Vu la requête, enregistrée le 28 novembre 2011, présentée par le PREFET DE LA GUADELOUPE ; le PREFET DE LA GUADELOUPE demande à la cour d'annuler le jugement n° 1000526 du 13 octobre 2011 par lequel le tribunal administratif de Basse-Terre a annulé l'arrêté du sous-préfet de Pointe-à-Pitre du 16 août 2010 prononçant la reconduite à la frontière avec fixation du pays de renvoi de M. A, ressortissant haïtien ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 mai 2012 :
- le rapport de M. Patrick Jacq, Président-rapporteur ;
- les conclusions de M. Olivier Gosselin, rapporteur public ;
Considérant que M. A, de nationalité haïtienne, est entré irrégulièrement en France en 1998 selon ses déclarations ; qu'il a bénéficié d'un titre de séjour vie privée et familiale de septembre 2006 à septembre 2007 ; qu'il s'est marié en 2007 avec une compatriote en situation irrégulière avec laquelle il a eu un enfant ; qu'à la suite de sa demande de renouvellement de son titre de séjour, le préfet de la Guadeloupe a pris une décision en date du 12 juillet 2007 de refus de séjour, assorti d'une obligation de quitter le territoire français ; que l'intéressé s'est maintenu en situation irrégulière et a été interpellé en janvier 2009 ; que le préfet ayant pris un arrêté de reconduite à la frontière, celui-ci s'est de nouveau soustrait à cette obligation et s'est maintenu en situation irrégulière ; qu'il a été interpellé en 2010 et par décision du 16 août 2010, le préfet a pris un nouvel arrêté de reconduite à la frontière sur le fondement du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif à l'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français exécutoire prise depuis au moins un an ; qu'à la demande de M. A, l'arrêté a été annulé par le tribunal administratif de Basse-Terre et le PREFET DE LA GUADELOUPE fait appel de ce jugement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II- L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 3° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français exécutoire prise depuis au moins un an (...) " ; qu' indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, qu'il s'agisse d'un arrêté d'expulsion pris selon la procédure normale ou d'un arrêté de reconduite à la frontière, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance, 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " ;
Considérant que le préfet soutient que l'arrêté ne viole ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il fait valoir que l'ensemble de la famille est en situation irrégulière et que rien ne s'oppose à ce que M. A et son épouse repartent dans leur pays où réside un des enfants de l'intéressé ; qu'il fait également valoir que ce dernier , qui se maintient en situation irrégulière alors qu'il a fait l'objet de plusieurs décisions de refus de séjour et de reconduite à la frontière, ne démontre pas son intégration au sein de la société française ; que M. A est marié avec une compatriote haïtienne qui est également en situation irrégulière ; que leur enfant né en 2007 a la nationalité haïtienne ; que rien ne s'oppose à ce que la famille poursuive sa vie privée et familiale dans son pays où M. A pourrait rejoindre son enfant né en 1999 ; que l'intéressé n'établit pas ne plus avoir de relation avec cet enfant ni que cet enfant aurait péri lors du séisme qui a touché Haïti en 2010 ; que c'est donc à tort que les premiers juges, pour annuler l'arrêté litigieux, ont estimé que la décision litigieuse était contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne et aux dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A à l'encontre de l'arrêté du 16 août 2010 ;
Considérant que le sous-préfet de Pointe-à-Pitre, et en son absence le secrétaire général de la sous-préfecture, avait compétence pour signer l'arrêté litigieux, dès lors qu'il bénéficiait d'une délégation de signature régulièrement publiée lui permettant de signer les mesures de reconduite à la frontière ;
Considérant que si M. A, qui au demeurant n'apporte aucun élément au soutien de ses affirmations, soutient que le préfet ne peut motiver sa décision par les circonstances qu'il ne disposerait pas de son passeport et qu'il n'aurait pas pointé durant son assignation à résidence dans le but de préparer sa reconduite à la frontière de 2009, ces circonstances sont sans influence sur la légalité de la décision litigieuse qu'elles ne motivent pas ;
Considérant que pour les motifs ci-dessus développés, les moyens tirés de la violation de la convention européenne, de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision litigieuse sur la vie privé et familiale de l'intéressé doivent être également rejetés ;
Considérant que si M. A soutient que la décision fixant le pays de renvoi n'est pas suffisamment motivée, la décision dont s'agit mentionne bien le fait qu'elle ne contrevient pas aux dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le moyen doit par suite être rejeté ;
Considérant enfin que si M. A soutient que son renvoi en Haïti l'exposerait à un traitement dégradant du fait que le pays est dévasté à la suite du séisme survenu en 2010, il se borne à évoquer la situation générale en Haïti et n'établit ni résider dans la zone affectée par le tremblement de terre ni qu'il serait exposé à des risques personnels et actuels de traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays ; que le moyen doit être par suite écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA GUADELOUPE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Basse-Terre a annulé l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de M. A ; qu'il y a lieu par suite d'annuler le jugement rendu par le tribunal administratif de Basse-Terre ;
DECIDE
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Basse-Terre du 13 octobre 2011 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Basse-Terre est rejetée.
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No 11BX03094