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30/10/2012 | FRANCE | N°12BX00563

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 30 octobre 2012, 12BX00563


Vu la requête, enregistrée le 2 mars 2012, présentée par le PREFET DE LA VIENNE, qui demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement n° 1102499 du 2 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Poitiers, d'une part, a annulé son arrêté du 13 octobre 2011 portant refus de délivrer un titre de séjour à Mme Hawa YX, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à Mme YX un titre de séjour temporaire " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois sous astreinte de 10

0 euros par jour de retard ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme ...

Vu la requête, enregistrée le 2 mars 2012, présentée par le PREFET DE LA VIENNE, qui demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement n° 1102499 du 2 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Poitiers, d'une part, a annulé son arrêté du 13 octobre 2011 portant refus de délivrer un titre de séjour à Mme Hawa YX, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à Mme YX un titre de séjour temporaire " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme YX devant le tribunal administratif ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 octobre 2012 :

- le rapport de Mme Dominique Boulard, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Guillaume de la Taille Lolainville, rapporteur public ;

Considérant que Mme YX, ressortissante guinéenne dont la demande d'asile avait été rejetée, a bénéficié, en sa qualité de mère d'un enfant malade, d'autorisations provisoires de séjour pour les périodes allant du 18 novembre 2008 au 5 mai 2009, du 5 mai au 4 novembre 2009 et du 22 janvier au 16 juin 2010 ; que, le 17 mai 2010, Mme YX a déposé une demande de titre de séjour mention vie privée et familiale sur le double fondement des articles L. 313-11-7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que cette demande a été rejetée par un arrêté en date du 15 février 2011 du PREFET DE LA VIENNE ; que cet arrêté a été annulé par un jugement du 9 juin 2011 du tribunal administratif de Poitiers ; que cette annulation, devenue définitive, repose sur le motif que le préfet avait omis de saisir la commission du titre de séjour, dont les premiers juges ont estimé que l'avis était requis en raison de la durée de séjour de l'intéressée de plus de dix ans en France ; qu'après avoir soumis, le 30 juin 2011, le dossier de Mme YX à l'avis de cette commission, le préfet a pris, le 13 octobre 2011, à l'encontre de l'intéressée un arrêté refusant encore de l'admettre au séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et désignant son pays d'origine comme pays de renvoi ; que, saisi par Mme YX d'un recours dirigé contre ce dernier arrêté et de conclusions à fin d'injonction, le tribunal administratif de Poitiers a, par un jugement du 2 février 2012, annulé cet acte au motif qu'il méconnaissait les dispositions de l'article L.313-11-7° du code précité et enjoint au préfet de délivrer à l'intéressée un titre de séjour temporaire ; que le PREFET DE LA VIENNE fait appel de ce jugement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ;

Considérant que, pour accueillir le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées, le tribunal relève " que Mme YX justifie par les différents documents produits, se rapportant en particulier au suivi médical de ses enfants, résider en France depuis plus de 10 ans ; que cette présence ancienne et continue sur le territoire national a d'ailleurs été reconnue par le tribunal dans son jugement du 9 juin 2011, lequel est revêtu sur ce point de l'autorité de la chose jugée ; que la requérante est également la mère de trois enfants nés respectivement le 30 décembre 2000, le 12 septembre 2003 et le 10 août 2006 en France, où ils résident depuis leur naissance et où ils sont scolarisés et qui n'ont aucun lien avec la Guinée, pays d'origine de leur mère ; que leur père, d'origine sénégalaise, réside sur le territoire national sous couvert d'une carte de résident expirant en 2016 ; qu'il ressort par ailleurs des pièces du dossier et notamment du certificat médical établi le 20 octobre 2011 par le pédiatre assurant la prise en charge du plus jeune fils de Mme YX, que celui-ci est atteint d'un handicap nécessitant la poursuite de son traitement épileptique sans aucune discontinuité s'accompagnant d'une surveillance par électroencéphalogramme et d'un suivi neuropédiatrique, ainsi que la poursuite du traitement par toxine botulique associé à un appareillage et la poursuite régulière de soins de kinésithérapie et d'ergothérapie à raison de deux fois par semaine ; que si le préfet soutient que Mme YX, qui ne dispose pas d'un emploi pérenne et ne peut donc pas se prévaloir d'une autonomie financière, ne peut pas être considérée comme insérée professionnellement, il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressée, à partir du moment où elle a obtenu, après avoir sollicité en mai 2010 la délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale ", des récépissés de demande de carte de séjour lui permettant d'occuper un emploi, a effectué des missions régulières d'agent d'entretien, d'animatrice périscolaire et de plongeuse au sein de l'association intermédiaire SATE 86 ; que eu égard à l'ancienneté du séjour de Mme YX et de ses enfants sur le territoire national et nonobstant le fait qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine, la requérante doit être regardée comme ayant fixé en France le centre de ses intérêts privés et familiaux ; que si Mme YX a été condamnée le 21 décembre 2006 par le tribunal correctionnel de Versailles à une peine d'emprisonnement avec sursis pour obtention frauduleuse et usage de faux document administratif constatant un droit, une identité ou une qualité, cette unique condamnation, prononcée près de cinq ans avant la décision attaquée, ne saurait avoir pour effet de permettre de regarder sa présence en France comme constituant actuellement une menace pour l'ordre public ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment de la durée du séjour en France de Mme YX, la décision du 13 octobre 2011 par laquelle le préfet de la région Poitou-Charentes, préfet de la Vienne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, a porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus" ;

Considérant que, pour critiquer l'analyse du tribunal, le PREFET DE LA VIENNE conteste d'abord, l'intensité des liens des enfants de Mme YX avec leur père, se prévaut ensuite de ce que la demande de l'intéressée n'a pas été faite sur le fondement de l'article L.313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont la procédure et les conditions d'application n'ont pas été respectées, fait enfin valoir, outre la faiblesse de l'intégration professionnelle de cette dernière, la gravité des faits commis par elle, pénalement sanctionnés ;

Considérant, toutefois, que la longue durée du séjour en France de Mme YX, justifiée par les pièces du dossier, et celle de ses trois enfants qui y sont nés et scolarisés, ne sont pas contestées par le préfet dans sa requête ; que la présence régulière en France du père des enfants de Mme YX a pu être relevée par les premiers juges comme un des éléments permettant d'apprécier la vie privée et familiale de l'intéressée ; qu'en tout état de cause, la circonstance que l'ancien compagnon de Mme YX ne subviendrait pas aux besoins de ses enfants, outre qu'elle est fermement contestée par le mémoire en défense de cette dernière resté sans réplique et qu'elle est contredite par des pièces du dossier montrant l'accueil des enfants par leur père au moins en période de vacances scolaires, ne révèle pas une absence de tout lien entre eux ; que la réalité, la gravité et la persistance de la maladie chronique du jeune Bachir, qui appelle des soins renouvelés et spécialisés, ressort des pièces du dossier, de même que la nécessité de la présence de sa mère à ses côtés, ce qui avait d'ailleurs justifié les autorisations provisoires de séjour antérieures ; que l'existence de cette maladie et la nécessité de l'accompagnement maternel sont des données à prendre en compte, lorsque leur réalité est établie, comme en l'espèce, sur le terrain de l'article L.313-11 7°, sans qu'il puisse être reproché à l'étranger de ne pas avoir présenté sa demande en sa qualité de parent d'enfant malade sur le fondement des dispositions combinées de l'article L.311-12 et de l'article L.313-11 11° ; qu'à cet égard, le fait que la procédure propre à la mise en oeuvre de ces articles, qui implique notamment la saisine d'un médecin de l'agence régionale de santé, n'ait pas été suivie ne fait pas obstacle à ce que l'étranger se prévale de la maladie de son enfant pour se plaindre de l'atteinte portée à sa vie privée et familiale et ne fait pas obstacle non plus à ce que le juge de l'excès de pouvoir contrôle la réalité et la portée de la maladie invoquée au regard des critères découlant de l'article L.313-11 7° ; qu'en outre, les activités professionnelles exercées par l'intéressée, lorsqu'elle a été autorisée à le faire, sont des gages de son insertion professionnelle quand bien même ces fonctions ont été assurées grâce à une association intermédiaire ; qu'enfin, eu égard à leur nature et à leur caractère ancien et isolé, les faits commis par Mme YX, sanctionnés par une condamnation d'emprisonnement avec sursis, ne suffisent pas à la faire regarder comme représentant une menace pour l'ordre public ainsi que le soutient le préfet ;

Considérant que, compte tenu de l'ensemble de la situation de Mme YX qui vient d'être rappelée, notamment quant aux conditions de son séjour en France et de celui de ses trois enfants et à l'état de santé du plus jeune, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le refus de séjour qui lui a été opposé méconnaissait l'article L.313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA VIENNE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement dont il fait appel, le tribunal administratif a annulé son arrêté du 13 octobre 2011 et lui a enjoint, du fait de cette annulation, de délivrer à Mme YX un titre de séjour " vie privée et familiale " ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que Mme YX bénéficie de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Dieumegard, avocate de la requérante renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au profit de Me Dieumegard, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête du PREFET DE LA VIENNE est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera au conseil de Mme YX la somme de 1 200 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce conseil renonce à percevoir les sommes correspondant à la part contributive de l'Etat.

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N° 12BX00563


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 12BX00563
Date de la décision : 30/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Dominique BOULARD
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : DIEUMEGARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2012-10-30;12bx00563 ?
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