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18/12/2012 | FRANCE | N°11BX01522

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 18 décembre 2012, 11BX01522


Vu la requête enregistrée le 24 juin 2011 présentée pour M. Christian Philippe X, demeurant ... et pour la société laboratoire X Pharm, sont le siège est situé au ..., par Me Beucher ;

M. X et la société laboratoire X Pharm demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900817 du 12 mai 2011 du tribunal administratif de Limoges qui a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat français à réparer les préjudices que leur a causé le retard de transposition de la directive n° 2002/83/CE du 10 juin 2002 relative au rapprochement des législations

des Etats membres concernant les compléments alimentaires, ainsi que l'illégalité...

Vu la requête enregistrée le 24 juin 2011 présentée pour M. Christian Philippe X, demeurant ... et pour la société laboratoire X Pharm, sont le siège est situé au ..., par Me Beucher ;

M. X et la société laboratoire X Pharm demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900817 du 12 mai 2011 du tribunal administratif de Limoges qui a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat français à réparer les préjudices que leur a causé le retard de transposition de la directive n° 2002/83/CE du 10 juin 2002 relative au rapprochement des législations des Etats membres concernant les compléments alimentaires, ainsi que l'illégalité de la décision du 16 mai 2002 du directeur de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé suspendant la commercialisation de quinze de ses produits élaborés à base d'extraits de plantes ;

2°) de condamner l'Etat français à leur payer une somme de 3 299 060,29 euros, avec les intérêts au taux légal à compter du 18 décembre 2008, en réparation des préjudices que leur a causé le retard de transposition de cette directive et l'illégalité de la décision du 16 mai 2002 du directeur de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé suspendant la commercialisation de quinze de ses produits élaborés à base d'extraits de plantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la directive du parlement européen et du Conseil du 27 janvier 1997 modifiée par le règlement 19/829/03/CE du 22 septembre 2003 ;

Vu la directive du Parlement européen et du Conseil n° 2001/83/CE du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain ;

Vu la directive 2002/46/CE du Parlement européen et du conseil du 10 juin 2002 relative au rapprochement des législations des États membres concernant les compléments alimentaires ;

Vu la directive du Parlement européen et du Conseil n° 2004/24/CE du 31 mars 2004, modifiant, en ce qui concerne les médicaments traditionnels à base de plantes, la directive n°2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain ;

Vu le décret n° 2006-352 du 20 mars 2006 ;

Vu le décret n° 2008-859 du 22 août 2008 ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 novembre 2012 :

- le rapport de Mme Déborah De Paz, premier conseiller ;

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;

- les observations de Me Penhoat, avocat de M. X et la société laboratoire X Pharm ;

1. Considérant que, par décision en date du 16 mai 2002, le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé a, sur le fondement de l'article L. 5312-2 du code de la santé publique, suspendu la fabrication, la préparation, l'importation, l'exploitation, l'exportation, la distribution, la mise sur le marché, la détention, la publicité, l'utilisation, la prescription, la délivrance et l'administration de quinze produits réalisés à base d'extraits de plantes, fabriqués par la société laboratoire X Pharm jusqu'à la mise en conformité de ces produits avec la législation et la réglementation en vigueur, au motif que tous ces produits constituaient des médicaments par fonction et que, pour six d'entre eux, ils constituaient aussi des médicaments par présentation ; que, par une décision en date du 11 juin 2003, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a rejeté la requête présentée par la société laboratoire X Pharm et M. X tendant à l'annulation de la décision du 16 mai 2002 ; que les intéressés ont demandé l'abrogation de cette même décision ; que leur demande a été rejetée par le directeur général de l'agence par une décision du 18 novembre 2005, contre laquelle ils se sont pourvus devant le Conseil d'Etat, qui a rejeté leur requête par un arrêt du 6 décembre 2006 ; que le 6 juin 2006, M. X a procédé à une déclaration de mise sur le marché de compléments alimentaires et a été autorisé à commercialiser douze produits sur les quinze produits qu'il lui avait été interdit de mettre sur le marché ; qu'estimant que l'absence de mise sur le marché de ces compléments alimentaires étaient imputable aux carences de l'Etat du fait du retard à transposer la directive 2002/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 10 juin 2002, relative au rapprochement des législations des Etats membres concernant les compléments alimentaires, M. X et la société laboratoire X Pharm ont adressé une demande indemnitaire auprès du premier ministre ; qu'en raison du rejet de leur demande individuelle préalable, ils ont saisi le tribunal administratif de Limoges ; que dans la présente instance, ils relèvent appel du jugement du 12 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices que leur a causé la transposition tardive de la directive 2002/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 10 juin 2002 et l'illégalité de la décision du 16 mai 2002 ;

Sur la responsabilité :

Sur la légalité de la décision du 16 mai 2002 :

2. Considérant que la décision du directeur de l'Agence française de sécurité sanitaire de sécurité sanitaire des produits de santé en date du 16 mai 2002 qui a suspendu la mise sur le marché de quinze produits élaborés par M. X et la société laboratoire X Pharm, à partir d'extraits de plantes, dénommés Chevalera, Harpatonic, Prostapalm, Tranquidor, Tranquidor junior, Tranquilibre, ainsi que les gélules dénommés Aubépine, Ballote, Bolde, Busserole, Eschscholtzia, Ginko biloba, Gui, Harpagophyton, Pygeum africanum, était fondée, d'une part, sur l'infraction à la législation relative à l'autorisation de mise sur le marché des médicaments et à celle régissant les conditions de fabrication et de distribution de ces médicaments, d'autre part, sur les risques que ces infractions font peser sur la santé publique ;

3. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 5312-2 du code de la santé publique que l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ne peut légalement prendre une mesure sanitaire de suspension qu'à l'égard des produits, visés à l'article L. 5311-1 du même code, " à finalité sanitaire destinés à l'homme " ou " à finalité cosmétique " ; que, parmi les produits à finalité sanitaire figurent notamment les médicaments, définis par l'article L. 5111-1 du code de la santé publique comme " toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales, ainsi que tout produit pouvant être administré à l'homme ou à l'animal, en vue d'établir un diagnostic vital ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions organiques ", dits respectivement médicaments " par présentation " et médicaments " par fonction " ;

4. Considérant que si la définition du médicament par fonction figurant à l'article 1er de la directive n° 2001/83/CE, modifiée par la directive n° 2004/27/CE suppose que pour qu'une substance ou composition pouvant être utilisée sur l'homme ou pouvant lui être administrée en vue de restaurer, de corriger ou de modifier des fonctions physiologiques soit qualifiée de médicament par fonction, cet effet doit résulter d'une " action pharmacologique, immunologique ou métabolique " de la substance ou de la composition ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, qui ne s'est pas estimée liée par l'inscription des plantes composant les produits en cause à la pharmacopée, se serait méprise sur les caractéristiques des quinze produits en cause, ni que la qualification de médicaments par fonction de ces quinze produits que l'agence leur a donnée après examen des caractéristiques de chacun d'eux, en tenant compte notamment des propriétés pharmacologiques des substances composant les différents produits ainsi que de leurs modalités d'emploi et de la connaissance qu'en ont les consommateurs, et sans se borner, contrairement à ce que soutiennent les requérants, à relever qu'ils contiennent une substance figurant à la pharmacopée française, méconnaîtrait la définition du médicament par fonction issue de l'article 1er de la directive ; que la parution du décret n° 2008-839 du 22 août 2008 relatif à la vente au public des plantes médicinales inscrites à la pharmacopée et modifiant l'article D. 4211-12 du code de la santé publique n'est pas de nature à établir à elle seule, par les possibilités données par le décret à des personnes autres que des pharmaciens de commercialiser des compléments alimentaires à base de plantes médicinales, que les produits en cause ne pouvaient pas être considérés comme des médicaments et qu'en conséquence, la décision du 16 mai 2002 n'était pas justifiée ; qu'enfin, le directeur général de l'agence n'avait pas à justifier de l'existence de risques pour la santé humaine pour faire usage de son pouvoir de suspension à l'encontre de produits commercialisés en infraction avec les règles qui leur étaient applicables ; que par suite, M. X et la société laboratoire X Pharm ne sont pas fondés à soutenir que le directeur de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé aurait entaché la décision contestée d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation en qualifiant ces quinze produits de médicaments ; qu'il suit de là que la décision du 16 mai 2002 n'est pas entachée d'illégalité ; que par suite, M. X et la société laboratoire X Pharm ne sont pas fondés à rechercher la responsabilité de l'Etat français sur le fondement de l'illégalité dont serait entachée la décision du 16 mai 2002 ;

Sur le retard de transposition de la directive n° 2002/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 10 juin 2002 :

5. Considérant que M. X et la société laboratoire X Pharm soutiennent que l'absence de transposition de la directive n° 2002/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 10 juin 2002 a eu pour conséquence qu'ils ne disposaient d'aucun fondement textuel de droit interne, jusqu'à la transposition de cette directive, leur permettant de se prévaloir du statut de compléments alimentaires ;

6. Considérant, toutefois, qu'à son article 1er, la directive n° 2002/46/CE du 10 juin 2002 susvisée, relative au rapprochement des législations des Etats membres concernant les compléments alimentaires exclut de son champ d'application les spécialités pharmaceutiques telles que définies par la directive n° 2001/83/CE du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain et que l'article 2 de cette dernière directive énonce qu'en cas de doute, lorsqu'un produit, eu égard à l'ensemble de ses caractéristiques, est susceptible de répondre à la fois à la définition d'un " médicament " et à la définition d'un produit régi par une autre législation communautaire, les dispositions de la directive n° 2001/83/CE lui sont applicables ; que, par suite, dès lors que les quinze produits, objets de la décision de suspension du 16 mai 2002 constituaient des médicaments au sens de la directive n° 2001/83/CE modifiée, les règles issues de cette directive leur étaient applicables ; que par suite, M. X et la société laboratoire X Pharm ne peuvent utilement invoquer un défaut de transposition de la directive n° 2002/46/CE du 10 juin 2002 concernant les compléments alimentaires, qui est au surplus postérieure à la décision du 16 mai 2002 ;

7. Considérant qu'aux termes de la directive du 10 juin 2002 du Parlement européen et du Conseil, du 10 juin 2002 : " (7) Dans un premier temps, la présente directive devrait comporter des dispositions spécifiques en ce qui concerne les vitamines et les minéraux utilisés comme ingrédients entrant dans la composition de compléments alimentaires. Il importe également que les compléments alimentaires contenant des vitamines ou des minéraux ainsi que d'autres ingrédients soient conformes à la réglementation spécifique relative aux vitamines et aux minéraux prévue par la présente directive. (8) Il y a lieu d'arrêter ultérieurement, lorsque des données scientifiques suffisantes et appropriées seront disponibles, la réglementation particulière concernant les nutriments, autres que les vitamines et minéraux, ou d'autres substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique utilisés comme ingrédients dans les compléments alimentaires. Dans l'attente de l'adoption d'une réglementation communautaire spécifique de ce type, et sans préjudice des dispositions du traité, les règles nationales concernant les nutriments ou autres substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique utilisés comme ingrédients dans les compléments alimentaires et ne faisant pas l'objet d'une réglementation communautaire spécifique peuvent être appliquées " ; qu'aux termes de l'article 15 de la directive : " Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 31 juillet 2003 (...) " ;

8. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de la directive 2002/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 10 juin 2002, que le champ d'application de cette directive ne concerne que les compléments alimentaires contenant des vitamines et des minéraux dont la liste est arrêtée aux annexes I et II et ne concerne pas les compléments alimentaires contenant d'autres substances, telles des plantes ; que les quinze produits que M. X et la société laboratoire X Pharm souhaitaient mettre en vente sur le marché étaient fabriqués à base d'extraits de plantes et ne relevaient pas de la directive du 10 juin 2002 ; que, dès lors, l'obligation pour les Etats membres de l'Union européenne de transposer la directive dans l'ordre juridique interne au plus tard le 31 juillet 2003 ne portait que sur les compléments alimentaires contenant des vitamines et des minéraux et non sur les compléments alimentaires contenant des plantes ; que par suite, M. X et par la société laboratoire X Pharm ne peuvent utilement invoquer le retard de transposition de la directive 2002/46/CE du 10 juin 2002 dans l'ordre juridique interne pour être indemnisés des préjudices qu'ils prétendent avoir subis du fait des difficultés rencontrées à l'occasion de la commercialisation en France de leurs compléments alimentaires à base de plantes ;

9. Considérant que si, en ce qui concerne les compléments alimentaires contenant des vitamines et des minéraux, l'Etat français a procédé à la transposition de la directive en édictant le décret n° 2006-352 du 20 mars 2006, le choix des autorités françaises d'intégrer également dans ce décret des dispositions supplémentaires permettant de règlementer les produits autres que les vitamines et les minéraux, ne révèle aucune illégalité fautive ; qu'ainsi, la circonstance que postérieurement à la publication du décret n° 2006-352 du 20 mars 2006, le directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ait autorisé la mise sur le marché de neuf des quinze produits dont la commercialisation avait été suspendue par la décision du 16 mai 2002 est sans lien avec la transposition de la directive 2002/46/CE du 10 juin 2002 en droit français ;

10. Considérant, enfin, que M. X et la société laboratoire X Pharm ne peuvent utilement se prévaloir des deux arrêts rendus par la Cour de justice des communautés européennes le 5 février 2004 dans les affaires n° C-24/00 et n° 95/01, qui ne concernent pas la mise en vente de denrées destinées à l'alimentation humaine élaborées avec des extraits de plantes ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin-de-non recevoir opposée en défense et sur l'exception de prescription opposée à leur requête, que M. X et la société laboratoire X Pharm ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices que leur aurait causé le défaut de transposition de la directive 2002/46/CE du parlement européen et du conseil du 10 juin 2002 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, la somme que demandent M. X et la société laboratoire X Pharm au titre des frais qu'ils ont exposés, non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : La requête de M. X et de la société laboratoire X Pharm est rejetée.

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No 11BX01522


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 11BX01522
Date de la décision : 18/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-03-01 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Agissements administratifs susceptibles d'engager la responsabilité de la puissance publique. Retards.


Composition du Tribunal
Président : Mme MARRACO
Rapporteur ?: Mme Déborah DE PAZ
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : SCP BEUCHER DEBETZ HAUFF ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2012-12-18;11bx01522 ?
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