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24/01/2012 | FRANCE | N°11BX00294

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 24 janvier 2012, 11BX00294


Vu la requête enregistrée sous le n° 11BX00294 au greffe de la cour le 30 janvier 2011 sous forme de télécopie et le 31 janvier suivant en original, présentée pour Mme Marie-Louise A, demeurant ...;

Mme A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0801203, en date du 30 novembre 2010, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Dordogne, en date du 31 janvier 2008, instituant sur sa propriété, sise à Chancelade, une servitude pour la pose d'une canalisation souterraine d'évacuati

on des eaux usées ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) de condamner l'Etat à lu...

Vu la requête enregistrée sous le n° 11BX00294 au greffe de la cour le 30 janvier 2011 sous forme de télécopie et le 31 janvier suivant en original, présentée pour Mme Marie-Louise A, demeurant ...;

Mme A demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0801203, en date du 30 novembre 2010, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Dordogne, en date du 31 janvier 2008, instituant sur sa propriété, sise à Chancelade, une servitude pour la pose d'une canalisation souterraine d'évacuation des eaux usées ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 décembre 2011 :

- le rapport de M. A. de Malafosse, président de chambre ;

- les observations de Me Claudio, collaboratrice de Me Laplagne avocat de Mme A ;

- les conclusions de Mme M-P. Dupuy, rapporteur public ;

La parole ayant à nouveau été donnée à Me Claudio ;

Considérant que, par un arrêté du 31 janvier 2008, le préfet de la Dordogne a institué, sur le fondement des dispositions de l'article L. 152-1 du code rural, une servitude sur fonds privés pour la pose d'une canalisation souterraine d'évacuation des eaux usées sur le territoire de la commune de Chancelade ; que les terrains concernés par cet arrêté sont les parcelles cadastrées AD n° 6 et AD n° 320, qui appartiennent à Mme A ; que Mme A fait appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 30 novembre 2010 qui a rejeté sa demande à fin d'annulation de cet arrêté ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 152-1 du code rural : Il est institué au profit des collectivités publiques, des établissements publics ou des concessionnaires de services publics qui entreprennent des travaux d'établissement de canalisations d'eau potable ou d'évacuation d'eaux usées ou pluviales une servitude leur conférant le droit d'établir à demeure des canalisations souterraines dans les terrains privés non bâtis, excepté les cours et jardins attenant aux habitations (...) ;

Sur la légalité externe :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 152-4 du code rural : La personne morale de droit public maître de l'ouvrage ou son concessionnaire, qui sollicite le bénéfice de l'article L. 152-1, adresse à cet effet une demande au préfet. /A cette demande sont annexés : /1° Une note donnant toutes précisions utiles sur l'objet des travaux et sur leur caractère technique ; /2° Le plan des ouvrages prévus ; /3° Le plan parcellaire des terrains sur lesquels l'établissement de la servitude est envisagé, avec l'indication du tracé des canalisations à établir, de la profondeur minimum à laquelle les canalisations seront posées, de la largeur des bandes prévues aux 1° et 2° de l'article R. 152-2 et de tous les autres éléments de la servitude (...) ; /4° La liste par commune des propriétaires, établie à l'aide d'extraits des documents cadastraux délivrés par le service du cadastre ou à l'aide des renseignements délivrés par le conservateur des hypothèques au vu du fichier immobilier ou par tous autres moyens (...) ; qu'il ressort des pièces du dossier que le dossier transmis par la commune de Chancelade au préfet comportait l'indication des deux parcelles concernées par la servitude et l'identité du seul propriétaire de ces parcelles ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la demande adressée au préfet ne comportait pas la liste des propriétaires doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'article R. 152-5 dispose que : Après consultation des services intéressés et notamment du directeur départemental de l'agriculture et de la forêt chargé du contrôle, le préfet prescrit, par arrêté, l'ouverture d'une enquête dans chacune des communes où sont situés les terrains devant être grevés de la servitude et désigne un commissaire enquêteur./ Un extrait du dossier comprenant pour chacune des communes intéressées les documents énumérés à l'article R. 152-4 est déposé, pendant huit jours au moins, à la mairie ; qu'il ressort des pièces du dossier que le directeur départemental de l'agriculture et de la forêt a été consulté et a émis le 23 janvier 2008 un avis favorable à l'instauration de la servitude ; que, dans ces conditions, et dès lors que cet avis n'est pas au nombre des documents devant être joints au dossier de l'enquête publique, la circonstance qu'il n'a pas été recueilli avant l'ouverture de cette enquête ne constitue pas une irrégularité substantielle de nature à entacher d'illégalité l'arrêté contesté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article R. 152-7 du code précité : Notification individuelle du dépôt du dossier est faite par le demandeur aux propriétaires intéressés, dans les formes et suivant les conditions prévues aux articles R. 11-22 et R. 11-23 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. /Cette notification comporte la mention du montant de l'indemnité proposée en réparation du préjudice causé par l'établissement de la servitude et par toutes les sujétions pouvant en découler ; qu'il ressort des pièces du dossier que le maire a adressée à Mme A une lettre datée du 30 novembre 2007 par laquelle il l'informe, conformément à ces dispositions, du dépôt en mairie du dossier d'enquête publique et dans laquelle il précise que l'indemnité évaluée par le service des domaines est calculée ainsi : zone N du plan local d'urbanisme (PLU) : longueur de la tranchée (environ 115 ml)x 2 mètres x 1 euro x 50% ; zone UC du PLU : longueur de la tranchée (environ 115 ml) x 2 mètres x 13 euros x 50% ; que les données ainsi indiquées sont suffisamment précises pour que Mme A soit regardée comme ayant été informée, conformément aux dispositions précitées, du montant de l'indemnité proposée, sans qu'elle puisse utilement faire valoir que la largeur de la tranchée est indiquée pour trois mètres dans l'arrêté et que celui-ci n'indique pas la longueur de la tranchée ; que, si elle soutient que l'indemnité proposée ne tient pas compte de l'ensemble des sujétions et préjudices qu'entraîne la servitude, une telle argumentation, qui relève de la contestation de l'indemnisation de la servitude, laquelle est de la seule compétence du juge de l'expropriation en vertu de l'article L. 152-2 du code rural, est inopérante à l'appui du moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 152-7 ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article R. 152-8 du même code : Pendant la période de dépôt prévue à l'article R. 152-5, les réclamations et observations peuvent être soit consignées par les intéressés directement sur le registre d'enquête établi sur feuillets non mobiles cotés et paraphés par le maire, soit adressées par écrit au maire ou au commissaire enquêteur, qui les annexe audit registre./A l'expiration de ladite période, le registre d'enquête est clos et signé par le maire et transmis, dans les vingt-quatre heures, avec le dossier d'enquête, au commissaire enquêteur. /Le commissaire enquêteur, dans un délai de quinze jours, dresse le procès-verbal de ces opérations et, après avoir entendu éventuellement toutes personnes susceptibles de l'éclairer, transmet le dossier avec son avis au préfet par l'intermédiaire du directeur départemental de l'agriculture et de la forêt chargé du contrôle. ; que, d'une part, il ressort des pièces du dossier que le maire de Chancelade a indiqué, dans la lettre susmentionnée du 30 novembre 2007 ainsi que dans l'arrêté prescrivant l'ouverture de l'enquête publique, la période pendant laquelle se déroulerait cette enquête, laquelle correspond à la période de dépôt en mairie du dossier ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le maire n 'a pas fixé cette période de dépôt manque en fait ; que, d'autre part, le délai de quinze jours dont dispose le commissaire enquêteur pour dresser le procès-verbal des opérations d'enquête n'est pas prescrit à peine de nullité, de sorte que sa méconnaissance n'a pu être de nature à vicier la procédure d'enquête ;

Considérant, en cinquième lieu, que selon l'article R. 152-10 du code : Le préfet statue par arrêté sur l'établissement des servitudes. Dans l'arrêté, les propriétés sont désignées et l'identité des propriétaires est précisée conformément aux dispositions de l'alinéa 2 de l'article R. 11-28 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. ; que l'alinéa 2 de cet article R. 11-28 renvoie, s'agissant de l'identité des propriétaires, à l'alinéa 1er de l'article 5 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 en ce qui concerne les personnes physiques, pour lesquelles doivent être indiqués le nom, les prénoms dans l'ordre de l'état civil, le domicile, la date et le lieu de naissance et la profession, ainsi que le nom du conjoint ; qu'en l'espèce, l'arrêté litigieux indique le nom, le prénom et l'adresse de Mme A, mais ne mentionne ni sa date et son lieu de naissance, ni sa profession ni le nom de son conjoint ; que, toutefois, la requérante ne soutient pas que l'omission de ces mentions est de nature à causer une incertitude quant à l'identité du propriétaire des parcelles sur lesquelles est établie la servitude ; que, dans ces conditions, ces omissions ne constituent pas, en l'espèce, une irrégularité substantielle de nature à entraîner l'annulation de l'arrêté en litige ;

Sur la légalité interne :

Considérant, en premier lieu, qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 152-1 du code rural, la servitude ne peut pas être établie dans les cours et jardins attenant aux habitations ; qu'il ne ressort ni des plans, ni des photographies, ni des attestations figurant dans le dossier que la parcelle cadastrée AD n° 6 aurait, comme le soutient Mme A, le caractère d'une cour attenante à une habitation ; que n'est pas de nature à lui conférer ce caractère la circonstance que cette parcelle est attenante aux parcelles bâties cadastrées AD n° 7 et 9 ; qu'il en est de même des mentions du cadastre selon lesquelles elle a la nature de parc ; que la circonstance que la parcelle cadastrée AD n° 320, qui est encore plus éloignée des habitations, soit qualifiée de parc par le cadastre ne suffit pas à conférer à cette parcelle le caractère d'un jardin attenant à l'habitation ; qu'enfin, dès lors que seules ces deux parcelles sont affectées par l'établissement de la servitude, Mme A ne peut, en tout état de cause, se prévaloir de ce que d'autres parcelles auraient la nature de cours et jardins attenant aux habitations , quand bien même, pour des raisons d'accès aux parcelles AD n° 6 et 320, elles ont été affectées par les travaux d'implantation de la canalisation ;

Considérant, en deuxième lieu, que le troisième alinéa de l'article L. 152-1 du code rural précise qu'un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités de cet article afin notamment que les conditions de la servitude soient rationnelles et les moins dommageables à l'utilisation présente et future des terrains ; que l'article R. 152-4 dispose que les éléments de la servitude devront être arrêtés de manière que la canalisation soit établie de la façon la plus rationnelle et que la moindre atteinte possible soit portée aux conditions présentes et futures de l'exploitation des terrains ; que Mme A ne peut utilement invoquer, au regard de ces dispositions, le fait que plusieurs parcelles ont été endommagées pendant les travaux d'implantation de la canalisation ; que le tracé retenu pour l'établissement de la canalisation, qui se situe dans le prolongement du réseau situé en amont, dans la partie basse des terrains concernés et en contrebas de la voie publique afin de faciliter l'évacuation des eaux usées des maisons à desservir, repose sur un parti technique rationnel ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas soutenu qu'il existerait un autre tracé passant par la propriété de Mme A qui causerait des dommages moins importants ; que la canalisation devant être établie à une profondeur d'un mètre, son implantation n'est pas de nature à supprimer, comme le soutient Mme A, toute possibilité de culture ; que les terrains concernés par la servitude sont classés en zone NC, non constructible ; qu'il n'est pas démontré qu'ils seraient susceptibles d'être classés en zone constructible ; que, dans ces conditions, le moyen tiré du non-respect des dispositions précitées des articles L. 152-1 et R. 152-4 du code rural ne peut être accueilli ;

Considérant, en dernier lieu, que l'implantation de la canalisation litigieuse, qui s'inscrit dans la réalisation d'un programme d'ensemble, permet de remédier aux rejets des eaux usées vers le ruisseau de la Beauronne et de raccorder une douzaine d'abonnés supplémentaires au réseau d'assainissement public pour un coût raisonnable, en évitant la création de postes de refoulement ; que les inconvénients que comporte pour la propriété de Mme A la servitude instituée par l'arrêté contesté ne sont pas excessifs au regard des avantages que présente l'opération pour l'hygiène et la salubrité publique ; qu'il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur l'opportunité du tracé choisi ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande ;

Considérant que l'Etat n'étant pas la partie perdante, les conclusions présentées par Mme A sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne sauraient être accueillies ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

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No 11BX00294


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 11BX00294
Date de la décision : 24/01/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

61-01-01-04-01 Santé publique. Protection générale de la santé publique. Police et réglementation sanitaire. Salubrité des agglomérations. Évacuation des eaux usées.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Aymard DE MALAFOSSE
Rapporteur public ?: Mme DUPUY
Avocat(s) : LAPLAGNE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2012-01-24;11bx00294 ?
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