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13/11/2012 | FRANCE | N°12BX00993

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 13 novembre 2012, 12BX00993


Vu la requête enregistrée le 17 avril 2012 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 19 avril 2012, présentée pour M. Grigor X, domiciliée OGFA 5 rue des Trois Frères Bernadac à Pau (64000) par Me Massou dit Labaquère, avocat ;

M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1102517 du 10 janvier 2012, par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 24 octobre 2011 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce ref

us d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destinati...

Vu la requête enregistrée le 17 avril 2012 sous forme de télécopie et régularisée par courrier le 19 avril 2012, présentée pour M. Grigor X, domiciliée OGFA 5 rue des Trois Frères Bernadac à Pau (64000) par Me Massou dit Labaquère, avocat ;

M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1102517 du 10 janvier 2012, par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 24 octobre 2011 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint audit préfet, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de réexaminer son dossier et de lui délivrer un titre de séjour ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté et d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Atlantiques, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou à tout le moins de réexaminer sa situation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 200 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 deuxième alinéa de la loi du 10 juillet 1991 ;

.....................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 octobre 2012 :

- le rapport de Mme Dominique Boulard, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Guillaume de la Taille Lolainville, rapporteur public ;

1. Considérant que M. X, ressortissant arménien né en 1982, a déclaré être entré en France en septembre 2009 avec sa compagne, laquelle s'est présentée comme une ressortissante azerbaïdjanaise née à Bakou en 1985, et leur seconde fille née en Russie en janvier 2009 ; qu'il a demandé à bénéficier de l'asile, ce qui lui a été refusé par une décision prise par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 28 janvier 2010, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 28 mars 2011 ; que, par un arrêté du 24 octobre 2011, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a refusé d'admettre l'intéressé au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, lui a imparti un délai de départ volontaire de 30 jours et a désigné comme pays de destination l'Arménie ou tout autre pays dans lequel il établirait être légalement admissible ; que M. X fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté son recours dirigé contre l'arrêté préfectoral du 24 octobre 2011 ainsi que ses conclusions à fin d'injonction dont ce recours était assorti ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté contesté est signé par le directeur de cabinet du préfet des Pyrénées-Atlantiques ; qu'il ressort des pièces du dossier que ce signataire bénéficiait à la date de cet acte d'une délégation en date du 17 décembre 2010, régulièrement publiée le 22 décembre suivant, lui permettant de signer toutes les décisions à l'exception de certaines au nombre desquelles ne figurent pas les mesures prises par l'arrêté en litige ; que la circonstance que la publication de cette délégation soit intervenue avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité est sans incidence sur l'entrée en vigueur de ladite délégation ; que si M. X soutient en appel qu'il n'est pas justifié de l'empêchement du préfet, il n'apporte aucun élément à l'appui de ce moyen, alors qu'il appartient à la partie contestant la qualité du délégataire d'établir que l'autorité ayant accordé la délégation n'était ni absente ni empêchée ; qu'il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué ne peut qu'être écarté ;

3. Considérant, en second lieu, que, par une motivation qu'il convient d'adopter, les premiers juges ont estimé à juste titre que l'arrêté contesté énonce de manière suffisante les raisons de fait et de droit qui fondent les mesures qui le composent ; qu'ils ont, à juste titre encore, écarté le moyen tenant en particulier au délai de départ qui est de 30 jours, en rappelant que la détermination de ce " délai de principe " n'avait pas à faire l'objet d'une motivation spécifique et que la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil en date du 16 décembre 2008 qu'invoquait le requérant n'imposait pas, dans ce cas, une telle motivation ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort d'aucun des termes de l'arrêté contesté, ni d'aucune autre pièce du dossier, que le préfet se serait cru lié par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et de la Cour nationale du droit d'asile et se serait abstenu d'examiner la situation de l'intéressé pour prendre les mesures que comporte cet acte ; que, par suite, le moyen tiré d'une erreur de droit qu'aurait commise le préfet à cet égard ne peut être accueillie ;

5. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ;

6. Considérant que, comme il est dit plus haut, M. X est arrivé en France en septembre 2009 avec sa compagne et leur seconde fille née en janvier 2009 en Russie ; que la première de leur fille, née en Russie en 2004 et restée dans ce pays lors de leur départ, les a rejoints en 2011 ; que, si le requérant fait valoir que lui et sa compagne, dont les demandes d'asile et d'admission au séjour ont également été rejetées, ont installé en France le centre de leurs intérêts, leur arrivée en France était relativement récente à la date de l'arrêté attaqué et il ne ressort pas des pièces du dossier que les liens tissés en France aient été d'une intensité telle que le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire auraient porté, comme il le soutient, à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ces mesures ont été prises ; que, par suite, le moyen tiré à l'encontre de ces deux décisions de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ; que doit être également écarté, pour les mêmes raisons tenant à la durée et aux conditions de séjour en France du requérant, son moyen tiré de ce que l'appréciation portée par le préfet quant aux conséquences du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire serait entachée d'une erreur manifeste ; que la circonstance que M. X et sa compagne seraient de deux nationalités distinctes est sans incidence sur la légalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire qui ne comportent pas, en elles-mêmes, un risque de séparation du couple ;

7. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'eu égard à la présence récente en France des filles de M. X, aux conditions et à la durée du séjour en France de leurs parents et à la circonstance que, par elles-mêmes, les décisions refusant d'admettre l'intéressé au séjour et l'obligeant à quitter le territoire, également opposées à sa compagne, n'entraînent pas un éclatement de la cellule familiale, dont il n'est pas établi qu'elle ne puisse se reconstituer dans un autre pays, ces décisions ne peuvent être regardées comme méconnaissant les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

8. Considérant, en sixième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en impartissant à M. X un délai de départ volontaire de trente jours pour satisfaire à l'obligation de quitter le territoire français, le préfet des Pyrénées-Atlantiques ait commis une erreur manifeste d'appréciation, ni qu'il aurait, ce faisant, méconnu les stipulations de la directive précitée 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil en date du 16 décembre 2008) ;

9. Considérant, en septième lieu, que, pour ce qui concerne la détermination du pays de renvoi, il n'est pas établi que le retour de M. X dans le pays dont il est le ressortissant, soit l'Arménie, lui ferait, du seul fait que sa compagne serait de nationalité azerbaïdjanaise ou d'origine azérie, courir, à lui ou à son couple et leurs enfants, les risques de traitements inhumains ou dégradants visées par les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

10. Considérant, en revanche, que la mise en exécution d'une mesure éloignant M. X vers un pays autre que celui vers lequel serait éloignée sa compagne aurait pour effet d'entraîner un éclatement de la cellule familiale et conduirait à une séparation des enfants avec l'un de leurs parents, et ce pour une durée indéterminée ; que la mise en exécution, dans de telles conditions, des décisions fixant le pays de destination de chacun des membres du couple méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 3-1 de la convention de New York ; que, dès lors, l'arrêté litigieux doit être annulé en tant qu'il rend possible l'éloignement de M. X à destination d'un pays différent du pays de renvoi de sa compagne ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est seulement fondé à demander l'annulation de l'arrêté contesté en tant qu'il rend possible son éloignement à destination d'un pays différent du pays de renvoi de sa compagne et la réformation en ce sens du jugement attaqué, lequel, pour le surplus, n'est pas entaché d'insuffisance de motivation non plus que de contradiction ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Considérant que le présent arrêt n'implique ni que le préfet délivre à un titre de séjour à M. X, ni qu'il réexamine la situation de celui-ci au regard de son droit au séjour ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. X doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 35 et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

13. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la requête présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 35 et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DECIDE :

Article 1er : L'arrêté en date du 24 octobre 2011 du préfet des Pyrénées-Atlantiques est annulé en tant qu'il rend possible l'éloignement de M. X à destination d'un pays différent du pays de renvoi de sa compagne, Mme Chouchana Djafarova.

Article 2 : Le jugement n°1102517 en date du 10 janvier 2012 du tribunal administratif de Pau, est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

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N° 12BX00993


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 12BX00993
Date de la décision : 13/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Dominique BOULARD
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : MASSOU DIT LABAQUERE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2012-11-13;12bx00993 ?
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