Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 30 août 2010, présentée pour Mme Nagkela X, demeurant ..., par Me Ducomte, avocat ;
Mme X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0703516 du 4 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département de Tarn-et-Garonne à lui verser la somme de 150 000 euros en réparation du préjudice qui lui aurait été causé par les carences du service d'aide sociale à l'enfance ;
2°) de condamner le département de Tarn-et-Garonne à lui verser la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
3°) de mettre à la charge du département de Tarn-et-Garonne la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de la famille et de l'aide sociale ;
Vu la loi n° 68-1250 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 avril 2011 :
- le rapport de M. Valeins, président assesseur ;
- les observations de Me Ducomte, avocat de Mme X et de Me Roson-Vales pour le département du Tarn-et-Garonne ;
- et les conclusions de M. Lerner, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée aux parties ;
Considérant que par ordonnance du juge des enfants de Montauban, Mme X a été placée, à compter du 14 décembre 1976, alors qu'elle était âgée de cinq ans, jusqu'au 11 février 1991, dans une famille d'accueil du département de Tarn-et-Garonne ; qu'estimant que la conversion forcée à la religion des Témoins de Jéhovah ainsi que les violences sexuelles dont elle affirme avoir été l'objet dans cette famille, engageaient la responsabilité du département de Tarn et Garonne en raison du manque de vigilance dont aurait fait preuve le service d'aide sociale à l'enfance, Mme X a demandé au Tribunal administratif de Toulouse la condamnation de cette collectivité à lui verser la somme de 150 000 euros en réparation des préjudices subis ; que par jugement du 4 juin 2010, le tribunal administratif a rejeté sa demande pour le motif qu'elle était présentée après expiration du délai de prescription quadriennale ; que Mme X interjette appel de ce jugement ;
Considérant que la prescription quadriennale a été opposée à la requérante par un mémoire en défense enregistré au greffe du tribunal administratif le 11 décembre 2009, signé par le président du conseil général, puis par une nouvelle décision de cette autorité, en date du 8 février 2010, communiqués à la requérante par le tribunal administratif ; que la décision du 8 février 2010 vise la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription quadriennale tandis que le mémoire précité portant décision d'opposition de la prescription contient les motifs de fait et de droit venant à l'appui de sa position ; qu'il rappelle les règles découlant de la loi du 31 décembre 1968 et constate qu'au plus tard au mois de mai 1994, l'intéressée était en mesure de connaître l'origine du dommage pour en déduire que les délais de prescription étaient écoulés lorsque la requérante a présenté sa demande de condamnation du département ; que la décision opposant la prescription quadriennale par le président du conseil général doit donc être regardée comme suffisamment motivée au sens de la loi du 11 juillet 1979 ;
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 1 de la loi du 31 décembre 1968 : Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (...) ; qu'aux termes des dispositions de l'article 2 de la même loi : La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement. / Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; / Toute communication écrite d'une administration intéressée, même si cette communication n'a pas été faite directement au créancier qui s'en prévaut, dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ; / Toute émission de moyen de règlement, même si ce règlement ne couvre qu'une partie de la créance ou si le créancier n'a pas été exactement désigné. / Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ; qu'aux termes de l'article 3 de ladite loi : La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement :
Considérant, d'une part, qu'à la suite de son admission en mai 1990 dans un centre de formation en Haute-Savoie, le département de Tarn-et-Garonne a mis fin au placement en famille d'accueil de Mme X, alors majeure, à compter du 11 février 1991 ; que, d'autre part, il résulte de l'instruction qu'alors qu'elle était installée en région parisienne, au cours de l'été 1994, la requérante a rendu visite à des responsables de la secte des Témoins de Jéhovah de Moissac avec lesquels elle a évoqué les actes dont elle aurait été victime dans sa famille d'accueil ; qu'à cette dernière date, la requérante doit être regardée comme ayant cessé toute relation avec sa famille d'accueil, s'être libérée de l'emprise de son environnement sectaire et comme ayant été à même d'apprécier à cette époque les conséquences dommageables des fautes qui auraient été commises par le service de l'aide sociale à l'enfance du département de Tarn-et-Garonne du fait de son manque de vigilance ; que, dans ces conditions, le délai de la prescription quadriennale a commencé à courir à compter du 1er janvier 1995 pour expirer le 31 décembre 1998 ; que le courrier en date du 16 novembre 1998 adressé par la requérante au service d'aide sociale à l'enfance, qui constitue une demande d'information relative aux formalités à accomplir pour consulter son dossier de placement, ne peut être regardé comme une demande de paiement ou une réclamation ayant trait au fait générateur ayant interrompu la prescription quadriennale ; que la plainte auprès du procureur de la République de Créteil pour viol sur mineure a été déposée par la requérante le 23 mars 1999 alors que le délai de la prescription quadriennale était expiré ; que, dans ces conditions, le département de Tarn-et-Garonne a pu légalement opposer la prescription quadriennale à la demande que Mme X a présentée au tribunal administratif le 24 juillet 2007 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département de Tarn-et-Garonne à lui verser des dommages et intérêts ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de Tarn-et-Garonne, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que Mme X demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Mme X la somme que demande le département de Tarn-et-Garonne au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du département de Tarn-et-Garonne tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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No 10BX02248