Vu, I, le recours, enregistré le 21 février 2011 sous forme de télécopie et régularisé par courrier le 24 février 2011, sous le n° 11BX00506, présenté par le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT qui demande à la cour d'annuler le jugement n° 0901611 du tribunal administratif de Limoges en date du 16 décembre 2010 en tant qu'il a annulé l'arrêté du préfet de la Corrèze en date du 11 juin 2009 en tant qu'il classe dans la liste des espèces d'animaux nuisibles dans son département pour la campagne 2009-2010 le renard, la corneille noire, la pie bavarde et l'étourneau sansonnet ;
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Vu, II, la requête, enregistrée le 21 février 2012 sous le n° 11BX00473, présentée pour la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DE LA CORREZE, représentée par son président en exercice, par Me Lagier, qui conclut à l'annulation en tous points du jugement n° 0901611 du tribunal administratif de Limoges en date du 16 décembre 2010 ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la directive n° 79/409/CEE du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages dite " Oiseaux " ;
Vu la directive n° 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels de la faune et de la flore sauvage ;
Vu la directive 2009/147/CE du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le décret n° 88-940 du 30 septembre 1988 relatif à la destruction des animaux classés nuisibles ;
Vu l'arrêté modifié du 30 septembre 1988 fixant la liste des animaux susceptibles d'être classés nuisibles ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mai 2012 :
- le rapport de Mme Florence Madelaigue, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;
Considérant que le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT fait appel du jugement n° 0901611 du tribunal administratif de Limoges en date du 16 décembre 2010 en tant qu'il a annulé l'arrêté du préfet de la Corrèze en date du 11 juin 2009 en tant qu'il classe dans la liste des espèces d'animaux nuisibles dans son département pour la campagne 2009-2010, le renard, la corneille noire, la pie bavarde et l'étourneau sansonnet ; que, par une requête distincte, la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DE LA CORREZE demande à la cour d'annuler en tous points ce même jugement ; qu'il convient de joindre ces deux requêtes pour qu'il y soit statué par un même arrêt ;
Sur la requête de la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DE LA CORREZE :
Considérant que la personne qui, devant le tribunal administratif, est régulièrement intervenue soit à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, soit en défense à un tel recours, est recevable à interjeter appel du jugement rendu sur ce recours contrairement aux conclusions de son intervention lorsqu'elle aurait eu qualité, soit pour introduire le recours, soit, à défaut d'intervention de sa part, pour former tierce-opposition contre le jugement faisant droit au recours ;
Considérant que la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DE CORREZE, qui est intervenue en défense dans l'instance qui a donné lieu au jugement attaqué du tribunal administratif de Limoges, ne justifie d'aucun droit lésé par l'annulation de l'arrêté du 11 juin 2009 par lequel le préfet de la Corrèze, dans l'exercice des pouvoirs que lui confère l'article R. 427-7 du code de l'environnement dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publique, des activités agricoles, forestières et aquacoles ou de la protection de la flore et de la faune, a fixé la liste des espèces nuisibles dans le département pour la saison 2009-2010 et a prolongé la période de destruction à tir au-delà du 31 mars pour certains animaux et n'avait pas non plus à être mise en cause en première instance ; qu'elle est, par suite, sans qualité pour interjeter appel du jugement qui a prononcé son annulation ; qu'il suit de là que sa requête est irrecevable et ne peut qu'être rejetée ;
Sur le recours du ministre :
En ce qui concerne l'intervention de la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DE LA CORREZE :
Considérant que la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DE LA CORREZE, qui a intérêt au maintien de l'arrêté contesté dans la mesure où certaines espèces classées nuisibles contribuent à réduire le potentiel cynégétique en détruisant le gibier, et qui est intervenue devant le tribunal administratif de Limoges pour s'associer au mémoire en défense du préfet de la Corrèze, est recevable à intervenir, en appel, au soutien du recours présenté par le ministre ;
Considérant, toutefois, qu'un intervenant n'étant pas recevable à former des conclusions distinctes de celles de l'appelant, les conclusions de la fédération tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il a annulé l'arrêté du préfet en tant qu'il classe comme animaux nuisibles le putois, la fouine, la martre, et le geai des chênes et en tant que cet arrêté proroge la période de destruction à tir des corneilles noires, des pies bavardes, des étourneaux sansonnets et des geais des chênes au-delà du 31 mars sont irrecevables ;
En ce qui concerne la régularité du jugement :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, alors que la date de l'audience était fixée au 2 décembre 2010, qu'un mémoire de l'ASPAS, enregistré le 22 novembre 2010, a été communiqué le 25 novembre à la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DE LA CORREZE par un courrier reçu le 27 novembre 2010, l'invitant à produire, le cas échéant, des observations en réplique " aussi rapidement que possible " ; que si le tribunal n'a pas donné suite à la demande de report de l'audience formulée par la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DE LA CORREZE, il ressort des motifs du jugement attaqué qu'il ne s'est pas fondé sur les éléments contenus dans ce mémoire pour annuler l'arrêté préfectoral en litige ; que la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DE LA CORREZE n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que le caractère contradictoire de l'instruction a été méconnu et à demander l'annulation du jugement attaqué ;
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 427-6 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable au litige : " Le ministre chargé de la chasse fixe la liste des espèces d'animaux susceptibles d'être classés nuisibles en application de l'article L. 427-8. Cette liste est établie après avis du Conseil national de la chasse et de la faune sauvage en fonction des dommages que ces animaux peuvent causer aux activités humaines et aux équilibres biologiques. Elle ne peut comprendre d'espèces dont la capture ou la destruction est interdite en application de l'article L. 411-1 " ; qu'aux termes de l'article R. 427-7 du même code alors en vigueur : " I. Dans chaque département, le préfet détermine les espèces d'animaux nuisibles parmi celles figurant sur la liste prévue à l'article R. 427-6, en fonction de la situation locale, et pour l'un des motifs ci-après : 1° Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ; 2° Pour prévenir des dommages importants aux activités agricoles, forestières et aquacoles ; 3° Pour assurer la protection de la flore et de la faune. II. L'arrêté du préfet est pris après avis de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage et de la fédération des chasseurs. III. L'arrêté est pris chaque année, pour la période allant du 1er juillet au 30 juin " ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions, qu'au titre d'une année considérée, il peut être légalement procédé au classement parmi les nuisibles d'une espèce animale figurant sur la liste établie en application de l'article R. 427-6 précité par l'arrêté susvisé du 30 septembre 1988, dès lors que cette espèce est répandue de façon significative dans le département et que, compte tenu des caractéristiques géographiques, économiques et humaines de celui-ci, sa présence est susceptible de porter atteinte aux intérêts protégés par les dispositions précitées ou dès lors qu'il est établi qu'elle est à l'origine d'atteintes significatives à ces intérêts protégés ;
Considérant que pour annuler l'arrêté du préfet de la Corrèze en tant qu'il classe dans la liste des espèces d'animaux nuisibles dans son département pour la campagne 2009-2010 le renard, la corneille noire, la pie bavarde et l'étourneau sansonnet, les premiers juges ont considéré que le préfet ne justifiait pas que les dégâts aux intérêts protégés par les dispositions du code de l'environnement s'établissaient à un niveau significatif permettant, en application de l'article R. 427-7 du code de l'environnement, de les classer parmi les animaux nuisibles ;
Considérant que, pour établir que la décision attaquée était légale, le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT invoque, dans sa requête communiquée à l'ASPAS, un autre motif tiré de ce que les espèces en cause sont répandues de façon significative dans le département de la Corrèze et que, compte tenu des caractéristiques géographiques, économiques et humaines de celui-ci, leur présence est susceptible de porter atteinte aux intérêts protégés par les dispositions précitées du code de l'environnement ; qu'il produit les comptes-rendus de piégeage établis pour les campagnes précédentes, qui, en l'absence d'étude scientifique, constituent un indicateur suffisamment fiable de l'importance des populations d'animaux classés nuisibles ; qu'il ressort de ces comptes-rendus que le nombre des captures est en constante augmentation depuis 2002 et que les prélèvements s'établissent en 2007 à 887 renards, 707 pies bavardes et 651 corneilles noires ; que si les prélèvements sont faibles pour les étourneaux sansonnets car les comptes-rendus de piégeage ne constituent pas un outil fiable pour cette espèce peu prisée des piégeurs, le ministre produit un document réalisé par la société pour l'étude et la protection des oiseaux en Limousin qui montre que cet animal est bien représenté dans ce département où l'espèce est estimée entre 1,5 et 6 millions de couples nicheurs ; qu'ainsi, il ressort de ces documents que le renard, la corneille noire, la pie bavarde et l'étourneau sansonnet constituent des espèces animales répandues de façon significative dans le département de la Corrèze ; qu'en outre, en raison de la présence dans ce département de 33 exploitations professionnelles de volailles de chair et de 41 exploitations professionnelles de palmipèdes gras produisant chaque année 830 000 poulets, dont 75 % dans le cadre de la filière qualité et 100 000 canards gras, la prolifération du renard, de la corneille noire ou de la pie bavarde est susceptible de porter atteinte aux activités avicoles ; que le classement comme nuisibles de ces espèces est également justifié par les dommages susceptibles d'être causés au petit gibier ; que l'étourneau sansonnet, connu pour les ravages causés dans les vergers, est susceptible de porter atteinte aux activités agricoles du département, notamment à l'arboriculture fruitière très présente en Corrèze ; qu'eu égard aux caractéristiques de ce département, la présence de ces animaux est susceptible de porter atteinte aux intérêts protégés par les dispositions précitées de l'article R. 427-7 du code de l'environnement ;
Considérant que le préfet aurait pris la même décision s'il avait entendu se fonder initialement sur ce motif et que l'ASPAS n'est privée d'aucune garantie procédurale liée à cette substitution de motif à laquelle il y a lieu de procéder ; que, dès lors, le motif invoqué en appel par le ministre est de nature à fonder légalement la décision du préfet de la Corrèze ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Limoges a prononcé l'annulation partielle de l'arrêté du préfet de la Corrèze fixant la liste des animaux classés nuisibles du 1er juillet 2009 au 30 juin 2010 ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'ASPAS devant le tribunal administratif de Limoges et devant la cour concernant le classement comme espèces nuisibles du renard, de la pie bavarde, de la corneille noire et de l'étourneau sansonnet ;
Considérant, en premier lieu, que l'ASPAS soutient devant la cour que les conditions de convocation de la Commission départementale de la chasse et de la faune sauvage ne sont pas conformes au décret du 8 juin 2006 en raison de l'absence de communication à ses membres des documents nécessaires dans le délai de cinq jours précédant la réunion de celle-ci ; que, toutefois, ce moyen, qui n'est pas d'ordre public, a été présenté plus de deux mois après l'expiration du délai de recours contentieux qui courrait, en l'espèce, au plus tard à compter de la date de la saisine du tribunal et alors qu'aucun moyen de légalité externe n'avait été invoqué dans ce délai à l'encontre de l'arrêté du préfet en tant qu'il inclut certains animaux dans la liste des animaux nuisibles du département de la Corrèze ; que ce moyen a ainsi le caractère d'une prétention nouvelle tardivement présentée et est, par suite, irrecevable ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'en vertu de l'article 9 de la directive européenne du 2 avril 1979 codifiée par la directive 2009/147/CE du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages susvisée, il ne peut être dérogé à la protection dont bénéficient les oiseaux sauvages que s'il n'existe pas d'autres solutions satisfaisantes ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Corrèze ait recherché des méthodes alternatives à la destruction de l'étourneau sansonnet, de la corneille noire et de la pie bavarde ; que, par suite, en classant ces oiseaux dans la liste des espèces nuisibles, sans avoir préalablement mis en oeuvre ou étudié des solutions alternatives, le préfet a commis une erreur de droit ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte des dispositions de l'article 16 de la directive n° 92/43/CEE du 21 mai 1992 susvisée, que le prélèvement dans la nature de certaines espèces animales fait l'objet de " mesures de gestion " auxquelles les Etats membres peuvent déroger, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante pour prévenir, notamment, des dommages importants aux cultures, à l'élevage, aux forêts, aux pêcheries et aux eaux ; que, toutefois, le renard n'est pas au nombre des espèces faisant l'objet de telles mesures de gestion ; que, par suite, l'ASPAS n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté contesté méconnaîtrait, en ce qui concerne le renard, les objectifs et mesures fixés par l'article 16 précité de la directive " Habitats " du 21 mai 1992 ;
Considérant, en quatrième lieu, que la circonstance que le renard puisse jouer un rôle de régulation est sans influence sur la légalité de l'arrêté préfectoral litigieux dès lors qu'il a été préalablement classé comme nuisible par l'arrêté ministériel du 30 septembre 1988 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a annulé l'arrêté du préfet de la Corrèze en date du 11 juin 2009 en tant qu'il a classé dans la liste des animaux nuisibles le renard ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État, la somme que l'ASPAS demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DE LA CORREZE, enregistrée sous le n°11BX00473, est rejetée.
Article 2 : L'intervention de la FEDERATION DEPARTEMENTALE DES CHASSEURS DE LA CORREZE, enregistrée sous le n°11BX00506 est admise.
Article 3 : Le jugement du 16 décembre 2010 du tribunal administratif de Limoges est annulé en ce qu'il a annulé l'arrêté du 11 juin 2009 du préfet de la Corrèze en tant que ce dernier a classé dans la liste des animaux nuisibles le renard.
Article 4 : Le surplus du recours du MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de l'ASPAS tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N°s 11BX00473, 11BX00506