La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/02/2013 | FRANCE | N°11BX03371

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 12 février 2013, 11BX03371


Vu I°) la requête sommaire enregistrée sous le n° 11BX03371, le 23 décembre 2011, et le mémoire complémentaire enregistré le 17 janvier 2012 présentés pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) représenté par son directeur, et dont le siège social est Tour Gallieni II, 36 avenue Charles de Gaulle à Bagnolet Cedex (93170) ;

L'ONIAM demande à la cour :

1°) à titre principal, de réformer le jugement n° 0804690 du tribunal administratif de Bordeaux du 25 octobre 2011 en ce qu'il

l'a débouté de sa demande d'expertise contradictoire ;

2°) à titre subsidiair...

Vu I°) la requête sommaire enregistrée sous le n° 11BX03371, le 23 décembre 2011, et le mémoire complémentaire enregistré le 17 janvier 2012 présentés pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) représenté par son directeur, et dont le siège social est Tour Gallieni II, 36 avenue Charles de Gaulle à Bagnolet Cedex (93170) ;

L'ONIAM demande à la cour :

1°) à titre principal, de réformer le jugement n° 0804690 du tribunal administratif de Bordeaux du 25 octobre 2011 en ce qu'il l'a débouté de sa demande d'expertise contradictoire ;

2°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement en ce qu'il a accordé à Mme E... la somme de 170 000 euros à titre d'indemnisation de son déficit fonctionnel permanent et de le réformer en ce qu'il n'a pas déduit de la rente annuelle, fixée à 22 500 euros, les aides perçues par Mme E...au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie ;

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale ;

Vu le code de la santé publique;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 janvier 2013:

- le rapport de Mme De Paz, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Katz, rapporteur public ;

- les observations de Me Dagouret, avocat de l'ONIAM ;

1. Considérant que des examens réalisés au centre hospitalier universitaire de Bordeaux le 22 avril 2004 ont mis en évidence que Mme F...E..., alors âgée de 54 ans, avait une tumeur glomique jugulaire gauche étendue au nerf facial, responsable depuis 2000 de paralysies faciales du côté gauche ; qu'à l'occasion d'une artériographie préparatoire suivie d'une embolisation par micro-particules, destinée à préparer une intervention chirurgicale sur sa tumeur, Mme E...a été victime d'un accident vasculaire cérébral provoquant une hémiplégie droite, massive aux membres supérieurs et plus limitée aux membres inférieurs, des troubles corticaux et une aphasie très importante ; qu'estimant que la responsabilité du centre hospitaliser universitaire de Bordeaux était engagée à son égard à raison des conséquences dommageables de l'embolisation, elle a sollicité une expertise judiciaire qui a été ordonnée par le président du tribunal administratif de Bordeaux le 31 mai 2007 ; que postérieurement au dépôt du rapport de l'expert judiciaire, le 17 décembre 2007, Mme E...et ses enfants, agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité d'ayants droit de M.E..., décédé le 20 décembre 2007, ont présenté une demande indemnitaire préalable par un courrier daté du 28 septembre 2008, réceptionné le 1er octobre suivant ; que par un jugement du 25 octobre 2011, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'ONIAM, au titre de la solidarité nationale, à payer à Mme E... la somme de 333 000 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2008, a fixé le montant de sa rente annuelle à la somme de 22 500 euros avec application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la santé publique et a rejeté les demandes indemnitaires de MM.B..., C...et D...E..., tant en leur nom propre qu'en leur qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs ; que par une requête enregistrée sous le n° 11BX03371, l'ONIAM relève appel de ce jugement et par une requête enregistrée sous le n° 11BX03378, les consorts E...demandent la réformation du jugement en tant que le tribunal ne leur a pas entièrement donné satisfaction ;

2. Considérant que ces deux requêtes présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a donc lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt ;

Sur les conclusions de l'ONIAM tendant à ce que soit ordonnée une nouvelle expertise :

3. Considérant que la circonstance que l'ONIAM, condamné dans le jugement attaqué à indemniser Mme E...au titre de la solidarité nationale, n'ait pas été partie à l'expertise judiciaire ordonnée par le président du tribunal administratif de Bordeaux le 31 mai 2007 n'entache pas cette dernière d'irrégularité ; que si l'ONIAM, qui a eu connaissance des rapports de l'expert et de son sapiteur devant les premiers juges, soutient qu'une nouvelle mesure d'expertise aurait permis au tribunal de vérifier l'état antérieur de MmeE..., de dire si le dommage présenté par Mme E...est anormal ou non au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et de vérifier que son déficit fonctionnel au regard de l'examen clinique est bien de 75 %, il ressort des rapports de l'expert et de son sapiteur, qui constituent des pièces du dossier pouvant servir d'élément d'information au juge, que l'expert judicaire a déjà répondu aux questions que l'ONIAM demande à la cour de poser à un autre expert commis par elle ; que l'ONIAM ne produit pas davantage en appel qu'en première instance, à l'appui de sa demande d'une nouvelle expertise, d'élément remettant en cause les constatations de l'expert et de son sapiteur, ni leurs analyses du dossier médical de MmeE... ; que, par suite, l'ONIAM n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, et en méconnaissance du principe du contradictoire garanti par l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, que le tribunal administratif a refusé de faire droit à sa demande de complément d'expertise ;

Sur la réparation au titre de la solidarité nationale :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " II. Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire (...) " ; qu'aux termes de l'article D. 1142-17 du même code : " Le pourcentage mentionné au deuxième alinéa du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique est fixé à 24 % " ; qu'en vertu des articles L. 1142-17 et L. 1142-22 du même code, la réparation au titre de la solidarité nationale est assurée par l'ONIAM ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'accident vasculaire cérébral dont a été victime MmeE..., qui est à l'origine de l'hémiplégie droite, massive aux membres supérieurs et plus limitée aux membres inférieurs, des troubles corticaux et d'une aphasie très importante constatée par l'expert, a pour cause l'embolisation réalisée le 13 septembre 2004 ; qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport du DrA..., que cet acte médical, dont la réalisation n'est pas fautive, a eu des conséquences anormales au regard de la paralysie faciale et de l'évolution prévisible de la tumeur glomique jugulaire de MmeE..., cette dernière ne pouvant à elle seule entraîner une complication par hémiplégie et aphasie ; que le déficit fonctionnel neurologique en résultant, de l'ordre de 75 %, présente le caractère de gravité exigé par les dispositions précitées ; que par suite, les conditions auxquelles ces dispositions subordonnent l'indemnisation par l'ONIAM des conséquences dommageables de l'accident médical au titre de la solidarité nationale sont réunies ;

Sur les droits à réparation :

En ce qui concerne les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle :

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment des avis d'imposition produits, que Mme E... qui perçoit depuis 1991 une pension de retraite de La Poste, n'a perçu aucun revenu d'activité au titre des années 2003 et 2004 ; qu'elle ne justifie par aucune pièce avoir subi une perte de revenus d'activités du fait de l'accident médical dont elle a été victime, ni que cet accident aurait une incidence pour elle en matière professionnelle ; que, dès lors et par adoption des mêmes motifs que ceux retenus par les premiers juges, il y a lieu de rejeter la demande de Mme E...de versement de la somme de 760,50 euros au titre de ses pertes de gains professionnels et de la somme de 100 000 euros au titre de l'incidence professionnelle ;

En ce qui concerne les frais liés au handicap :

7. Considérant que lorsque, au nombre des conséquences dommageables d'un accident engageant la responsabilité d'une personne publique, figure la nécessité pour la victime de recourir à l'assistance d'une tierce personne à domicile pour les actes de la vie courante, la circonstance que cette assistance serait assurée par un membre de sa famille est, par elle-même, sans incidence sur le droit de la victime à en être indemnisée ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que depuis le 14 décembre 2004, Mme E... dont l'infirmité motrice et l'état de complète dépendance dans lesquels elle se trouve rendent nécessaire l'assistance d'une tierce personne, est accueillie au domicile familial et qu'aucun placement en institution spécialisée n'est envisagé ; que selon l'expert, son état de santé nécessite une assistance active pendant six heures par jour, une surveillance passive pendant six heures par jour et une permanence disponible pendant les douze heures restantes ; qu'il sera fait une juste appréciation des besoins en assistance d'une tierce personne à domicile en les évaluant globalement, après prise en compte des heures d'assistance passive et de surveillance passive, à neuf heures par jour ; que, compte tenu d'une part du taux horaire du salaire minimum applicable à la profession d'aide à domicile et d'autre part des charges sociales, l'indemnité due à ce titre, d'un montant de 275 532,19 euros, devra, après déduction des sommes perçues par Mme E...de la part du département de la Dordogne au titre de l'allocation compensatrice pour tierce personne au taux de 40 % entre le 1er septembre 2005 au 1er avril 2010, d'un montant de 21 816 euros, ainsi que de l'allocation personnalisée d'autonomie, d'un montant mensuel de 148,07 euros, perçue entre le 6 juin 2010 et la date du présent arrêt, soit la somme de 4 590 euros, être fixée à 249 126 euros pour la période du 14 décembre 2004 à la date du présent arrêt ;

9. Considérant que s'agissant des préjudices futurs de la victime non couverts par des prestations de la caisse de sécurité sociale, il appartient au juge de décider si leur réparation doit prendre la forme du versement d'un capital ou d'une rente selon que l'un ou l'autre de ces modes d'indemnisation assure à la victime, dans les circonstances de l'espèce, la réparation la plus équitable ; que, dans ces conditions, il y a lieu de fixer, sur la base d'une assistance quotidienne de 9 heures par jour pendant 390 jours en tenant compte du taux horaire du salaire minimum applicable à la profession d'aide à domicile augmenté des charges sociales, une rente annuelle de 33 766,20 euros, versée par trimestre échu, qui sera revalorisée par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel :

10. Considérant que compte-tenu des périodes de déficit fonctionnel avant la date de consolidation de son état de santé, de son préjudice d'agrément, et du déficit fonctionnel permanent de MmeE..., âgée de 57 ans à la date de la consolidation de son état de santé, le tribunal administratif de Bordeaux n'a pas fait une inexacte appréciation de l'ensemble de ces préjudices en accordant à Mme E...la somme de 170 000 euros ;

11. Considérant, enfin, qu'en allouant à Mme E...au titre des souffrances endurées, évaluées à 6/7, la somme de 18 000 euros et au titre de son préjudice esthétique la somme de 2 000 euros, le tribunal administratif de Bordeaux ne s'est pas livré à une appréciation insuffisante de ces chefs de préjudices ;

Sur les droits des enfants et petits-enfants de MmeE... :

12. Considérant que les dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ne prévoient d'indemnisation au titre de la solidarité nationale que pour les préjudices du patient et, en cas de décès, de ses ayants droit ; que dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif a écarté les demandes indemnitaires présentées par les ayants droit de M. G...E..., ainsi que par MM.B..., C...et D...E..., agissant en leur nom personnel et en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 2 000 euros à verser aux requérants au titre des frais qu'ils ont exposés et non compris dans les dépens, au titre de ces deux instances ;

DECIDE

Article 1er : La somme que l'ONIAM est condamné à verser à Mme E...est portée à 439 126 euros.

Article 2 : La rente annuelle que l'ONIAM est condamné à verser à Mme E...est portée à 33 766,20 euros. Cette rente sera versée par trimestre échu et son montant, fixé à la date du présent arrêt, sera par la suite revalorisé par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux est réformé en ce qu'il a de contraire au présent jugement.

Article 4 : L'ONIAM versera à Mme E...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les surplus des conclusions des requêtes n° 11BX03371 et n° 11BX03378 présentées par l'ONIAM et les consorts E...sont rejetés.

''

''

''

''

2

Nos 11BX03371,11BX03378


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 11BX03371
Date de la décision : 12/02/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-02-01 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Fondement de la responsabilité. Responsabilité sans faute.


Composition du Tribunal
Président : Mme MARRACO
Rapporteur ?: Mme Déborah DE PAZ
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : SELARL BIROT MICHAUD RAVAUT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2013-02-12;11bx03371 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award