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30/10/2012 | FRANCE | N°11BX03344

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 30 octobre 2012, 11BX03344


Vu I° la requête, enregistrée le 21 décembre 2011, présentée pour la société à responsabilité limitée (SARL) LA GALICIA, dont le siège social est Chaume des Alins à Trois-Palis (16730), représentée par son gérant en exercice, par Me Pichon, avocat ;

La SARL LA GALICIA demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1000777 du 10 novembre 2011 du tribunal administratif de Poitiers en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à la réduction, en droits et pénalités, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au

titre de la période du 1er janvier 2006 au 30 novembre 2008 par avis de mise en recouvre...

Vu I° la requête, enregistrée le 21 décembre 2011, présentée pour la société à responsabilité limitée (SARL) LA GALICIA, dont le siège social est Chaume des Alins à Trois-Palis (16730), représentée par son gérant en exercice, par Me Pichon, avocat ;

La SARL LA GALICIA demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1000777 du 10 novembre 2011 du tribunal administratif de Poitiers en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à la réduction, en droits et pénalités, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2006 au 30 novembre 2008 par avis de mise en recouvrement émis le 10 novembre 2009 par le comptable des impôts d'Angoulême ;

2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige, au titre de la période susvisée, soit la somme en droits de 45 567 euros, et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu II° le recours, enregistré le 29 février 2012, et le mémoire, enregistré le 20 juin 2012, présentés par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement susvisé n°1000777 du 10 novembre 2011 du tribunal administratif de Poitiers en tant qu'il a, par son article 1er, déchargé la SARL LA GALICIA des compléments de taxe à la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er janvier au 31 décembre des années 2006 et 2007 ainsi qu'au titre de la période du 1er janvier au 30 novembre 2008, à concurrence respectivement de 2 160 euros, 2 560 euros et 1 868 euros ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de remettre à la charge de la SARL LA GALICIA les droits et pénalités dont le jugement attaqué a ordonné la décharge ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 2006/112/CE du Conseil du 26 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 octobre 2012 :

- le rapport de Mme Dominique Boulard, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public ;

Considérant que la société à responsabilité limitée (SARL) LA GALICIA exploite un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) à Trois Palis (Charente) ; qu'elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période allant du 1er janvier 2006 au 30 novembre 2008 ; qu'au terme de ce contrôle, l'administration a notamment estimé que la fourniture de protections absorbantes à ses résidents pour les années 2006 à 2008 devait être soumise au taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et non au taux réduit ; que, par une proposition du 10 avril 2009, elle a notifié les rappels de TVA résultant de cette rectification de taux, pour un montant total en droits de 6 588 euros ; que, par le même document, l'administration a également rappelé une partie de la TVA ayant grevé des immobilisations et certains biens et services qu'elle a regardés comme utilisés concurremment par la société requérante pour la réalisation d'opérations ouvrant droit à déduction et d'opérations n'ouvrant pas droit à déduction, au motif que l'établissement aurait dû appliquer, pour le calcul de la taxe déductible, le prorata de déduction prévu par l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts pour la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007 et le coefficient de déduction forfaitaire prévu par l'article 205 de l'annexe II au même code pour la période postérieure ; que le montant total de ces rappels s'élève en droit, pour l'ensemble de la période vérifiée, à la somme de 45 567 euros ; que, saisie par la SARL LA GALICIA d'une demande tendant à la décharge des droits et pénalités correspondant à ces deux chefs de redressement, le tribunal administratif a, par un jugement du 10 novembre 2011, fait droit aux prétentions de la société sur le premier point, c'est-à-dire qu'il a dégrevé les droits et pénalités correspondant au rappel de la taxe collectée procédant de la rectification du taux de cette taxe, mais a rejeté le surplus de sa demande portant sur le second point, c'est-à-dire le rappel d'une partie de la taxe initialement déduite ; que la SARL LA GALICIA et le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT font appel de ce jugement par deux instances, enregistrées respectivement sous les numéros 11BX03344 et 12BX00527, qu'il convient de joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur le recours n°12BX00527 du ministre relatif à la TVA collectée :

Considérant qu'aux termes de l'article 279 a du code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,50 % en ce qui concerne : a. Les prestations relatives :/(...) A la fourniture de logement et de nourriture dans les maisons de retraite et les établissements accueillant des personnes handicapées. Ce taux s'applique également aux prestations exclusivement liées, d'une part, à l'état de dépendance des personnes âgées et, d'autre part, aux besoins d'aide des personnes handicapées, hébergées dans ces établissements et qui sont dans l'incapacité d'accomplir les gestes essentiels de la vie quotidienne (...) " ;

Considérant que l'administration a regardé les protections fournies par l'établissement à ses résidents, comprises de manière indifférenciée dans le prix forfaitaire facturé au titre de la dépendance, lequel avait été soumis par ledit établissement au taux réduit, comme une vente relevant du taux normal ; qu'elle a reproché à la société redevable de ne pas avoir comptabilisé ni facturé distinctement ces fournitures ; que le vérificateur en a isolé le montant en retenant le montant total des achats de protections effectués par l'établissement au titre de la période en litige, qu'il a estimé revendus aux pensionnaires à prix coûtant au cours de la même période ;

Considérant que, pour accueillir le moyen tiré par la SARL LA GALICIA des dispositions précitées de l'article 279 a, le tribunal administratif énonce que " les pensionnaires d'un EHPAD sont soit autonomes lorsqu'ils n'ont pas perdu leur autonomie pour les actes essentiels de la vie courante, soit dépendants lorsque cela n'est pas le cas, même lorsque cette perte d'autonomie n'est que partielle ; que, dans le premier cas, ils sont classés en groupe iso-ressources (GIR) 6 sur la grille nationale AGGIR (Autonomie Gérontologie Groupes Iso-Ressources) ; que, dans le second, ils relèvent, selon leur degré de dépendances, des GIR 1 à 5 de la même grille ; que, dans ce dernier cas, le prix des prestations fournies par les EHPAD qui sont liées à l'état de dépendance, doit être assujetti au taux réduit de la TVA en application des dispositions précitées de l'article 279 a du code général des impôts ; qu'il résulte des pièces versées au dossier qu'au titre des années 2006 et 2007, les pensionnaires de la SARL La Galicia étaient classés en groupe iso-ressources 1 à 5 et avaient donc perdu tout ou partie de leur autonomie ; qu'au titre de l'année 2008, ces mêmes pensionnaires étaient tous classés en groupe iso-ressources 1 à 4 ce qui indique que l'état général de dépendance de la population hébergée par l'établissement s'était aggravé ; que, par suite, le prix de l'ensemble des couches fournies par la SARL La Galicia à ses pensionnaires durant toute cette période, qui était compris dans le tarif "dépendance" pratiqué par ledit établissement, devait être assujetti au taux réduit de la TVA ; que, dès lors, l'administration n'était pas en droit de refuser l'application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée à la part du tarif " dépendance " facturé par l'établissement représentative de cette prestation " ;

Considérant qu'il convient d'adopter cette motivation retenue par les premiers juges, qui ont à juste titre regardé la fourniture de protections aux personnes âgées résidentes, dont il résultait de l'instruction, selon une grille d'analyse pertinente, qu'elles étaient toutes effectivement en état de dépendance, fût-ce à des degrés divers, comme exclusivement liées à cet état ; que les données de l'appel ne permettent pas d'infirmer cette analyse ; qu'en particulier, l'administration n'établit pas en appel, en se bornant à des considérations d'ordre général sur la notion de dépendance que les fournitures dont il s'agit, destinés à pallier les effets de l'incontinence, ne seraient pas exclusivement liées à cet état de dépendance, qui empêchait les résidents âgés d'accomplir, seuls ou même aidés, les gestes qui leur auraient permis de s'en passer ; que l'absence d'une comptabilisation distincte de la fourniture de ces protections, indissolublement liée à l'état de dépendance des résidents, n'autorise pas, par elle-même, l'administration à retenir une qualification des opérations en litige autre que celle résultant de l'instruction ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 1er du jugement qu'il attaque, le tribunal administratif a prononcé la décharge des rappels procédant de la rectification du taux de la TVA collectée ;

Sur la requête n°11BX03344 de la société relative à la TVA déductible :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

Considérant qu'à l'appui de ses conclusions relatives à la taxe déductible, la SARL LA GALICIA a notamment fait valoir en première instance que les modalités de déduction forfaitaire imposées par le service des impôts, au terme de la lecture que ce dernier faisait des textes législatifs et règlementaires de droit interne, heurtaient le principe de neutralité fiscale de la TVA garanti par le droit européen ; qu'elle a, en particulier, soutenu que l'application de ces modalités aux opérations réalisées par elle constituait " une violation des articles 167 et 173-2 de la directive TVA " ; que, comme le soutient la SARL LA GALICIA, le tribunal a omis de répondre à ce moyen, qui n'est pas, en lui-même, inopérant ; que cette omission entache d'irrégularité le jugement attaqué en tant qu'il statue sur les conclusions de la société tendant à la décharge des droits et pénalités procédant de ce chef de redressement ; qu'il convient de statuer sur ces conclusions par voie d'évocation ;

Au fond :

Considérant que l'article 261, 4-1° ter du code général des impôts exonère de TVA " les soins dispensés par les établissements privés d'hébergement pour personnes âgées mentionnés au 6° de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, pris en charge par un forfait annuel global de soins en application de l'article L. 174-7 du code de la sécurité sociale " ; qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La TVA qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la TVA applicable à cette opération (...) " ; qu'aux termes de l'article 273 du même code : " Des décrets en Conseil d'Etat déterminent les conditions d'application de l'article 271. (...) " ;

Considérant que, selon l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts, pris en application de l'article 273 précité, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2007 : " 1. Les redevables qui dans le cadre de leurs activités situées dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ne réalisent pas exclusivement des opérations ouvrant droit à déduction sont autorisés à déduire une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les biens constituant des immobilisations utilisées pour effectuer ces activités. Cette fraction est égale au montant de la taxe déductible (...) multiplié par le rapport existant entre a) au numérateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires (...) afférent aux opérations ouvrant droit à déduction (...) b. au dénominateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires (...) afférent aux opérations figurant au numérateur ainsi qu'aux opérations qui n'ouvrent pas droit à déduction, et de l'ensemble des subventions, y compris celles qui ne sont pas directement liées au prix de ces opérations (...) " ; qu'aux termes de l'article 213 de la même annexe : " Lorsqu'un assujetti a des secteurs d'activités qui ne sont pas soumis à des dispositions identiques au regard de la TVA ces secteurs font l'objet de comptes distincts pour l'application du droit à déduction (...) Le montant de la taxe déductible au titre des biens communs aux différents secteurs est déterminé par application du rapport prévu à l'article 212. " ; qu'en vertu de l'article 219 de ladite annexe : " Les assujettis qui ne réalisent pas exclusivement des opérations ouvrant droit à déduction sont autorisés à déduire la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé ces mêmes biens et services dans les limites ci-après : a. lorsque ces biens et services concourent exclusivement à la réalisation d'opérations ouvrant droit à déduction, la taxe qui les a grevés est déductible ; b. lorsqu'ils concourent exclusivement à la réalisation d'opérations n'ouvrant pas droit à déduction, la taxe qui les a grevés n'est pas déductible ; c. lorsque leur utilisation aboutit concurremment à la réalisation d'opérations dont les unes ouvrent droit à déduction et les autres n'ouvrent pas droit à déduction, une fraction de la taxe qui les a grevés est déductible. Cette fraction est déterminée dans les conditions prévues aux articles 212 à 214 " ;

Considérant qu'aux termes de l'article 205 de l'annexe II au code général des impôts dans sa rédaction issue du décret n°2007-566 du 16 avril 2007 applicable à compter du 1er janvier 2008 : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction. " ; qu'aux termes de l'article 206 de cette annexe : " I.-Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 est égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission. (... ) III.-1. Le coefficient de taxation d'un bien ou d'un service est égal à l'unité lorsque les opérations imposables auxquelles il est utilisé ouvrent droit à déduction. 2. Le coefficient de taxation d'un bien ou d'un service est nul lorsque les opérations auxquelles il est utilisé n'ouvrent pas droit à déduction. 3. Lorsque le bien ou le service est utilisé concurremment pour la réalisation d'opérations imposables ouvrant droit à déduction et d'opérations imposables n'ouvrant pas droit à déduction, le coefficient de taxation est calculé selon les modalités suivantes : 1° Ce coefficient est égal au rapport entre : a. Au numérateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires afférent aux opérations ouvrant droit à déduction, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations ; b. Et, au dénominateur, le montant total annuel du chiffre d'affaires afférent aux opérations imposables, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations. (...) 2° Lorsqu'un assujetti a constitué des secteurs distincts d'activité en application de l'article 209, le chiffre d'affaires à retenir pour le calcul du rapport mentionné au 1° est celui du ou des secteurs pour lesquels le bien ou le service est utilisé ; (...) " ;

Considérant que l'administration a admis la déduction intégrale de la taxe grevant certaines factures d'achats et de frais généraux, qu'elle a regardées comme affectées en totalité à l'activité taxable ouvrant droit à déduction, telles que celles portant sur l'alimentation, les protections, le petit matériel de cuisine, l'entretien du matériel de cuisine ou les fournitures hôtelières, soit un montant de taxe admise comme intégralement déductible de 30 460 euros au titre de 2006, de 31 641 euros au titre de 2007 et de 29 894 euros au titre de 2008 ; qu'elle a revanche appliqué le prorata de déduction ou le coefficient de déduction forfaitaire à la taxe grevant les factures relatives aux autres biens et services comptabilisés en achats et frais généraux de même qu'à la taxe grevant l'acquisition de biens immobilisés ; que l'application aux taxes grevant l'achat de ces immobilisations, biens et services d'un " pourcentage de déduction de 70 % " calculé par le vérificateur a conduit aux rappels en litige pour le montant global indiqué plus haut de 45 567 euros, soit les sommes de 18 994 euros au titre de 2006, de 14 960 euros au titre de 2007 et de 11 613 euros au titre de 2008 ;

Considérant que la SARL LA GALICIA conteste le principe de la déductibilité partielle de la taxe grevant les factures en litige ainsi que les modalités suivant lesquelles cette part de déductibilité a été calculée ; qu'elle soutient ainsi qu'elle exerce trois types d'activités constituant autant de secteurs distincts pour l'application de ses droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée entre, d'une part, son activité de soins, entrant dans le champ de la TVA mais exonérée de cette taxe en vertu des dispositions précitées de l'article 261, 4-1° ter du code général des impôts et, d'autre part, ses activités effectivement assujetties à la TVA, liées à l'hébergement des personnes âgées et aux prestations d'assistance liées à la dépendance ;

Considérant, toutefois, qu'il n'est pas établi que les biens et services restant en litige, c'est-à-dire autres que ceux évoqués plus haut dont l'administration a déjà admis qu'ils étaient entièrement consacrés à l'activité imposée, seraient eux aussi exclusivement utilisés pour la réalisation des opérations taxables ; que la circonstance que l'établissement perçoive le forfait annuel global de soins, prévu par l'article L.174-7 du code de la sécurité sociale, pour la dispense des soins que son personnel soignant est autorisé à effectuer, ne saurait démontrer par elle-même qu'il n'expose de frais que pour ses autres activités imposables ; qu'il résulte au contraire de l'instruction que les biens et services utilisés par l'établissement pour l'accueil des personnes âgées dépendantes qu'il héberge, nourrit et assiste, sur lesquelles il veille et auxquelles il prodigue les soins nécessités par leur état concourent à cet accueil ; que, par suite, les biens et services en cause servant de manière transversale à cet accueil doivent être regardés comme utilisés concurremment pour la réalisation des différentes opérations effectuées de manière complémentaire par l'établissement ; que, si ces opérations entrent toutes dans le champ de la TVA et si l'activité d'hébergement et les prestations liées à la dépendance sont effectivement taxables, celles correspondant aux soins dispensés par l'établissement sont exonérées de TVA, ainsi qu'il est dit plus haut, et, dès lors, ne peuvent donner lieu à l'imputation d'une taxe d'amont ; que, par suite, l'utilisation des biens et services en litige aboutit concurremment à la réalisation d'opérations dont les unes, tenant aux soins, n'ouvrent pas droit à déduction et dont les autres ouvrent droit à déduction ; que, dans ces conditions et en vertu de l'article 271 précité comme des dispositions règlementaires prises pour son application, seule une fraction de la taxe grevant les biens et service en cause est déductible, à raison de leur part dans la réalisation de celles des opérations effectuées par l'établissement qui ouvrent droit à déduction ;

Considérant que, loin de contredire le principe de neutralité fiscale, la déductibilité de la taxe d'amont grevant des biens et services dans la seule mesure où ceux-ci servent à la réalisation d'opérations taxées garantit ce principe ; que ce mode partiel et forfaitaire de déduction, prévu par les textes internes, que ce soit pour la période antérieure ou postérieure au 1er janvier 2008, ne contredit pas, en lui-même, les objectifs de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de TVA qu'invoque la société ; qu'il n'est pas contraire aux articles 167 et suivants de cette directive, qu'elle cite, et notamment aux dispositions de l'article 173, lesquelles prévoient que la déduction de la taxe grevant des biens et services utilisés par un assujetti pour effectuer à la fois des opérations ouvrant droit à déduction et des opérations n'ouvrant pas droit à déduction " n'est admise que pour la partie de la TVA qui est proportionnelle au montant afférent aux premières opérations " et autorisent par conséquent la détermination d'un " prorata de déduction " ; que la société ne saurait sérieusement soutenir que seule serait conforme aux objectifs communautaires la détermination d'un secteur de soins en fonction des surfaces des locaux abritant l'infirmerie et le bureau médical, qu'elle chiffre à 3% et qu'elle prétend, sans le démontrer, exclusivement affectés à la dispense de soins, alors que ceux-ci sont aussi prodigués de manière diffuse et générale, notamment à ceux des résidents alités dans leur chambre ;

Considérant, en ce qui concerne les modalités de détermination du prorata de déduction ou le coefficient de déduction forfaitaire appliqué aux taxes en litige, que l'administration l'a évalué à 70 % en faisant le rapport entre le montant, figurant au numérateur, du chiffre d'affaires annuel hors taxe de l'établissement, résultant des opérations ouvrant droit à déduction, c'est-à-dire sans prendre en compte les prestations de soins couvertes par le forfait annuel global de soins, et le montant, figurant au dénominateur, du chiffre d'affaires annuel hors taxe total réalisé par la société redevable, incluant ce forfait ; que la SARL LA GALICIA reproche à ce décompte, qui exclut au numérateur le forfait en cause, de l'inclure au dénominateur ; que, toutefois, et dès lors que, comme il est dit plus haut, les opérations de soins exonérées n'ouvrent pas droit à déduction, c'est à juste titre que les recettes procurées par le forfait annuel alloué à l'établissement en application de l'article L.174-7 du code de la sécurité sociale pour rémunérer les prestations de soins assurées par lui, n'est pas au nombre de celles figurant au numérateur ; que c'est à juste titre encore que ces recettes, qui, bien qu'exonérées, entrent dans le champ de la TVA et sont la contrepartie de prestations de soins individualisées rendues par l'établissement à ses résidents, figurent au dénominateur ; que la circonstance que les résidents bénéficiaires des soins, dont le coût est pris en charge par l'organisme versant la dotation, ne se voient pas facturer ces prestations, ce qui réduit le prix que leur réclame l'établissement pour leur accueil, n'est pas de nature à rompre le lien direct existant entre le service de soins rendu par la société à ses clients et les rémunérations reçues en contrepartie par elle, et ce pour un montant qui est déterminé au moment où ledit service est assuré ; qu'il suit de là que les modalités de calcul mises en oeuvre en l'espèce du prorata de déduction ou du coefficient de déduction forfaitaire ne méconnaissent pas les règles posées par les dispositions législatives et règlementaires précitées du code général des impôts et de ses annexes qui les régissent ; que ces règles internes elles-mêmes ne contreviennent pas au principe de neutralité fiscale, non plus qu'aux dispositions de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 qu'invoque la société requérante ; que pour cette raison et celles exposées plus haut, la société ne saurait demander, à propos des biens en litige, l'application d'un pourcentage de déduction " au réel " porté à 97% par prise en compte d'un secteur de soins utilisant 3% des locaux ;

Considérant qu'aucun des commentaires que fait la doctrine administrative, dans les instructions et la documentation qu'invoque la société requérante, du décret n°2007-566 du 16 avril 2007 susmentionné ne comporte une interprétation de ce texte contraire à l'application qui en a été faite en l'espèce par le service des impôts ; que la société ne peut se prévaloir de la qualification opérée par la réponse ministérielle à M. Bouin député, en date du 9 janvier 2007, de la dotation globale de financement perçue par les organismes gestionnaires d'établissements et de services d'aide par le travail, dès lors que cette dotation diffère du forfait annuel global de soins précité et qu'elle-même est placée dans une situation différente de celle de ces organismes ; que, ni l'interprétation de la jurisprudence résultant d'un courrier de M. Sapin du 5 septembre 2000 adressé au président de Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux, ni les termes d'un guide sur la subvention publique émanant en 2007 de la direction de la vie associative, de l'emploi et des formations, ne peuvent être utilement invoqués sur le fondement de l'article L.80 A du livre des procédures fiscales ; qu'il suit de là que les moyens tirés de la doctrine administrative doivent être écartés ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède la demande de la SARL LA GALICIA tendant à la décharge des rappels procédant de la réduction de ses droits à déduction doit être rejeté ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que réclame la société requérante au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : Le jugement n°1000777 du 10 novembre 2011 du tribunal administratif de Poitiers est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de la société tendant à la décharge des droits et pénalités procédant de la réduction de la TVA déductible au titre de la période du 1er janvier 2006 au 30 novembre 2008.

Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif par la SARL LA GALICIA tendant à la décharge des droits et pénalités procédant de la réduction de la TVA déductible au titre de la période du 1er janvier 2006 au 30 novembre 2008 est rejetée, de même que le surplus de sa requête n°11BX03344 ainsi que ses conclusions formulées en appel sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le recours n°12BX00527 du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT est rejeté.

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N° 11BX03344, 12BX00527 - 8 -


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 11BX03344
Date de la décision : 30/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILÉES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE - LIQUIDATION DE LA TAXE - DÉDUCTIONS - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE - ETABLISSEMENT D'HÉBERGEMENT POUR PERSONNES ÂGÉES DÉPENDANTES (EHPAD).

19-06-02-08-03 Taxe déductible : Les biens et services utilisés par l'établissement pour l'accueil des personnes âgées dépendantes qu'il héberge, nourrit et assiste, sur lesquelles il veille et auxquelles il prodigue les soins nécessités par leur état concourent à cet accueil. Par suite, les biens et services servant de manière transversale à cet accueil doivent être regardées comme utilisés concurremment pour la réalisation des différentes opérations effectuées de manière complémentaire par l'établissement. Or, si toutes ces opérations entrent dans le champ de la TVA, certaines sont exonérées (soins) et les autres (hébergement et assistance) non. La déduction de la taxe grevant ces biens « mixtes » doit donc se faire en fonction d'un prorata de déduction ou d'un coefficient de déduction forfaitaire.,,Taux de la taxe : La fourniture, par un EHPAD, de protections absorbantes, destinées à pallier les effets de l'incontinence, à des résidents en état de dépendance doit être considérée comme exclusivement liée à cet état. Par conséquent, la fourniture de ces protections, incluse dans le tarif facturé à des résidents par l'établissement au titre de leur dépendance, n'a pas à supporter la TVA au taux normal et reste soumise au taux réduit (article 279 a du code général des impôts).

CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILÉES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE - LIQUIDATION DE LA TAXE - DÉDUCTIONS - CAS DES ENTREPRISES QUI N'ACQUITTENT PAS LA TVA SUR LA TOTALITÉ DE LEURS AFFAIRES.

19-06-02-08-03-03

CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILÉES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE - CALCUL DE LA TAXE - TAUX.

19-06-02-09-01


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Dominique BOULARD
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : PICHON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2012-10-30;11bx03344 ?
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