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20/03/2012 | FRANCE | N°11BX02932

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 20 mars 2012, 11BX02932


Vu la requête, enregistrée le 4 novembre 2011, présentée pour M. Ahmed A, élisant domicile chez son avocate, Me Mauriac-Lapalisse, 91 boulevard du Président Wilson à Bordeaux Cedex (33021) ;

M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1104065 du 11 octobre 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 octobre 2011 du préfet de la Gironde décidant de le placer en rétention administrative ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoind

re au préfet de la Gironde de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour le temps du ré...

Vu la requête, enregistrée le 4 novembre 2011, présentée pour M. Ahmed A, élisant domicile chez son avocate, Me Mauriac-Lapalisse, 91 boulevard du Président Wilson à Bordeaux Cedex (33021) ;

M. A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1104065 du 11 octobre 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 octobre 2011 du préfet de la Gironde décidant de le placer en rétention administrative ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour le temps du réexamen de sa situation ;

4°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et de condamner l'Etat à verser à Me Elodie Mauriac-Lapalisse la somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 février 2012 :

- le rapport de M. A. de Malafosse, président de chambre ;

- et les conclusions de Mme M-P. Dupuy, rapporteur public ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, de nationalité tunisienne, est entré irrégulièrement en France au début de l'année 2011 selon ses dires ; que, par un arrêté du 5 mars 2011, le préfet de la Gironde a décidé sa reconduite à la frontière ; que, par un jugement devenu définitif du 9 mars 2011, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté le recours qu'il a formé contre cet arrêté ; qu'ayant été interpellé le 7 octobre 2011, il a fait l'objet le même jour d'un arrêté du préfet de la Gironde décidant son placement en rétention administrative ; qu'il fait appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 7 octobre 2011 ;

Sur la demande tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'admettre M. A provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la motivation de l'arrêté :

Considérant que l'arrêté contesté, qui indique que M. A fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière prononcé le 5 mars 2011, qu'il ne peut quitter immédiatement le territoire français et qu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives en raison de l'absence de passeport, de domicile fixe et de ressources, comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lequel il se fonde et est ainsi suffisamment motivé ;

En ce qui concerne le bien-fondé de la mesure de rétention administrative :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé " ; qu'aux termes des dispositions de l'article 110 de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 entrée en vigueur le 17 juin 2011 : " Les dispositions de la présente loi applicables aux obligations de quitter sans délai le territoire français sont également applicables aux arrêtés de reconduite à la frontière prononcés en application du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction antérieure à la présente loi. / (...) " ; qu'en application de ces dispositions, M. A, qui avait fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière le 5 mars 2011, pouvait être placé en rétention administrative ;

Considérant, en second lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait omis d'examiner la situation de M. A afin de déterminer s'il pouvait faire l'objet d'une assignation à résidence en application de l'article L. 561-2 du code précité, et non d'un placement en rétention administrative ; que, compte tenu de ce que M. A ne disposait ni d'un passeport en cours de validité, ni d'un domicile propre, ni de ressources, et ne présentait donc pas de garanties de représentation, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation en décidant son placement en rétention administrative ; que la légalité de cette décision n'est pas, par elle-même, affectée en raison de l'exécution de la mesure d'éloignement avant que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux n'ait statué sur le recours formé contre cette décision ;

En ce qui concerne le caractère suspensif du recours :

Considérant qu'aux termes de l'article 5-4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale " ;

Considérant que ces stipulations impliquent qu'un étranger faisant l'objet d'un placement en rétention ne puisse être effectivement éloigné avant que le juge n'ait statué sur le recours qu'il a, le cas échéant, introduit contre la mesure de placement ; que, dès lors, en ne prévoyant pas, en dehors du cas visé à l'article L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans lequel le placement en rétention est contesté devant le juge en même temps que l'obligation de quitter le territoire français, que le recours devant le juge contre une mesure de placement en rétention administrative suspend l'exécution de la mesure d'éloignement tant que le juge n'a pas statué, ledit code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, est incompatible avec ces stipulations ; qu'il s'ensuit qu'en tant qu'il précise que " le recours juridictionnel contre la décision de placement en rétention administrative ne suspend pas l'exécution de la mesure d'éloignement ", l'arrêté litigieux est entaché d'illégalité et doit être annulé ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A est seulement fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 7 octobre 2011 en tant qu'il prévoit que " le recours juridictionnel contre la décision de placement en rétention administrative ne suspend pas l'exécution de la mesure d'éloignement ", et la réformation en ce sens du jugement attaqué ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt n'appelant aucune mesure d'exécution, les conclusions de M. A à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur l'application du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Mauriac-Lapalisse, avocate de M. A, de la somme de 1 300 euros au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat ;

DECIDE :

Article 1er : L'arrêté du préfet de la Gironde du 7 octobre 2011 est annulé en tant qu'il prévoit que " le recours juridictionnel contre la décision de placement en rétention administrative ne suspend pas l'exécution de la mesure d'éloignement ".

Article 2 : Le jugement n° 1104065 du 11 octobre 2011 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Mauriac-Lapalisse, avocate de M. A, la somme de 1 300 euros au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus de la requête est rejeté.

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No 11BX02932


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 11BX02932
Date de la décision : 20/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 URBANISME ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE. PERMIS DE CONSTRUIRE. NATURE DE LA DÉCISION. REFUS DU PERMIS. - INCOMPATIBILITÉ DE LA LOI FRANÇAISE AVEC L'ARTICLE 5-4 DE LA CONVENTION EUROPÉENNE DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTÉS FONDAMENTALES EN TANT QU'ELLE N'INTERDIT PAS, EN DEHORS DU CAS VISÉ À L'ARTICLE L. 512-3 DU CESEDA, L'EXÉCUTION DE LA MESURE D'ÉLOIGNEMENT AVANT QUE LE JUGE N'AIT STATUÉ SUR LE RECOURS CONTRE LE PLACEMENT EN RÉTENTION ADMINISTRATIVE.

335 Les stipulations de l'article 5-4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales impliquent qu'un étranger faisant l'objet d'un placement en rétention ne puisse être effectivement éloigné avant que le juge n'ait statué sur le recours qu'il a, le cas échéant, introduit contre la mesure de placement. Dès lors, en ne prévoyant pas, en dehors du cas visé à l'article L. 512-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans lequel le placement en rétention est contesté devant le juge en même temps que l'obligation de quitter le territoire français, que le recours devant le juge contre une mesure de placement en rétention administrative suspend l'exécution de la mesure d'éloignement tant que le juge n'a pas statué, ledit code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, est incompatible avec ces stipulations.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Aymard DE MALAFOSSE
Rapporteur public ?: Mme DUPUY
Avocat(s) : MAURIAC-LAPALISSE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2012-03-20;11bx02932 ?
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