Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 2 avril 2010 en télécopie sous le n° 10BX00890 et en original le 6 avril 2010, présentée pour M. et Mme Antoine A, demeurant ... ; M. et Mme A demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0503058 en date du 2 février 2010, par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution sociale généralisée, de contribution pour le remboursement de la dette sociale et de prélèvement de 2 % auxquelles ils ont été, par des rôles émis en 2004, assujettis au titre de l'année 2000, ainsi que des pénalités correspondantes ;
2°) d'ordonner la décharge des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de commerce ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 mars 2012 :
- le rapport de Mme D. Boulard, président assesseur ;
- les conclusions de Mme M-P. Dupuy, rapporteur public ;
- et les observations de Me Guillot de Suduiraut, avocat de M. et Mme A ;
Considérant que les rappels d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en litige procèdent de ce que l'administration fiscale a taxé, au titre de l'année 2000, une plus-value réalisée par M. Antoine A lors de la cession d'actions de la société anonyme Oc Résidences à la société anonyme Maisons France Confort (MFC), sans tenir compte de la donation de titres faite à ses enfants Christel et Julien ; que ce complément de plus-value d'un montant, en bases, de 8 910 000 Francs, soit 1 358 320 euros, a été imposé selon la procédure de répression des abus de droit prévue par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, l'administration estimant à la fois que la donation de titres effectuée par M. B en faveur de ses enfants avait un but exclusivement fiscal et que cette donation était postérieure à la cession d'actions au profit de la société MFC ; que M. et Mme A font appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse qui, tout en admettant l'antériorité de la donation de titres par rapport à leur cession, a cependant regardé cette donation comme procédant d'un abus de droit et rejeté leurs conclusions dirigées contre les rappels effectués à ce titre ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 150-O A du code général des impôts alors en vigueur : " I. - 1. Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles ainsi que de l'article 150 A bis, les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement ou par personne interposée, de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l'article 118 et aux 6° et 7° de l'article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu lorsque le montant de ces cessions excède, par foyer fiscal, 50 000 F par an. (...) " ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1583 du code civil : " La propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée et le prix payé " ; qu'aux termes de l'article 265 de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés dans sa rédaction alors en vigueur : " Les droits du titulaire d'un titre nominatif sont établis par une inscription sur les registres de la personne morale émettrice. La transmission du titre nominatif ne peut s'opérer à l'égard des tiers et de la personne morale émettrice que par un transfert sur ces registres " ; que la date à laquelle la cession de titres nominatifs d'une société générant une plus-value imposable doit être regardée comme réalisée est, indépendamment de ses modalités de paiement, celle à laquelle s'opère entre les parties le transfert de propriété ; que ce transfert de propriété a lieu, sauf dispositions contractuelles contraires, à la date où un accord intervient sur la chose et le prix, même si ce transfert n'est opposable aux tiers qu'à compter de sa date d'inscription au registre de la société émettrice ou du jour auquel elle a été informée de la cession, s'il est antérieur à cette date ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par un acte, portant comme date de sa signature le 20 juin 2000, enregistré auprès de la recette des impôts le 4 juillet 2000, M. Antoine A, qui détenait notamment avec son épouse la majeure partie du capital de la société Oc Résidences divisé en 2 500 actions d'une valeur nominale de 100 francs, a déclaré avoir transféré, par deux ordres de mouvement inscrits sur le registre de la société le 16 juin 2000, à titre de partage anticipé, à chacun de ses deux enfants, Christel et Julien, nés respectivement en 1979 et 1983, la pleine propriété de 450 actions nominatives ordinaires de cette société Oc Résidences, la valeur individuelle de ces titres étant estimée dans cet acte à 10 000 francs ; qu'une " promesse de cessions d'actions " portant sur la totalité des 2 500 actions formant le capital de la société Oc Résidences a été signée le 23 juin 2000 par M. Antoine A, agissant en son nom et comme se portant fort des autres actionnaires, dont ses enfants figurant dans la liste des actionnaires pour un nombre de titres incluant ceux donnés, et la société anonyme MFC, pour un prix " arrêté définitivement " par l'article 3 de la convention à 25 millions de francs, à payer " le jour de la remise des ordres de mouvements ", cette remise devant intervenir " au plus tard le 15 juillet 2000 " ; que l'article 6 de cet acte stipule que la " cession définitive est soumise aux conditions suspensives " qu'il précise dans les paragraphes 6-1 et 6-2 ; que la première condition définie par le paragraphe 6-1 porte sur la réalisation, par le " cessionnaire " ou ses mandataires, d'un audit comptable, juridique et fiscal des comptes de la société Oc Résidences les 20 et 21 juin 2000, suivi d'un " compte-rendu écrit ", dont la remise au cédant est fixée au 27 juin 2000 ; que ledit paragraphe ajoute que le " cessionnaire " pourra, au vu de l'audit " renoncer à l'acquisition " dans les deux hypothèses qu'il décrit ; qu'il stipule ainsi que " la présente promesse sera purement et simplement résiliée sans indemnité " en cas d'" évènements, faits ou risques " révélés par l'audit, susceptibles d'être regardés par le " cessionnaire " comme ayant une " incidence négative nette immédiate ou à terme sur les capitaux propres " de la société Oc Résidences, et que, dans le cas où ledit " cessionnaire " ne peut se fonder sur de telles justifications, il lui est encore permis de " ne pas poursuivre son projet " moyennant cependant le versement d'une indemnité " fixée forfaitairement à titre de clause pénale à 500 000 francs " ; que ce même paragraphe 6-1 précise qu'" au-delà " de la date du 15 juillet 2000, la promesse " ne portera plus d'effets " ; qu'il résulte du paragraphe 6-2 que l'autre condition tient à l'autorisation du projet de cession par le conseil d'administration, laquelle autorisation avait été donnée dès le 20 juin 2000 ; que le paiement de la cession des actions de la société Oc Résidences, après le dépôt du rapport établi par deux cabinets d'audit et d'expertise comptable, est effectivement intervenu le 10 juillet suivant, les chèques étant émis à cette date par la société cessionnaire et l'achat de titres étant à cette même date enregistré dans sa comptabilité ; que les sommes provenant de la cession des titres ayant fait l'objet de la déclaration de transfert du 20 juin 2000 ont été encaissées par deux sociétés civiles, chacune de ces société créées le 4 juillet 2000 étant détenue en quasi-totalité par chacun des enfants donataires ;
Considérant que l'administration est en droit de retenir la date du 4 juillet 2000 comme étant celle à laquelle la déclaration de transfert de propriété des actions de la société Oc Résidences entre M. A et ses enfants a été portée à sa connaissance, même si ce transfert avait donné lieu à des ordres de mouvement inscrits sur le registre dès le 16 juin 2000 et la déclaration avait été signée le 20 juin 2000 ; qu'en revanche, l'échange des consentements et donc le transfert de propriété de ces mêmes actions entre leurs détenteurs et la société MFC, suspendu, aux termes de la convention précitée du 23 juin 2000, à l'appréciation par cette dernière société des incidences du rapport d'audit dans un délai pouvant aller jusqu'au 15 juillet 2000, ne peut être regardé comme ayant eu lieu avant le terme de ce délai laissé au cocontractant pour porter cette appréciation ou exprimer son accord dans le cas où cette expression serait antérieure au terme contractuellement fixé ; que le paiement des actions et l'enregistrement comptable de l'achat des titres le 10 juillet 2000 révèlent l'existence d'un accord de la société MFC à cette date ; que l'échange des consentements entre les cédants et la société cessionnaire doit donc être regardé comme intervenu à cette même date ; que, par conséquent, la donation des titres de la société Oc Résidences par M. A à ses enfants qui l'ont acceptée, en admettant que cette donation et cette acceptation ne puissent pas être prises en compte avant la date précitée du 4 juillet 2000, reste antérieure à leur cession à la société MFC ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors en vigueur : "Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : a) Qui donnent ouverture à des droits d'enregistrement ou à une taxe de publicité foncière moins élevés ; b) Ou qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ; c) Ou qui permettent d'éviter, en totalité ou en partie, le paiement des taxes sur le chiffre d'affaires correspondant aux opérations effectuées en exécution d'un contrat ou d'une convention. / L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité dont les avis rendus feront l'objet d'un rapport annuel. / Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé du redressement." ; que l'administration peut mettre en oeuvre les pouvoirs qu'elle tient de ces dernières dispositions à l'encontre soit d'actes qui revêtent un caractère fictif, soit d'actes qui, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que le contribuable, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles ;
Considérant que la donation en litige a eu pour effet, conformément à l'article 894 du code civil, de dépouiller le donateur, M. A, des titres de la société Oc Résidences donnés à ses enfants ; que la circonstance, mentionnée plus haut, que les sommes issues de la vente des actions données ont été encaissées par deux sociétés civiles, chacune d'elles détenue en quasi-totalité par chacun des enfants donataires, n'affecte pas le droit de ces donataires sur les sommes en cause, alors même que M. A est le gérant desdites sociétés civiles ; que cette qualité ne peut suffire à le faire regarder comme s'étant réapproprié le prix de la cession des titres donnés ; que les autres circonstances de la donation invoquées par l'administration, telles que la chronologie des opérations, ne permettent pas d'écarter l'intention libérale du donateur ; qu'en définitive, l'administration n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de ce que la donation n'aurait été inspirée par aucun autre motif que celui d'éluder l'impôt ou revêtirait un caractère fictif et, par suite, de ce que M. A aurait commis un abus de droit ; qu'il suit de là qu'elle n'était pas fondée à calculer la plus-value réalisée par lui lors de la cession des actions de la société Oc Résidences, abstraction faite de celles données à ses enfants ; que M. et Mme A sont donc fondés à demander la décharge des droits et pénalités en litige qui procèdent de ce chef de redressement ainsi que l'annulation du jugement attaqué qui a refusé d'ordonner cette décharge ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. et Mme A de la somme de 1 300 euros en remboursement des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0503058 en date du 2 février 2010 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.
Article 2 : M. et Mme A sont déchargés, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2000 à raison d'un complément de plus-value de 1 358 320 euros.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 300 euros à M. et Mme A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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