Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 24 février 2010, présentée pour la SOCIETE KITRY GROUP, société anonyme, dont le siège est 5 rue Emile Bian, 1235 Luxembourg, par Me Perreau ; la SOCIETE KITRY GROUP demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0701062 du 5 janvier 2010 du Tribunal administratif de Pau, en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2004 ;
2°) de lui accorder la décharge des impositions restant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention fiscale conclue entre la France et le Grand Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée le 1er avril 1958, modifiée par l'avenant du 8 septembre 1970 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 avril 2011 :
- le rapport de Mme Viard, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Normand, rapporteur public ;
Considérant que la SOCIETE KITRY GROUP, qui a pour associés M. et Mme et pour activité la réalisation, notamment, d'opérations commerciales, financières, mobilières et immobilières, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2003 et 2004 ; que procèdent de ce contrôle les compléments d'impôt sur les sociétés et de la contribution additionnelle sur cet impôt qu'elle a contestés devant le Tribunal administratif de Pau ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Pau a fait droit à sa demande concernant l'application de la retenue à la source et les pénalités de mauvaise foi ; qu'il a, en revanche, rejeté sa demande en décharge des impositions relatives à la réintégration dans le résultat imposable de l'établissement stable qu'elle possède en France de l'abandon de créances que lui ont consenti M. et Mme en leur qualité d'associés ; que la SOCIETE KITRY GROUP fait appel de ce jugement en ce qui concerne les impositions maintenues à sa charge ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors en vigueur : Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis soit de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts, soit de la commission départementale de conciliation prévue à l'article 667 du même code. (...) ; qu'aux termes de l'article L. 59 A de ce livre : I. La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient lorsque le désaccord porte : 1° Sur le montant du résultat industriel et commercial, non commercial, agricole ou du chiffre d'affaires, déterminé selon un mode réel d'imposition ; 2° Sur les conditions d'application des régimes d'exonération ou d'allégements fiscaux en faveur des entreprises nouvelles, à l'exception de la qualification des dépenses de recherche mentionnées au II de l'article 244 quater B du code général des impôts ; 3° Sur l'application du 1° du 1 de l'article 39 et du d de l'article 111 du même code relatifs aux rémunérations non déductibles pour la détermination du résultat des entreprises industrielles ou commerciales, ou du 5 de l'article 39 du même code relatif aux dépenses que ces mêmes entreprises doivent mentionner sur le relevé prévu à l'article 54 quater du même code ; 4° Sur la valeur vénale des immeubles, des fonds de commerce, des parts d'intérêts, des actions ou des parts de sociétés immobilières servant de base à la taxe sur la valeur ajoutée, en application du 6° et du 1 du 7° de l'article 257 du même code. II. Dans les domaines mentionnés au I, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires peut, sans trancher une question de droit, se prononcer sur les faits susceptibles d'être pris en compte pour l'examen de cette question de droit. (...) ; qu'aux termes de l'article L. 59 B du même livre : La commission départementale de conciliation intervient en cas d'insuffisance des prix ou évaluations ayant servi de base aux droits d'enregistrement ou à la taxe de publicité foncière dans les cas mentionnés au 2 de l'article 667 du code général des impôts ainsi qu'à l'impôt de solidarité sur la fortune. ;
Considérant, d'une part, que le litige relatif à l'imposition en France de l'abandon de créances consenti par M. et Mme à la SOCIETE KITRY GROUP soulève une question de droit dont il n'appartient pas à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires de connaître en application des dispositions précitées de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales ; que, d'autre part, en application des dispositions précitées de l'article L. 59 B du même livre, ce litige ne relève pas davantage de la compétence de la commission de conciliation ; que, par suite, l'administration fiscale a pu, sans entacher d'irrégularité la procédure d'imposition, refuser de saisir lesdites commissions de ce litige ;
Considérant, en second lieu, que l'article 4 de la convention fiscale entre la France et le Luxembourg stipule que : 1. Les revenus des entreprises industrielles, minières, commerciales ou financières ne sont imposables que dans l'Etat sur le territoire duquel se trouve un établissement stable. 2. Lorsqu'une entreprise possède des établissements stables dans les deux Etats contractants, chacun d'eux ne peut imposer que le revenu provenant de l'activité des établissements stables situés sur son territoire. 3. Ce revenu imposable ne peut excéder le montant des bénéfices industriels, miniers, commerciaux ou financiers, réalisés par l'établissement stable, y compris, s'il y a lieu, les bénéfices ou avantages retirés indirectement de cet établissement ou qui auraient été attribués ou accordés par des tiers, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen. 4. Les autorités compétentes des deux Etats contractants s'entendent, le cas échéant, pour arrêter les règles de ventilation, à défaut de comptabilité régulière faisant ressortir distinctement et exactement les bénéfices afférents aux établissements stables situés sur leurs territoires respectifs. ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'administration fiscale ait écarté comme irrégulière la comptabilité de la SOCIETE KITRY GROUP ; que, par suite, la circonstance qu'elle n'ait pas mis en oeuvre, de concert avec son homologue luxembourgeois, la procédure prévue par le paragraphe 4 de l'article 4 précité de la convention fiscale entre la France et le Luxembourg est sans incidence sur la régularité de l'imposition en France de l'abandon de créances en litige ;
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
Considérant qu'aux termes de l'article 209 du code général des impôts : I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SOCIETE KITRY GROUP, dont M. et Mme possèdent chacun 50 % des parts, a acquis, le 28 octobre 1999, une exploitation agricole située sur le territoire de la commune de Larroque-sur-l'Osse (Gers) au lieu dit La Bourdette comprenant une maison d'habitation, des dépendances et des terres pour une surface totale de 19 hectares, 66 ares et 5 centiares, puis a entrepris, à compter de l'année 2000, divers travaux de construction et d'aménagement dans cette propriété et notamment dans les bâtiments de l'exploitation et dans la maison d'habitation ; qu'il résulte de l'instruction que, pour cette acquisition et ces travaux, M. et Mme ont avancé à la SOCIETE KITRY GROUP une somme de 1 793 282 euros versée sur un compte bancaire détenu en France par la société, laquelle avait déclaré au registre du commerce et des sociétés d'Auch l'ouverture d'un établissement en France à compter du 1er décembre 1999, pour une activité de gestion et de location d'immeubles, ultérieurement élargie à des activités de pension, élevage de chevaux, entretien d'une écurie de propriétaires et organisation de concours ; qu'ils ont ensuite, par une convention signée le 31 décembre 2004 au Luxembourg, abandonné au profit de ladite société ces créances ; que, dans ces conditions, et nonobstant les mouvements de fonds intervenus après le versement des avances entre l'établissement stable de la SOCIETE KITRY GROUP domicilié en France à Larroque-sur-l'Osse et son siège au Luxembourg, l'administration fiscale a pu légalement rattacher cet abandon de créances à l'activité de cet établissement stable en application du I de l'article 209 précité du code général des impôts en vertu duquel les bénéfices réalisés par l'établissement stable situé en France sont imposables en France sans que puissent y faire échec les stipulations du paragraphe 3 de l'article 4 précité de la convention fiscale entre la France et le Luxembourg ;
Considérant que si la SOCIETE KITRY GROUP se prévaut de la doctrine administrative exprimée dans l'instruction 4 H 1422 relative aux calculs des résultats d'exploitation de l'établissement stable, celle-ci ne donne pas une interprétation formelle des stipulations précitées de la convention fiscale entre la France et le Luxembourg dont la société requérante pourrait utilement se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
Considérant, enfin, qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que l'imposition en France de l'abandon de créances en litige est régulière au regard des stipulations de la convention fiscale entre la France et le Luxembourg ; que, par suite, le moyen tiré de ce que ladite somme, ayant déjà été imposée au Luxembourg, ferait l'objet d'une double taxation, doit être écarté comme inopérant ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE KITRY GROUP n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande en décharge des impositions restant en litige ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande la SOCIETE KITRY GROUP au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête présentée par la SOCIETE KITRY GROUP est rejetée.
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N° 10BX00528