Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 18 janvier 2011 sous forme de télécopie, et régularisée par l'originale le 24 janvier 2011 sous le n°11BX00171, présentée pour la SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE DE TRANSPORTS DE L'OUEST (SEMTO), ayant son siège 12 rue Mangalon à Saint-Paul (97460), par Me Rapady, avocat ;
La SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE DE TRANSPORTS DE L'OUEST (SEMTO) demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°1000205 du 28 octobre 2010 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 21 décembre 2009 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de M. X, salarié protégé ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;
3°) d'enjoindre à l'inspecteur du travail d'autoriser le licenciement de M. X, ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa demande d'autorisation de son licenciement ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat et de M. X une somme de 3.000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
---------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 janvier 2012 :
- le rapport de Mme Munoz-Pauziès, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Gosselin, rapporteur public ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 27 février 2012, produite pour la SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE DE TRANSPORTS DE L'OUEST (SEMTO) ;
Considérant que la SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE DE TRANSPORTS DE L'OUEST (SEMTO) relève appel du le jugement du 28 octobre 2010 du tribunal administratif de Saint-Denis rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du 21 décembre 2009 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement pour faute de M. X, délégué syndical ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant, en premier lieu, que le défaut de réponse aux demandes de la SEMTO, tendant d'une part à ce que sa demande soit jointe à une autre demande pendante devant le tribunal, et d'autre part à ce que le tribunal écarte des débats les pièces produites par M. X, n'est pas susceptible d'entacher d'irrégularité le jugement attaqué ;
Considérant, en deuxième lieu, que le jugement attaqué écarte le moyen tiré de la contradiction de motifs entachant la motivation de la décision litigieuse ; que par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient entaché leur jugement d'une insuffisance de motivation et omis d'examiner le moyen tiré de la contradiction de motifs entachant la décision du 21 décembre 2009 ;
Considérant en troisième lieu, que dans sa demande devant les premiers juges, la SEMTO n'a pas présenté de conclusions tendant à l'annulation de la décision du ministre du travail du 28 juin 2010 rejetant le recours hiérarchique dirigé contre la décision de l'inspecteur du travail du 21 décembre 2009 ; qu'en rejetant de telles conclusions, le tribunal administratif de Saint-Denis a statué ultra-petita ; que la SEMTO est dès lors fondée à demander à ce que le jugement soit, dans cette mesure, annulé ;
Sur la légalité de la décision de l'inspecteur du travail :
Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives en qualité de délégué syndical bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution du mandat dont il est investi ;
En ce qui concerne la légalité externe :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 2421-12 du code du travail : La décision de l'inspecteur du travail est motivée. (...) ; que la décision contesté mentionne les articles du code du travail relatifs au licenciement des salariés protégés, en particulier les articles L. 2411-3, L. 2421-3 et R. 2421-1, et les éléments de fait invoqués dans la demande de la SEMTO ainsi que ceux recueillis lors de l'entretien préalable de M. X et lors de l'enquête contradictoire ; qu'elle précise en outre qu'il existe un doute sur matérialité des faits reprochés à l'intéressé ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, une telle décision, qui comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée ;
En ce qui concerne la légalité interne :
Considérant, en premier lieu, que l'inspecteur du travail a relevé que certains salariés faisaient état d'un sentiment général de peur vis-à-vis de M. X, mais a toutefois souligné que les propos ainsi rapportés étaient étrangers aux faits reprochés à l'intéressé dans la demande de licenciement et les a dès lors écartés ; que, ce faisant, l'inspecteur du travail n'a pas entaché sa décision d'une contradiction de motifs ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail : En cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. (...) Si un doute subsiste, il profite au salarié ; qu'aux termes de l'article L. 1332-4 du même code : Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ;
Considérant que la demande présentée par la SEMTO est notamment fondée sur la circonstance que, le 26 août 2009 au matin, M. X aurait agressé physiquement et verbalement un agent d'entretien en gare Saint-Paul ; que cet agent d'entretien, auditionné par les membres du comité d'hygiène et de sécurité, a désigné M. X comme étant l'auteur de cette agression, avant de revenir sur son témoignage par une attestation du 27 octobre 2009 mettant ses précédentes déclarations sur le compte des pressions subies par sa hiérarchie ; qu'en l'état de ces témoignages contradictoires, la matérialité des faits reprochés à M. X ne peut être regardée comme établie ; qu'en outre, les dispositions de l'article L. 1332-4 précité font obstacle, dès lors que la réalité des faits de violences reprochés à M. X dans le délai de deux mois n'est pas établie, à ce que la SEMTO invoque à l'appui de sa demande d'autorisation des fautes qui auraient été commises par l'intéressé plus de deux mois avant l'engagement des poursuites ;
Considérant que si la SEMTO se prévaut, pour établir les faits de harcèlement moral, de la pétition du 27 septembre 2007 signée de quatre agents d'entretien affirmant être harcelés moralement par M. X, et du compte rendu des déclarations de deux agents recueillies par le comité d'hygiène et de sécurité le 27 septembre 2009, faisant état de menaces et de pressions exercées sur eux, il ressort toutefois des pièces du dossier et notamment des attestations produites par M. X que ces agents sont revenus sur leur précédentes déclarations ; qu'ainsi, la matérialité des faits de harcèlement moral reprochés à M. X ne peut être regardée comme établie ; que, par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste dans l'appréciation du caractère fautif du comportement du salarié protégé doivent être écartés ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SEMTO n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentes par la SEMTO, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées ;
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. X qui n'est pas, dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à la SEMTO la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SEMTO, au profit de M. X, la somme de 1.500 euros au titre de ces dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Saint-Denis du 28 octobre 2010 est annulé en tant qu'il a statué sur la décision du 28 juin 2010 du ministre du travail.
Article 2 : le surplus de la requête de la SEMTO est rejeté.
Article 3 : La SEMTO versera à M. X la somme de1.500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
''
''
''
''
4
No 11BX00171