qu'elle a été transférée à la clinique de la Garenne à Clérac où elle a fait l'objet d'une première intervention chirurgicale (excision d'escarres) le 22 juin 1973, puis d'une seconde intervention le 1er août 1973 (autogreffe sur la zone brûlée) ; que le diagnostic d'une hépatite virale a été porté le 16 octobre 1973, puis en mars 1974,a été constatée la présence d'un antigène HBs témoignant d'une contamination par le virus de l'hépatite B ; que Mme B...E...a été soignée pour cette hépatite d'octobre 1973 au printemps 1976, l'hépatite évoluant sur un mode chronique de 1982 à son décès ; qu'en juin 1982, la maladie de Hodgkin au stade IV a été diagnostiquée alors qu'elle était à un stade très évolué ; que Mme B...E...est décédée des suites des complications de la maladie de Hodgkin le 18 juillet 1991 ; que, par jugement du 22 janvier 2008, le tribunal de grande instance de Toulouse a rejeté la demande des requérantes tendant à la condamnation du chirurgien qui avait pratiqué l'intervention du 22 juin 1973, pour le motif que la preuve du lien de causalité entre la transfusion effectuée lors de cette intervention et la contamination de Mme B...E...par le virus de l'hépatite B n'était pas rapportée ; que les requérantes, filles et soeurs de Mme B...E...ont alors saisi le tribunal administratif de Toulouse d'une demande tendant à la condamnation de l'EFS à les indemniser des préjudices subis par Mme B...E...et par elles-mêmes du fait de la contamination de cette dernière par le virus de l'hépatite B lors d'une transfusion sanguine ; que, par jugement du 2 février 2012, le tribunal administratif a rejeté leur demande pour le motif que le lien de causalité entre la transfusion sanguine du 22 juin 1973 et la contamination de Mme B...E...n'était pas établi ; que, Mlles BérangèreE..., BénédicteE..., AstridE..., Mme D...F...et Mme H...A...interjettent appel de ce jugement ;
Sur la substitution de l'ONIAM à l'EFS :
2. Considérant que selon les dispositions du 1er alinéa de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique modifiées par l'article 72 de la loi susvisée du 17 décembre 2012, les victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite B causée par une transfusion de produits sanguins sont indemnisées au titre de la solidarité nationale par l'ONIAM ; qu'en conséquence, les conclusions des requérantes qui étaient dirigées contre l'EFS doivent être regardées comme dirigées contre l'ONIAM légalement substitué à l'EFS ;
Sur l'indemnisation :
3. Considérant qu'aux termes des dispositions du 2ème alinéa de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique : " Dans leur demande d'indemnisation, les victimes ou leurs ayants droit justifient de l'atteinte par le virus de l'hépatite B ou C ou le virus T-lymphotropique humain et des transfusions de produits sanguins ou des injections de médicaments dérivés du sang. L'office recherche les circonstances de la contamination. S'agissant des contaminations par le virus de l'hépatite C, cette recherche est réalisée notamment dans les conditions prévues à l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé (...) " ; que l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé dispose que : " En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, que l'article 102 de la loi du 4 mars 2012 et la présomption qu'il prévoit de contamination par transfusion sanguine ne s'appliquent pas en cas de contamination par le virus de l'hépatite B ;
4. Considérant qu'il n'est pas contesté qu'à la suite de l'accident de la circulation dont elle a été victime le 15 juin 1973, Mme B...E...a fait l'objet d'une transfusion sanguine d'un concentré globulaire lors d'une intervention chirurgicale qui s'est déroulée le 22 juin 1973 ; qu'une cytolyse avec des transaminases élevées a été diagnostiquée le 19 octobre 1973 et qu'en mars 1974, l'hépatite B était diagnostiquée du fait de la mise en évidence d'un antigène HBs ; que selon l'expert désigné par le tribunal de grande instance de Toulouse, le délai dans lequel est apparue la maladie après l'accident est compatible avec le délai habituel d'incubation ; qu'il résulte toutefois de l'instruction, notamment de l'expertise, que l'intéressée n'a fait l'objet que de la transfusion d'un seul flacon provenant d'un seul donneur sur lequel aucune information n'a pu être retrouvée dès lors qu'aucune enquête transfusionnelle n'a pu être faite en raison du fait que le numéro du produit sanguin transfusé n'avait pas pu être identifié ; qu'il résulte de l'expertise que l'origine transfusionnelle de l'hépatite B dont Mme B...E...a été victime est possible, mais non établie, avec un risque relatif compris à l'époque de l'accident, entre 1/1000 et 1/10 000 ; qu'il résulte de cette même expertise que la victime a pu être également contaminée lors des secours dont elle a fait l'objet après un accident impliquant plusieurs véhicules et faisant deux morts et cinq blessés ; que la circonstance que la soeur de la victime, Mme D...E..., qui était dans le même véhicule, a été également polytraumatisée mais n'a pas été contaminée par le virus de l'hépatite B, ne permet pas d'écarter la possibilité, eu égard à l'importance des services de secours mis en oeuvre, de la contamination, alors, de Mme B...E..., soit par les personnels de secours, soit par les produits et matériels de secours utilisés ; qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que la contamination a pu avoir lieu par voie nosocomiale lors des interventions chirurgicales des 22 juin 1973 et 1er août 1973 à la clinique de la Garenne à Nérac ; que ne peut non plus être exclue une contamination de Mme B...E...à l'occasion des soins qu'elle a reçus lors de son séjour de quelques jours à l'hôpital de Castelnaudary avant d'être transférée à la clinique de la Garenne ; que l'expert relève également que Mme B...E...a pu être contaminée dans l'exercice de sa profession puisque, en qualité de laborantine dans un laboratoire d'analyses biologiques elle procédait à la manipulation de tubes de sang ; que l'expert évoque enfin la possibilité d'une contamination avant l'accident par la personne qui est devenue son mari qui s'est révélé porteur du virus de l'hépatite B ; que, compte tenu, d'une part, de l'ensemble de ces circonstances, d'autre part, de ce que le virus de l'hépatite B se transmet par les liquides et sécrétions biologiques et non par le seul contact de sang à sang comme le virus de l'hépatite C, le lien de causalité entre la transfusion sanguine dont Mme B...E...a fait l'objet et sa contamination par le virus de l'hépatite B n'est pas établi ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande d'indemnisation au titre des préjudices subis par Mme B...E...et par elles-mêmes du fait de la contamination de cette dernière par le virus de l'hépatite B ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que les requérantes demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1er : La requête de MllesE..., de Mme F...et de Mme A...est rejetée.
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No 12BX00675