Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 31 mars 2011, présentée pour la COMMUNE DE MONTMORILLON, représentée par son maire, par Me Brossier, avocat ; la COMMUNE DE MONTMORILLON demande à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 0900617 du 2 février 2011 du tribunal administratif de Poitiers en tant qu'il a limité le montant de l'indemnité demandée à la somme de 43.571,05 euros HT ;
2°) de condamner le groupement Somival-Safège environnement à lui verser la somme de 194.000 euros HT, avec intérêts au taux légal à compter du 10 mars 2009 et capitalisation des intérêts ;
3°) de mettre à la charge du groupement Somival-Safège environnement une somme de 2.000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 février 2012 :
- le rapport de Mme Munoz-Pauziès, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Gosselin, rapporteur public ;
- les observations de Me Lelong, avocat de la COMMUNE DE MONTMORILLON, de Me Juilles, avocat du groupement Somival-Safège environnement, de Me Remond, avocat du cabinet Dekra conseil HSE et de Me Lachaume, avocat du cabinet Beture Pöyry environnement ;
Considérant que la COMMUNE DE MONTMORILLON a conclu le 30 mai 2005 avec le groupement composé des sociétés Somival et Saunier-Techna, représenté par la société Somival, une convention de mandat de maîtrise d'ouvrage pour la réalisation du programme d'extension et d'aménagement de l'abattoir municipal et de la station d'épuration ; que le groupement mandataire a confié la réalisation d'une étude préalable à la société Norisko environnement, ayant pour objet la conception du dispositif de prétraitement des eaux usées de l'abattoir, sur la base de laquelle le groupement a rédigé le cahier des charges des travaux ; que la société Beture-Cerec s'est vu confier la maîtrise d'oeuvre de la réalisation de l'installation et, par marché unique à prix forfaitaire, les établissements Fournié ont été chargés de la réalisation des travaux de construction ; que des essais de fonctionnement ayant mis en évidence un dysfonctionnement total des systèmes d'épuration et des valeurs de charges entrantes très supérieures à celles attendues, la COMMUNE DE MONTMORILLON a sollicité une expertise, puis saisi le tribunal administratif de Poitiers d'une demande tendant, sur le terrain de la responsabilité contractuelle, à la condamnation du groupement Somival-Safège environnement, de la SAS Dekra conseil HSE, venant aux droits de la société Norisko environnement, et de la société Pöyry environnement, venant aux droits de la société Beture-Cerec, à lui verser la somme de 194.000 euros HT ; que par jugement du 2 février 2011, le tribunal administratif de Poitiers a condamné le groupement Somival-Safège environnement à verser à la commune la somme de 43.751,05 euros HT ; que la COMMUNE DE MONTMORILLON demande la réformation de ce jugement en tant qu'il a limité son préjudice à la somme de 43.751,05 euros HT ; que par la voie de l'appel incident, le groupement Somival-Safège environnement demande la réformation du même jugement en tant qu'il l'a condamné à verser la somme de 10.000 euros correspondant au montant prévisionnel de l'étude permettant de redimensionner l'équipement, et qu'il a rejeté ses appels en garantie à l'encontre des sociétés conseil HSE et Pöyry Environnement ;
Sur le préjudice de la COMMUNE DE MONTMORILLON :
Considérant que le tribunal administratif a évalué le préjudice de la COMMUNE DE MONTMORILLON à la somme de 43.571,05 euros HT, soit 33.571,05 euros HT correspondant aux frais inhérents au dysfonctionnement de l'installation, et 10.000 euros représentant les frais d'étude sur le fonctionnement du prétraitement en vue de la rédaction d'un nouveau cahier des charges, mais a refusé d'inclure dans le préjudice la somme de 150.000 euros, correspondant, selon l'expert désigné par le tribunal administratif le 25 avril 2008, au coût de l'installation d'un nouveau traitement des graisses ;
Considérant, en premier lieu, s'agissant du préjudice lié au coût de l'installation d'un traitement des graisses, que l'expert a évalué le coût total de la réhabilitation de l'installation à la somme de 731.000 euros HT ; qu'il a relevé toutefois que la totalité de cette somme ne pouvait être regardée comme un préjudice à la charge de la commune, dès lors que des dépenses supplémentaires auraient de toutes les façons dû être engagées pour tenir compte des valeurs de pollutions réellement rejetées dans les eaux usées de l'abattoir, et qu'en conséquence seuls les travaux portant sur l'installation d'un nouveau traitement des graisses, à concurrence de 150.000 euros HT, constituaient un surcoût lié à la faute commise par le mandataire de la COMMUNE DE MONTMORILLON ; que si le groupement Somival-Safège environnement fait valoir
qu'aucun élément du dossier ne permet d'attester du bien-fondé de cette évaluation, il est constant que l'installation livrée présentait de graves dysfonctionnements et que la commune était dans l'obligation de faire procéder à des travaux de réhabilitation ; que la commune produit devant la cour un acte d'engagement du 28 avril 2011, par lequel elle confie à la société Saur, pour un montant de 440.200 euros HT, les travaux de réhabilitation de l'installation de prétraitement des eaux usées de l'abattoir municipal ; qu'à défaut pour le groupement Somival-Safège environnement de proposer une autre évaluation de ce chef de préjudice, la COMMUNE DE MONTMORILLON est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a refusé d'inclure la somme de 150.000 euros HT dans le montant du préjudice indemnisable ;
Considérant en second lieu, s'agissant des frais d'étude, que la COMMUNE DE MONTMORILLON n'établit ni même n'allègue avoir fait procéder à une telle étude ; que par suite, ainsi que le soutient le groupement Somival-Safège environnement, la commune ne justifie pas de ce préjudice ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préjudice subi par la COMMUNE DE MONTMORILLON doit être évalué à la somme de 183.571,05 euros HT ;
Sur la faute de la COMMUNE DE MONTMORILLON :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par le tribunal administratif de Poitiers le 25 avril 2008, que les désordres constatés ont pour cause une erreur grossière dans la rédaction du cahier des charges destiné au maître d'oeuvre, qui, sur la base d'une étude réalisée par la société Norisko environnement, confond les caractéristiques des rejets futurs à prétraiter en 2007-2008 avec celles des rejets prétraités de l'installation existant en 2005, et présente dès lors les valeurs de pollution des effluents sortant du prétraitement existant en 2005 comme étant celles des rejets futurs à traiter ; que la société Beture-Cerec, maître d'oeuvre, a rédigé sur cette base le dossier de consultation des entreprises, validé par la commune et le groupement mandataire ; que le groupement Somival-Safège environnement, que le tribunal a jugé seul responsable des désordres ainsi causés, soutient que la COMMUNE DE MONTMORILLON a commis une faute de nature à atténuer sa responsabilité, dès lors qu'il n'a pas été mandaté pour réaliser une mission technique spécifique, et que la commune a approuvé le dossier de consultation des entreprises alors que ses services techniques en charge de la gestion de la station d'épuration dans laquelle étaient évacués les rejets prétraités de l'abattoir connaissaient parfaitement les données des charges entrantes et sortantes ;
Considérant que l'article 3.1 de la convention de mandat conclu entre la COMMUNE DE MONTMORILLON et le groupement Somival Saunier-Techna, devenu Somival-Safège environnement, relatif aux missions confiées au groupement mandataire, stipule : " Contre expertise du pré-montage : Validation des conditions administratives et techniques selon lesquelles les ouvrages seront étudiés et réalisés. Cet élément de mission porte sur l'organisation générale de l'opération et notamment : / - proposition du type d'études complémentaires éventuellement nécessaires (programmation, étude de sol, étude d'impact...) ; /- avis sur les intervenants nécessaires (maître d'oeuvre, contrôleur technique, coordonateur de sécurité, entreprises, assurances dommage ouvrage, police unique de chantier, tous risques chantier, ordonnancement pilotage...) ; /-définition des missions et responsabilités de chaque intervenant et proposition sur les modes de dévolution des contrats ; /- avis motivé sur les pré-études, propositions d'amélioration. " ; qu'il résulte de ces stipulations, contrairement à ce que soutient le groupement, que la COMMUNE DE MONTMORILLON a entendu confier à son mandataire une mission d'expertise sur les conditions administratives mais aussi techniques de la réalisation des ouvrages, mission qu'eu égard à sa modeste taille, la commune ne pouvait remplir, et consistant notamment dans le contrôle des pré-études techniques, la proposition d'études complémentaires ou encore la délivrance d'avis sur les intervenants nécessaires et la définition de leurs missions ; qu'ainsi, la circonstance que la COMMUNE DE MONTMORILLON n'a pas relevé l'erreur grossière affectant le cahier des charges rédigé par son mandataire ne peut être regardée comme constituant une faute susceptible d'atténuer la responsabilité du groupement Somival-Safège environnement ;
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
Considérant que la COMMUNE DE MONTMORILLON a droit aux intérêts au taux légal de la somme de 183.571,05 euros à compter du 10 mars 2009, date de l'enregistrement de sa demande au greffe du tribunal administratif de Poitiers ;
Considérant que la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'un an ; qu'en ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle les intérêts sont dus pour une année entière ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 10 mars 2009 ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 10 mars 2010, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
Sur les appels en garantie :
Considérant, en premier lieu, qu'en avril 2005, la société Somival a lancé une consultation en vue de la réalisation d'une étude préalable portant sur les installations de l'abattoir et le prétraitement en place ; que la société Norisko environnement a adressé le 18 mai 2005 une proposition d'étude intitulée " Réduction, contrôle et prétraitement des eaux usées de l'abattoir ", comprenant un " contrôle des rejets de l'abattoir sur une semaine ", proposition qui a été retenue par la société Somival et la COMMUNE DE MONTMORILLON ; que par convention d'étude conclue le 30 juin 2005, la commune, sur le conseil de son mandataire, a confié à la société Norisko " la réalisation d'un diagnostic des rejets d'eaux usées prétraités de l'abattoir " ; que la société Norisko environnement a réalisé les mesures sur les eaux usées entre le 27 juin 2005 et le 1er juillet 2005, dont les résultats ont été consignés dans une note de synthèse du 8 septembre 2005 ; que sur la base d'une interprétation grossièrement erronée de cette étude, la société Somival a rédigé le cahier des charges destiné au maître d'oeuvre en présentant les valeurs de pollution des effluents sortant du prétraitement existant en 2005 relevées par la société Norisko environnement, comme étant celles des rejets futurs à traiter ; que si le groupement Somival-Safège environnement fait valoir que la société Norisko environnement, en tant que technicien averti, devait savoir qu'un diagnostic des eaux était nécessaire, non seulement à la sortie du traitement, mais également à son entrée, et se devait dès lors de considérer que sa mission portait nécessairement sur un bilan tant à l'entrée qu'à la sortie de l'installation, il résulte cependant de l'instruction, et notamment de la proposition d'étude et de la convention d'étude conclue le 30 juin 2005, que les seules obligations contractuelles pesant sur la société Norisko environnement, portaient sur la mesure des rejets d'eaux usées de l'abattoir ; qu'ainsi, aucune faute contractuelle ne peut être retenue contre la société Norisko environnement ;
Considérant, en deuxième lieu, que le maître d'oeuvre s'est appuyé sur les données du cahier des charges réalisé par le groupement Somival Saunier-Techna pour rédiger le dossier de consultation des entreprises, dossier validé par la commune et son mandataire lors d'une réunion organisée en juin 2006, lors de laquelle les charges entrantes ont encore été réduites de 10 % à la demande du maître d'ouvrage ; que les données erronées dont le maître d'oeuvre a fait application résultaient, comme il a été dit ci-dessus, de l'erreur d'interprétation, par le groupement mandataire, de l'étude réalisée par la société Norisko environnement ; qu'il ne saurait être reproché au maître d'oeuvre de ne pas avoir vérifié les valeurs figurant dans le cahier des charges, dès lors que, d'une part, il lui avait été précisé que ces données étaient issues d'un diagnostic établi par la société Norisko environnement, et que d'autre part, comme le souligne l'expert, " les données fournies par la littérature technique sur les charges polluantes des activités d'abattage sont très variables " ; qu'au surplus, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert, que les valeurs réelles de pollution des eaux usées de l'abattoir étant bien supérieures aux valeurs moyennes indiquées dans la littérature spécialisée, les désordres n'auraient pu être évités même si le maître d'oeuvre avait augmenté le volume des charges à traiter indiqué par le cahier des charges pour tenir compte de ces valeurs moyennes ; qu'ainsi, aucune faute dans l'exécution de ses obligations contractuelles à l'origine du dysfonctionnement de l'installation ne peut être reprochée à la société Pöyry environnement, venant aux droits de la société Beture-Cerec ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le groupement Somival-Safège environnement n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses conclusions tendant à être garanti des condamnations prononcées à son encontre ;
Considérant, enfin, que le présent arrêt ne prononce aucune condamnation à l'encontre de la société Pöyry environnement et de la société Dekra conseil environnement ; que, par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions d'appel en garantie présentées par ces sociétés ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la COMMUNE DE MONTMORILLON, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que groupement Somival-Safège environnement demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il ya lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du groupement Somival-Safège environnement la somme de 1.500 euros chacune au profit de la COMMUNE DE MONTMORILLON, de la société Pöyry environnement et de la société Dekra conseil environnement au titre de ces dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : Le groupement Somival-Safège environnement versera à la COMMUNE DE MONTMORILLON la somme de 183.571,05 euros HT. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 10 mars 2009. Les intérêts seront capitalisés à compter du 10 mars 2010 ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Article 2 : Le groupement Somival-Safège environnement versera à la COMMUNE DE MONTMORILLON, à la société Pöyry environnement et à la société Dekra conseil environnement les sommes de 1.500 euros chacune au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions du groupement Somival-Safège environnement tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Les appels en garantie formés par le groupement Somival-Safège environnement sont rejetés.
Article 5 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les appels en garantie formés par la société Pöyry environnement et par la société Dekra conseil environnement.
Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 7 : Le jugement n° 0900617 du 2 février 2011 du tribunal administratif de Poitiers est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
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No 11BX00781