Vu la requête enregistrée le 18 janvier 2011, présentée pour Mme Catherine A, demeurant ... par Me Roul ;
Mme A demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0705315 du 25 novembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du directeur de la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde en date du 12 octobre 2007 lui infligeant une pénalité d'un montant de 5 032 euros sur le fondement de l'article L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale ;
2°) à titre principal, d'annuler cette décision et de condamner la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde à lui rembourser la somme de 5 032 euros, à titre subsidiaire, de réduire le montant de cette sanction ;
3°) de condamner la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde à lui verser la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mai 2012 :
- le rapport de M. Aymard de Malafosse, président de chambre ;
- les conclusions de Mme Marie-Pierre Dupuy, rapporteur public ;
- et les observations de Me Barois, collaborateur de Me Bardet, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde ;
Considérant que Mme A, qui exerce l'activité libérale de médecin généraliste dans un cabinet situé à Talence où exerce également M. B, s'est vue infliger, par une décision du directeur de la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde en date du 12 octobre 2007 prise sur le fondement des dispositions de l'article L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale, une pénalité d'un montant de 5 032 euros ; que le tribunal administratif de Bordeaux a, par le jugement attaqué, rejeté la demande de Mme A tendant à l'annulation de cette décision ; que Mme A fait appel de ce jugement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale : " L'inobservation des règles du présent code par les professionnels de santé (...) ayant abouti à une demande de remboursement ou de prise en charge ou à un remboursement ou une prise en charge indus " peut " faire l'objet d'une pénalité prononcée par le directeur de l'organisme local d'assurance maladie, après avis d'une commission composée et constituée au sein du conseil de cet organisme (...). Le montant de la pénalité est fixé en fonction de la gravité des faits, dans la limite de deux fois le plafond de la sécurité sociale. Ce montant est doublé en cas de récidive. L'organisme d'assurance maladie notifie le montant envisagé de la pénalité et les faits reprochés à la personne ou l'établissement en cause, afin qu'il puisse présenter leurs observations écrites ou orales dans un délai d'un mois (...) " ; que l'article R. 147-2 du même code dispose : " Lorsqu'il a connaissance de faits susceptibles de faire l'objet de la pénalité financière mentionnée à l'article L. 162-1-14, le directeur de l'organisme local d'assurance maladie adresse à la personne ou à l'établissement en cause une mise en garde lui indiquant que ces faits seraient de nature à justifier l'engagement d'une procédure de sanction s'ils devaient être à nouveau constatés après un délai minimum d'un mois. Cette mise en garde n'est pas requise : - lorsque la personne ou l'établissement en cause a déjà fait l'objet, durant les deux ans qui précèdent, d'une mise en garde ou d'une pénalité financière pour un même motif ; - lorsque la demande présentée indûment au remboursement ou le montant mis indûment à la charge de l'assurance maladie dépasse la moitié du plafond mensuel de la sécurité sociale " ; que selon l'article R. 147-3 : " Si, malgré la mise en garde mentionnée à l'article R. 147-2, des faits de même nature sont constatés à l'issue du délai d'un mois imparti, le directeur de l'organisme local d'assurance maladie adresse à la personne ou à l'établissement en cause la notification prévue à l'article L. 162-1-14. Cette notification précise les faits reprochés et le montant de la pénalité encourue et indique à la personne ou l'établissement en cause qu'il dispose d'un délai d'un mois à compter de sa réception pour demander à être entendu, s'il le souhaite, ou pour présenter des observations écrites. / (...) Si, après réception des observations écrites ou après audition de la personne ou de l'établissement, ou à l'issue du délai d'un mois à compter de la notification, le directeur décide de poursuivre la procédure, il saisit la commission mentionnée à l'article L. 162-1-14 (...) / ... après avoir entendu le rapporteur et, s'il le souhaite, la personne ou l'établissement en cause, la commission rend un avis motivé, portant notamment sur la matérialité et la gravité des faits reprochés, sur la responsabilité de la personne ou de l'établissement et sur le montant de la pénalité susceptible d'être appliquée. / La commission doit émettre son avis dans un délai d'un mois à compter de sa saisine. Elle peut, si un complément d'information est nécessaire, demander au directeur un délai supplémentaire d'un mois. Toutefois, si la commission ne s'est pas prononcée au terme du délai qui lui est imparti, l'avis est réputé rendu. Le directeur dispose d'un délai de quinze jours à partir de la réception de l'avis de la commission ou de la date à laquelle celui-ci est réputé avoir été rendu pour fixer, par une décision motivée, le montant définitif de la pénalité et le notifier à la personne ou l'établissement en cause (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 147-7 du même code : " La pénalité est fixée, en fonction de la gravité des faits reprochés, à un montant : (...) c) compris entre 500 euros et deux fois le plafond de la sécurité sociale en vigueur à la date des faits lorsque le montant indûment présenté au remboursement ou mis indûment à la charge de l'assurance maladie est supérieur à 2 000 euros (...) " ;
Considérant que, par une décision du 6 janvier 2004, la section des assurances sociales du conseil national de l'ordre des médecins a infligé à M. B, en application de l'article L. 145-2 du code de la sécurité sociale, la sanction de l'interdiction de donner des soins aux assurés sociaux pendant une période de six mois ; que le Conseil d'Etat n'ayant pas admis le pourvoi formé par M. B contre cette décision, ladite juridiction ordinale a fixé du 1er août 2005 au 31 janvier 2006 la période pendant laquelle il était interdit à M. B de donner des soins aux assurés sociaux ; qu'à la suite d'une enquête menée de mars à juin 2006 par un agent assermenté de la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde, le directeur de cette caisse a décidé de mettre en oeuvre à l'encontre de Mme A la procédure de sanction prévue par les dispositions précitées de l'article L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale, au motif qu'elle avait, pendant la période d'interdiction mentionnée ci-dessus, permis à son confrère d'utiliser sa carte de professionnel de santé ; qu'à l'issue de cette procédure, le directeur de la caisse a infligé à Mme A la sanction maximale prévue par l'article R. 147-7 précité du code de la sécurité sociale lorsque les sommes indûment mises à la charge de l'assurance maladie dépassent 2 000 euros ;
Sur la légalité externe :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, comme le fait valoir la requérante, les pièces du dossier constitué par la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde pour étayer les griefs formulés à son encontre lui ont été présentées pour la première fois lors de l'entretien qu'elle a eu le 28 septembre 2006 avec l'agent assermenté de la caisse ; que, toutefois, par une lettre datée du 6 juillet 2007, le directeur de la caisse a informé Mme A que la procédure de sanction prévue à l'article L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale était engagée à son encontre, a précisé les griefs retenus et les sanctions encourues, lui a indiqué qu'elle disposait d'un délai d'un mois pour présenter ses observations écrites ou orales, assistée ou représentée par la personne de son choix si elle le souhaitait, qu'elle pouvait consulter l'ensemble du dossier au siège de la caisse, et qu'elle pourrait être entendue par la commission prévue audit article L. 162-1-14 ; que, par une lettre datée du 17 septembre 2007, Mme A a été informée que ladite commission se réunirait le 3 octobre 2007, qu'elle pouvait demander à être entendue par cette commission, et pouvait être assistée ou représentée par la personne de son choix ; que, dès lors, la requérante a été mise en mesure, avant que ne soit prononcée, le 12 octobre 2007, la sanction contestée, de connaître les pièces du dossier constitué par la caisse, d'en discuter la teneur ainsi que les conclusions que la caisse entendait en tirer et, de façon générale, de présenter toutes observations utiles à sa défense ; que, contrairement à ce que soutient la requérante, les ordonnances que M. B aurait, selon la caisse, émises pendant la période d'interdiction qui le frappait, étaient bien incluses dans le dossier auquel elle a eu accès ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la violation du principe du contradictoire ne peut qu'être écarté ;
Sur la légalité interne :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'agent assermenté de la caisse, dont les procès-verbaux font foi jusqu'à preuve du contraire en vertu de l'article L. 114-10 du code de la sécurité sociale, a auditionné 23 assurés sociaux, que 16 d'entre eux ont déclaré à cet agent que M. B avait effectué à leur profit ou au profit de leurs ayants droit, des consultations pendant la période du 1er août 2005 au 31 janvier 2006 au cours de laquelle, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il lui était interdit de donner des soins aux assurés sociaux, et que les facturations opérées auprès de la caisse pour ces consultations ont été faites au moyen de la carte de professionnel de santé de Mme A ; que les ordonnances émises à l'issue de ces consultations étaient établies par ordinateur sur du papier portant le nom des deux médecins exerçant dans le cabinet, sans que, le plus souvent, le nom de l'un d'eux ne soit biffé, et étaient revêtues pour la plupart de la signature de Mme A apposée au moyen d'un tampon ; que les montants remboursés par la caisse à raison des 47 actes effectués par M. B auprès de ces 16 assurés sociaux ou de leurs ayants droit pendant la période litigieuse s'élève à 2 653,26 euros ;
Considérant que les déclarations faites par les assurés sociaux à l'agent assermenté de la caisse, sur lesquelles s'est fondée celle-ci, sont suffisamment précises et circonstanciées pour constituer des éléments de preuve, même si elles ont été faites plusieurs mois après les faits ; que la requérante n'établit pas, en produisant deux attestations émanant de deux assurés sociaux auditionnés par cet agent mais dont les déclarations n'ont pas été retenues pour étayer les griefs que l'agent assermenté aurait eu un comportement agressif de nature à altérer la sincérité des témoignages sur lesquels s'est fondée la caisse ; que si Mme A fait valoir, en produisant deux rapports médicaux, que M. B était, en raison d'une cruralgie, en situation d'incapacité temporaire totale de travail pendant la période d'interdiction susmentionnée, les documents produits ne font pas ressortir qu'il était dans l'incapacité totale de réaliser des consultations pendant toute cette période alors surtout qu'il produit lui-même un document qui montre qu'en dépit de cette cruralgie, il a effectué pendant cette période, un séjour à Hong-Kong du 25 au 28 août 2005 ; que, s'agissant du dossier d'assuré social portant le n° 3, s'il est exact que la consultation n'a pas été facturée auprès de la caisse, l'assuré social a formellement attesté que M. B lui avait prescrit des séances de kinésithérapie et la feuille de sécurité sociale établie par le kinésithérapeute mentionne M. B comme prescripteur ; que, s'agissant des dossiers d'assurés sociaux portant les n° 6, 8, 10, 13 et 18 les déclarations des assurés sociaux sont formelles et précises quant aux dates auxquelles M. B a effectué les consultations retenues par la caisse, et la requérante n'apporte aucun élément de nature à contredire ces déclarations ; que, s'il est vrai que, dans le dossier n° 18, l'une des consultations retenues a été indiquée comme étant du 24 août 2005 alors qu'à cette date M. B était en partance pour Hong-Kong, la caisse établit que cette date résulte d'une erreur lors de la saisie de liquidation, la date du 24 septembre ayant été portée sur la feuille de soins papier et la prescription ; que, dans le dossier n° 22, et contrairement à ce que soutient la requérante, la caisse a bien retenu comme indu, pour la consultation du 19 octobre 2005, non seulement le remboursement des médicaments mais aussi celui de la consultation ;
Considérant, toutefois, que, dans les dossiers n° 2, 11 et 15, Mme A produit des attestations des assurés sociaux qui reviennent sur les déclarations qu'ils avaient faites auprès de l'agent assermenté en affirmant qu'ils n'ont pas reçu de soins de la part de M. B pendant la période d'interdiction susmentionnée ; que, bien que deux de ces attestations aient été établies en septembre et octobre 2010, soit plusieurs années après les faits, il y a lieu de regarder comme non établis, en ce qui concerne ces trois dossiers, les faits reprochés par le directeur de la caisse ; que, cependant, les montants des sommes remboursées par la caisse pour ces trois assurés sociaux ne s'élève au total qu'à 380,41 euros, de sorte que les remboursements indus effectués par la caisse s'établissent en définitive à 2 272,85 euros, soit un montant qui demeure supérieur à 2 000 euros ; qu'il ressort des pièces du dossier que le directeur de la caisse aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que les 13 autres dossiers d'assurés sociaux portant sur 43 consultations effectuées pendant la période d'interdiction ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A et M. B partageaient le même cabinet, le même bureau et la même salle d'auscultation ; que Mme A a permis à M. B de violer délibérément, à plusieurs reprises, l'interdiction qui lui avait été faite de donner des soins aux assurés sociaux par la juridiction ordinale et d'utiliser sa carte de professionnel de santé afin de tromper l'organisme de sécurité sociale chargé de procéder au remboursement des actes ainsi pratiqués ; que, compte tenu du caractère frauduleux et répétitif de ces faits, la sanction contestée n'est pas disproportionnée et a pu légalement être prononcée par le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde sur le fondement de l'article L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale, sans que la requérante puisse utilement demander à titre subsidiaire une réduction du montant de la sanction ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande ;
Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde n'étant pas la partie perdante, les conclusions de Mme A présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être écartées ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A le versement à ladite caisse de la somme de 1 000 euros sur le fondement de ces mêmes dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.
Article 2 : Mme A versera la somme de 1 000 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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No 11BX00179