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05/02/2013 | FRANCE | N°12BX01571

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 05 février 2013, 12BX01571


Vu la requête enregistrée le 20 juin 2012 sous forme de télécopie, régularisée par courrier le 21 juin 2012 présentée pour M. A...B...demeurant ...par la SCP Larroque Rey Rossi ;

M. B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1200029 en date du 21 mai 2012 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 1er décembre 2011 par lequel le préfet de Tarn-et-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé

comme pays de destination le pays dont il a la nationalité ;

2°) d'annuler l'arrê...

Vu la requête enregistrée le 20 juin 2012 sous forme de télécopie, régularisée par courrier le 21 juin 2012 présentée pour M. A...B...demeurant ...par la SCP Larroque Rey Rossi ;

M. B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1200029 en date du 21 mai 2012 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 1er décembre 2011 par lequel le préfet de Tarn-et-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé comme pays de destination le pays dont il a la nationalité ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté ;

3°) d'enjoindre au préfet de Tarn-et-Garonne de lui délivrer un titre de séjour à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, au besoin sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé en ce que le préfet a reproduit des formules stéréotypées sans analyser aucun élément de sa situation personnelle ;

- l'autorité préfectorale s'est contentée de faire siens les refus opposés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile ;

- il est intégré en France où il travaille dans une exploitation agricole, suit des cours de français et entretien des liens amicaux, où son second enfant est né le 17 mai 2011 et où sa fille aînée âgée de quatre ans est scolarisée, de sorte que l'arrêté porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît l'intérêt supérieur de ses enfants ;

- il risque d'être exposé à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, où son activité militante au sein du Parti socialiste à Laç l'a exposé à des actes de violence de la part des forces de l'ordre, où il a été torturé et où sa famille a subi des persécutions ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2012, présenté par le préfet de Tarn et Garonne qui conclut au rejet de la requête ;

Il fait valoir que :

- la décision de refus de séjour contestée est suffisamment motivée en droit et en fait ;

- il s'est livré à un examen particulier de la situation personnelle de M.B... ;

- les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ne méconnaissent ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. B...étant entré en France très récemment et sa fille aînée étant scolarisée depuis moins d'un an en classe de maternelle ; son épouse est également sous le coup d'une mesure d'éloignement et rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue en Albanie ;

- son arrêté n'est pas contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, M. B...n'apportant aucun élément susceptible d'établir la réalité des risques personnels encourus en Albanie qui n'a pas été retenue par les instances chargées de l'asile ;

- que l'arrêté attaqué ne méconnaît pas l'article 3-1 de la Convention de New York dès lors que rien ne permet d'établir que les enfants du couple seraient en danger en Albanie où le reste de la famille réside ;

Vu l'ordonnance fixant en dernier lieu la clôture au 12 novembre 2012 à 12 heures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966 ;

Vu la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

L'affaire ayant été dispensée de conclusions du rapporteur public en application de l'article L 732-1 du code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 janvier 2013 :

- le rapport de M. Philippe Cristille, premier-conseiller ;

- les observations de Me Rossi, avocat de M. B...;

1. Considérant que M.B..., ressortissant albanais, est entré en France de manière irrégulière au mois de juin 2010 accompagné de son épouse et de l'enfant du couple ; que la demande d'asile qu'il a déposée le 1er juillet 2010 a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 31 janvier 2011 et par la Cour nationale du droit d'asile le 29 septembre 2011 ; que M. B...a sollicité le 21 octobre 2011 la délivrance d'un titre de séjour portant la " mention vie privée et familiale " ; que, par un arrêté du 1er décembre 2011, le préfet de Tarn-et-Garonne a refusé de lui délivrer ce titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours en fixant comme pays de renvoi l'Albanie ou tout autre pays où il établirait être légalement admissible ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;

3. Considérant que l'arrêté attaqué vise les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et notamment l'article L.313-11 7° sur lequel le préfet de Tarn-et-Garonne s'est fondé ainsi que les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que cet arrêté indique, notamment, la date et le pays de naissance de l'intéressé, les conditions de son entrée en France, le rejet de sa demande d'asile, sa demande de régularisation déposée le 21 octobre 2011 ainsi que la situation de l'ensemble des membres de sa famille ; que cette motivation, qui révèle l'examen de la situation personnelle de l'intéressé, n'est pas entachée d'insuffisance malgré le caractère stéréotypé de certaines mentions ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de la loi du 11 juillet 1979 doit être écarté ;

4. Considérant qu'il ne ressort ni des mentions de l'arrêté contesté ni des observations présentées devant le juge par le préfet que ce dernier se serait estimé lié par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile et aurait ainsi commis une erreur de droit ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7º A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée " ;

6. Considérant que, pour soutenir que le refus de titre de séjour porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale, M. B...fait valoir que son épouse a donné naissance en France en mai 2011, à leur second enfant, qu'il travaille dans une exploitation agricole et suit des cours de français, que sa fille aînée est scolarisée et qu'il a tissé de solides liens d'amitiés sur le territoire national ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier que M. B...était en France depuis moins d'un an et demi à la date de l'arrêté attaqué ; que son épouse, également en situation irrégulière en France, fait l'objet d'un refus de titre de séjour et d'une mesure d'éloignement et il n'est pas établi que la vie familiale du couple ne puisse se poursuivre avec leurs deux enfants hors de France et notamment dans leur pays d'origine où ils ont conservé leurs attaches familiales ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la brève durée du séjour de M. B...en France et de l'existence d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 27 ans, l'arrêté du préfet de Tarn-et-Garonne n'a pas porté au droit de celui-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a ainsi méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'aucune des circonstances invoquées par M. B...n'est de nature à faire regarder l'arrêté attaqué comme étant entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

8. Considérant que la double circonstance que le plus jeune des enfants de Mme B...est née en France et que sa fille aînée y est scolarisée en classe maternelle ne suffit pas à établir que l'arrêté du 1er décembre 2011, qui n'induit aucune séparation des enfants et des parents, porterait atteinte à l'intérêt supérieur des enfants ; que, dès lors, cet arrêté n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements ou dégradants " ;

10. Considérant que M. B...fait valoir qu'il s'est engagé dès 2003 dans les rangs d'un parti d'opposition dont il a soutenu les manifestations ; qu'il expose avoir fait l'objet de violences, comme d'autres membres de sa famille, notamment son épouse et son frère, lequel aurait disparu en 2009 ; que le requérant, toutefois, ne produit devant la Cour aucun autre document que ceux qui ont déjà été examinés dans le cadre de sa demande d'asile et n'établit pas, par des éléments suffisamment probants, la réalité des faits allégués ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande ; que le présent arrêt n'impliquant aucune mesure d'exécution, les conclusions de la requête tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de Tarn-et-Garonne de délivrer au requérant un titre de séjour doivent également être rejetées, de même que celles visant à mettre à la charge de l'État le versement de frais irrépétibles ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée au préfet de Tarn-et-Garonne.

Délibéré après l'audience du 8 janvier 2013 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Philippe Cristille, premier conseiller,

Mme Marie-Thérèse Lacau, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 5 février 2013.

Le rapporteur,

Philippe CRISTILLELe président,

Aymard de MALAFOSSE

Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Virginie MARTY

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N°12BX01571


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 12BX01571
Date de la décision : 05/02/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Philippe CRISTILLE
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : SCP LARROQUE REY ROSSI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2013-02-05;12bx01571 ?
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