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09/10/2012 | FRANCE | N°11BX01392

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 09 octobre 2012, 11BX01392


Vu la requête enregistrée le 8 juin 2011 présentée par Me Boezennec pour la SOCIETE RESCUE CONCEPT dont le siège social est Technowest 19 allée James Watt à Mérignac (33702) représentée par la Selarl Malmezat-Prat dont le siège social est situé 123 avenue Thiers à Bordeaux (33000) ès-qualité de mandataire liquidateur;

La SOCIETE RESCUE CONCEPT demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0803772 du 14 avril 2011 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 100 000 euros en répar

ation des dommages subis du fait des fautes commises par l'Etat lors de l'instru...

Vu la requête enregistrée le 8 juin 2011 présentée par Me Boezennec pour la SOCIETE RESCUE CONCEPT dont le siège social est Technowest 19 allée James Watt à Mérignac (33702) représentée par la Selarl Malmezat-Prat dont le siège social est situé 123 avenue Thiers à Bordeaux (33000) ès-qualité de mandataire liquidateur;

La SOCIETE RESCUE CONCEPT demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0803772 du 14 avril 2011 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 100 000 euros en réparation des dommages subis du fait des fautes commises par l'Etat lors de l'instruction de sa demande de délivrance d'un certificat d'approbation d'un " dispositif d'alarme d'homme à la mer et d'action de sauvetage " par la société Bureau Veritas et dans le contrôle de cette société ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 100 000 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date d'intervention de l'arrêt, sous réserve d'une somme supérieure résultant d'une expertise qui aurait été décidée par la cour ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-581 du 5 juillet 1983 sur la sauvegarde de la vie humaine en mer, l'habitabilité à bord des navires et la prévention de la pollution ;

Vu le décret n° 84-810 du 30 août 1984 relatif à la sauvegarde de la vie humaine, à l'habitabilité à bord des navires et la prévention de la pollution ;

Vu l'arrêté du 23 novembre 1987 relatif à la sécurité des navires ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 septembre 2012 :

- le rapport de M. Jean-Pierre Valeins, président assesseur ;

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;

Considérant que la SOCIETE RESCUE CONCEPT a été créée en 2004 pour produire et commercialiser un matériel de sécurité qu'elle avait fait breveter, constituant un dispositif d'alarme d'homme à la mer et d'action de sauvetage qui doit être installé à bord des navires ; que ce dispositif est composé de matériels destinés à assurer, en cas de chute d'une personne à la mer, le déclenchement d'une alarme sonore et lumineuse, au moins au poste de conduite du navire, et de matériels susceptibles de faciliter la récupération d'une personne tombée à la mer ; qu'un tel dispositif d'alarme est défini et ses caractéristiques sont établies par les dispositions de la division 332 du règlement annexé à l'arrêté ministériel du 23 novembre 1987 relatif à la sécurité des navires ; que tout dispositif d'alarme doit faire l'objet d'" une approbation de type " qui est destinée à attester de la conformité du système aux dispositions du chapitre 332-2 du règlement annexé à l'arrêté du 23 novembre 1987 ; qu'en vertu de l'article 310-1.01 du même règlement, un organisme dit " notifié " délivre l'approbation du dispositif au nom du ministre chargé de la marine, en vertu d'une délégation ; que la société Bureau Veritas était habilitée par arrêté ministériel du 29 juillet 1997 comme organisme notifié ; que la SOCIETE RESCUE CONCEPT a déposé en juin 2006, auprès de Bureau Veritas, un dossier de délivrance du " certificat d'approbation de type " pour le dispositif qu'elle entendait commercialiser ; qu'en août 2006 Bureau Veritas a fait savoir à la SOCIETE RESCUE CONCEPT que le certificat ne serait délivré qu'après que la société ait effectué les essais supplémentaires mécaniques et climatiques qu'il demandait portant sur la centrale d'alarme du dispositif ; qu'en désaccord avec cette demande, la SOCIETE RESCUE CONCEPT a refusé de faire les essais supplémentaires ; que le certificat d'approbation de type n'a donc pas été délivré à la SOCIETE RESCUE CONCEPT par le Bureau Veritas ; que n'ayant pas commercialisé son dispositif d'alarme d'homme à la mer, la SOCIETE RESCUE CONCEPT s'est trouvée en difficulté et par jugement du 3 janvier 2007, du tribunal de commerce de Bordeaux, a été placée en liquidation judiciaire ; que le mandataire-liquidateur de la SOCIETE RESCUE CONCEPT, la Selarl Malmezat-Prat, a adressé, le 5 août 2008, une réclamation préalable au directeur des affaires maritimes par laquelle il demandait le versement à la SOCIETE RESCUE CONCEPT d'une somme de 1 100 000 euros en réparation du préjudice subi par la société du fait qu'elle n'avait pas obtenu la délivrance du certificat d'approbation de type, certificat qui lui était nécessaire pour obtenir le déblocage des fonds par les investisseurs et pour l'industrialisation et la commercialisation de son dispositif ; que, par lettre du 18 juin 2008, le directeur des affaires maritimes a rejeté sa réclamation préalable ; que le 13 août 2008, le mandataire-liquidateur de la SOCIETE RESCUE CONCEPT a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande de condamnation de l'Etat à verser à la société la somme de 1 100 000 euros à titre de dommages et intérêts ; que par jugement du 14 avril 2011, le tribunal administratif a rejeté la demande ; que la SOCIETE RESCUE CONCEPT représentée par son mandataire-liquidateur, la Selarl Malmezat-Prat, interjette appel du jugement, soutenant que c'est à tort que le tribunal administratif n'a pas condamné l'Etat à l'indemniser du préjudice qu'elle a subi, résultant de l'absence de délivrance par Bureau Veritas du certificat d'approbation de type pour son dispositif d'alarme d'homme à la mer et d'action de sauvetage, en raison des fautes commises par la direction des affaires maritimes dans le contrôle de l'exercice par Bureau Veritas de sa mission de service public ;

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 140-2.03, relatif aux relations de travail des organismes notifiés avec l'administration, du règlement annexé à l'arrêté ministériel du 23 novembre 1987 susvisé : " (...) 2. L'organisme notifié communique à l'administration toutes informations pertinentes concernant les certifications d'équipements marins accordées, refusées ou retirées. / 3. Toute équivalence, interprétation ou exemption permanente à une disposition du présent règlement doit être approuvée par l'administration avant d'être accordée " ; qu'aux termes de l'article 140-2.04, relatif à la surveillance des organismes notifiés, du même règlement : " L'administration effectue au moins tous les deux ans un audit concernant les missions dont les organismes qu'elle a notifiés s'acquittent en son nom (...) / Si elle a des preuves objectives concernant la non-conformité d'un équipement marin au présent règlement, l'administration peut déclencher un audit spécifique au siège de l'organisme concerné qu'elle a notifié " ;

Considérant, en premier lieu, que la SOCIETE RESCUE CONCEPT soutient que la direction des affaires maritimes a mis de nombreux mois à lui répondre lorsqu'elle lui a fait part de son différend avec Bureau Veritas ; que par le message auquel la SOCIETE RESCUE CONCEPT fait référence, daté du 19 décembre 2006, la société demandait notamment à la direction des affaires maritimes d'arbitrer entre elle et Bureau Veritas quant à la question du classement, par Bureau Veritas, de la centrale d'alerte de son système de sauvetage dans la catégorie des " matériels exposés " alors qu'elle estimait qu'elle devait figurer dans la catégorie des " matériels protégés " ; qu'il résulte de l'instruction que le classement de la centrale d'alerte dans la catégorie des " matériels exposés aux intempéries " avait pour conséquence qu'elle devait subir des tests de fonctionnement à une température de - 25° C à + 55° C, alors que la plage de fonctionnement n'aurait été comprise en cas de classement en catégorie de " matériel protégé ", que de -15° C à + 55° C ; qu'il résulte également de l'instruction que la SOCIETE RESCUE CONCEPT n'était pas certaine de la résistance de sa centrale d'alerte à une température de - 25°C et qu'elle précisait dans un courrier à Bureau Veritas qu'elle était techniquement capable de proposer une centrale d'alerte pouvant fonctionner à -25° C, mais pas dans le délai aussi court que celui qui lui avait été laissé ; qu'après ce premier message du 19 décembre 2006, la SOCIETE RESCUE CONCEPT a adressé d'autres messages à la direction des affaires maritimes, mais à des fonctionnaires différents, les 22 décembre et 29 décembre 2006, alors que le différend avec Bureau Veritas datait d'août 2006, dans lesquels elle rappelait son opposition au classement en catégorie " matériel exposé " de sa centrale d'alerte ; que le directeur des affaires maritimes a répondu à la société requérante dès le 13 février 2007, soit moins de deux mois après le premier message, en confirmant la position de Bureau Veritas ; qu'eu égard à la spécificité de la question posée et à la nécessité pour cette administration d'interroger Bureau Veritas, le directeur des affaires maritimes n'a pas commis de faute lourde dans l'exercice de son contrôle de l'activité de Bureau Veritas en répondant dans le délai en cause à la SOCIETE RESCUE CONCEPT ;

Considérant, en deuxième lieu, que la SOCIETE RESCUE CONCEPT soutient que la réponse donnée par la direction des affaires maritimes est erronée ; qu'elle se borne à affirmer que ce service n'a fait qu'approuver la position de Bureau Veritas sans autre justification ; qu'il ressort toutefois de l'instruction que par le courrier du 13 février 2007 mentionné ci-dessus, le directeur des affaires maritimes n'a pas limité sa réponse à affirmer que Bureau Veritas n'avait pas commis d'erreur dans l'application de la réglementation pour l'approbation du matériel de la société requérante ; qu'il a justifié sa position par le rappel que l'article 332-2.01 du règlement annexé à l'arrêté du 23 novembre 1987 exigeait la réalisation des essais tels que décrits par la norme CEI 60945, que cette norme classe le matériel utilisé sur les navires en quatre catégories dont les catégories " protégé des intempéries " et " exposé aux intempéries ", que l'emport d'un dispositif d'alarme d'homme à la mer est autorisé pour les navires répondant aux divisions 226, 227, 228 (navires de pêche) et 236 (vedettes de surveillance, d'assistance et de sauvetage) du règlement annexé à l'arrêté du 23 novembre 1987, que les postes de commandement de ces navires ne sont pas systématiquement constitués d'une superstructure et que le dispositif d'alarme peut être alors positionné dans un espace exposé au sens de la norme CEI 60945 ; que ces motifs ne sont pas sérieusement contestés par la SOCIETE RESCUE CONCEPT qui se borne à faire valoir que d'autres matériels qui auraient pu être classés en catégorie " matériels exposés " en vertu des explications fournies par l'administration, ont été seulement classés en " matériels protégés " ; qu'ensuite, par une lettre du 29 mai 2007, la direction des affaires maritimes a rappelé à la société requérante la liste des éléments qu'elle devait fournir pour compléter son dossier technique afin que Bureau Veritas puisse terminer l'instruction du certificat ; que l'administration ajoutait qu'il était possible d'envisager la délivrance d'un certificat pour que le matériel puisse être installé à bord de navires ayant un poste de commandement fermé, ce qui aurait permis à la SOCIETE RESCUE CONCEPT d'obtenir le certificat d'approbation de type sans avoir à faire subir à sa centrale d'alarme le test de fonctionnement à une température de -25° ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la SOCIETE RESCUE CONCEPT aurait accepté cette proposition qui lui aurait permis de commercialiser son dispositif ; qu'ainsi, il résulte de ce qui précède que l'administration n'a pas commis d'erreur dans la réponse qu'elle a faite à la société requérante par son courrier du 13 février 2007 et que le classement dans la catégorie " matériel exposé aux intempéries " du dispositif d'alarme présenté par la requérante est justifié ;

Considérant, en troisième lieu, que la SOCIETE RESCUE CONCEPT fait valoir que les fautes de contrôle commises par la direction des affaires maritimes auraient pu être évitées si elle avait pratiqué des audits réguliers de Bureau Veritas ; que toutefois la société requérante n'indique pas les fautes dans le contrôle de Bureau Veritas qui auraient pu être ainsi évitées par la direction des affaires maritimes ; que, d'ailleurs le différend entre la SOCIETE RESCUE CONCEPT et Bureau Veritas ne résulte pas d'un mauvais fonctionnement de cet organisme mais d'une appréciation de Bureau Veritas quant à la nécessité de classer la centrale d'alarme en matériel exposé, appréciation qui, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, a été confirmée par la direction des affaires maritimes ;

Considérant, en quatrième lieu, que la société requérante reproche à la direction des affaires maritimes d'être restée " inerte " lorsque Bureau Veritas, au vu des résultats des essais environnementaux qui avaient été réalisés, a relevé l'absence d'un rapport d'essais climatiques dans un courrier adressé à la SOCIETE RESCUE CONCEPT ; que, toutefois, il n'appartenait pas à l'administration, dans le cadre de son pouvoir de contrôle, tel qu'il est défini aux articles 140-2.03 et 140-2.04 déjà cités, de contester ce courrier dont il ne résulte d'ailleurs pas de l'instruction qu'il lui aurait été communiqué par la SOCIETE RESCUE CONCEPT ;

Considérant, en cinquième lieu, que la SOCIETE RESCUE CONCEPT fait valoir que la direction des affaires maritimes a eu une attitude fautive en restant de nouveau " inerte " devant l'exigence imposée par Bureau Veritas à la société de refaire tous les essais effectués sur son matériel pour le motif que les essais réalisés ne comportaient pas l'indication des numéros de série des équipements testés ; que la circonstance que le service n'a pas réagi à cette demande ne peut être regardée comme constitutive d'une faute lourde commise par l'administration dans le contrôle de l'activité de Bureau Veritas dès lors que les dispositions précitées des articles 140-2.03 et 140-2.04 du règlement annexé à l'arrêté ministériel du 23 novembre 1987 ne font pas obligation à l'administration, dans le cadre de son contrôle des organismes notifiés, d'exprimer systématiquement son opinion sur toutes les mesures d'instruction prises par ces organismes et qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'administration aurait été saisie d'une contestation de cette exigence ni même qu'elle ait été informée de cette exigence;

Considérant, en sixième lieu, que si la SOCIETE RESCUE CONCEPT soutient que la direction des affaires maritimes aurait favorisé des systèmes concurrents moins performants que le sien, il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que le classement de la centrale d'alarme de la société requérante par Bureau Veritas en catégorie " matériel exposé ", approuvé par l'administration, qui est à l'origine du refus par la société de réaliser les tests complémentaires qui lui étaient demandés, était justifié ; qu'ainsi le détournement de pouvoir allégué par la requérante n'est pas établi ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE RESCUE CONCEPT n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat en raison des fautes lourdes qu'il aurait commises dans son contrôle de l'activité de Bureau Veritas ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la SOCIETE RESCUE CONCEPT demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : La requête de la SOCIETE RESCUE CONCEPT représentée par la Selarl Malmezat-Prat mandataire-liquidateur est rejetée.

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No 11BX01392


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 11BX01392
Date de la décision : 09/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

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Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité pour faute - Application d'un régime de faute lourde.


Composition du Tribunal
Président : Mme MARRACO
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre VALEINS
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : BOEZENNEC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2012-10-09;11bx01392 ?
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