Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 24 juin 2010, présentée pour la société SERVICES FUNERAIRES GUYANAIS, société à responsabilité limitée, dont le siège social est situé 39 avenue Voltaire, angle des rues Paul Amusant et Digue Ronjon, à Cayenne (97300), représentée par son gérant en exercice, par Me Careto ; la société SERVICES FUNERAIRES GUYANAIS demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 07-307 en date du 25 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cayenne a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sur cet impôt ainsi que des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2001, 2002 et 2003 ;
2°) de lui accorder la décharge des impositions en litige;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 mars 2011 :
- le rapport de Mme Madelaigue, premier conseiller ;
- les observations de M. Navarre, représentant le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ;
- et les conclusions de M. Normand, rapporteur public ;
La parole ayant à nouveau été donnée aux parties ;
Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2001, 2002 et 2003, la société SERVICES FUNERAIRES GUYANAIS a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sur cet impôt ainsi qu'aux pénalités y afférentes au titre desdites années ; que, par un jugement en date du 25 mars 2010, le Tribunal administratif de Cayenne a rejeté sa demande tendant à la décharge desdites impositions ; que la société SERVICES FUNERAIRES GUYANAIS relève appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant, en premier lieu, que le tribunal administratif, après avoir énoncé que le vérificateur avait utilisé à bon droit la procédure de taxation d'office, en application de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, pour procéder aux rectifications en cause, a considéré, par voie de conséquence, qu'à les supposer même établies, les irrégularités dont serait, selon la société requérante, entachée la vérification de comptabilité, sont sans incidence sur la régularité de la procédure de taxation d'office ; que, ce faisant, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments de l'intéressée et n'avaient pas à se prononcer davantage sur les irrégularités alléguées, n'ont pas entaché leur jugement d'omission à statuer ;
Considérant, en second lieu, qu'ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obligation à la juridiction administrative, saisie d'une demande de sursis à statuer, d'y faire droit jusqu'à une décision définitive du juge pénal ; que les stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, relatives aux seuls droits et obligations de caractère civil et au bien-fondé de toute accusation en matière pénale , sont sans application dans un litige portant sur l'assiette d'un impôt ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'en ne prononçant pas un sursis à statuer, les premiers juges auraient méconnu ces stipulations doit être écarté comme étant inopérant ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant que lorsque l'administration fiscale est en mesure d'établir, par d'autres moyens que les constatations qu'elle a effectuées au cours de la vérification de la comptabilité d'un contribuable, que celui-ci encourait une imposition par voie de taxation d'office, en particulier pour ne pas avoir souscrit dans les délais impartis les déclarations auxquelles il était astreint, les irrégularités qui ont pu entacher la vérification de comptabilité demeurent sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition alors même que l'administration, pour déterminer les bases d'imposition, a utilisé des éléments recueillis au cours de ladite vérification ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour les deux exercices 2001 et 2002, la société SERVICES FUNERAIRES GUYANAIS ne conteste pas avoir déposé, après l'expiration du délai légal, sa déclaration de résultats ni avoir omis de régulariser sa situation dans les trente jours de la notification des mises en demeure qui lui ont été régulièrement notifiées le 29 juin 2004 ; que, s'agissant de l'exercice 2003, il ne résulte pas de l'instruction que le défaut de dépôt de déclaration relative à l'impôt sur les sociétés aurait été révélé au service après l'ouverture de la vérification ; que cette procédure ne trouvait ainsi pas sa cause dans les constatations opérées pendant le contrôle mais dans l'absence de dépôt de la déclaration de chiffre d'affaires ; qu'il suit de là que les moyens tirés par la société requérante de l'excessive durée de la vérification de comptabilité, de l'absence de débat oral et contradictoire et du possible emport de documents doivent être écartés comme inopérants ;
Considérant que si la société SERVICES FUNERAIRES GUYANAIS fait valoir que les pièces comptables des différents exercices avaient été saisies par l'autorité judiciaire et qu'ainsi elle n'a pu déposer sa déclaration au titre de l'année 2003, les dispositions des articles 97 et 99 du code de procédure pénale lui permettaient cependant de demander en temps utile au juge d'instruction soit la copie ou photocopie des documents placés sous main de justice soit leur restitution ; qu'il n'est ni démontré ni même allégué qu'elle aurait effectué auprès des services judiciaires des démarches en vue d'obtenir la restitution des documents nécessaires à l'établissement de ses déclarations ;
Considérant, enfin, que si la société requérante reproche à l'administration d'avoir violé le principe du contradictoire en utilisant des informations obtenues dans le cadre de son droit de communication, l'administration indique, sans être contredite, que le vérificateur a, dans la proposition de rectification en date du 6 juin 2005, précisé les conditions dans lesquelles il a exercé le droit de communication auprès de l'autorité judiciaire prévu par les dispositions de l'article L. 82 C du livre des procédures fiscales pour consulter les pièces afférentes au dossier d'instruction, qu'il a mentionné que ce dossier ne contenait ni livres comptables ni pièces justificatives relatives à l'exercice 2003 et a souligné avoir consulté les livres de caisse des mois de janvier à décembre 2003, fournissant la référence des scellés et le détail de ces documents dans la lettre modèle n° 3924 ; qu'il a également indiqué avoir retenu le même chiffre d'affaires pour cet exercice que pour celui de l'année précédente, le montant des recettes figurant dans les livres de caisse ne pouvant être corroboré par des factures clients ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'administration aurait méconnu le principe du contradictoire en utilisant des informations obtenues dans le cadre de son droit de communication sans les avoir soumises au débat contradictoire doit être écarté ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant que les premiers juges ont relevé, d'une part, que si la société SERVICES FUNERAIRES GUYANAIS allègue que les sommes qu'elle avait inscrites à titre de provisions pour créances douteuses sont conformes aux particularités de l'activité funéraire, elle n'apporte pas la preuve qu'elle aurait effectué en vain des démarches visant à obtenir le recouvrement des créances qu'elle détenait sur certains de ses clients ; que, si elle indique que les relances qu'elle aurait effectuées, qui justifient le caractère douteux des créances, sont entre les mains du juge d'instruction, la réalité de cette assertion ne peut être tenue pour avérée alors que la société requérante n'établit pas avoir effectué la moindre demande de communication de ces pièces ; que, par suite, c'est à bon droit que le vérificateur a réintégré dans les résultats de la société les sommes de 134 912 euros au titre de 2001 et 68 968 euros au titre de 2002 ; que les premiers juges ont relevé, d'autre part, que la contribuable soutenait que les charges rejetées par le vérificateur, à savoir les prestations de services, le crédit-bail mobilier, les locations mobilières et immobilières, la rémunération de la gérance ainsi que les charges sociales et les frais de restaurant et de déplacement, ont été engagées dans le seul intérêt de l'entreprise et étaient conformes aux ratios habituels mais que, cependant, il ne résulte pas de ses seules affirmations que les charges réintégrées au titre des exercices 2001 et 2002 pour des montants respectifs de 130 924 et de 135 815 euros auraient été justifiées ni que les dépenses de 12 899 euros pour 2001 et de 22 022 euros pour 2002 auraient été retenues à tort comme étrangères à l'activité de la société ; que la société requérante se borne devant la cour à réitérer les moyens ainsi soumis aux premiers juges que ceux-ci ont, à bon droit, écartés ; qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par le Tribunal administratif de Cayenne, d'écarter lesdits moyens ;
Sur les pénalités :
En ce qui concerne les intérêts de retard :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1727 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : Le défaut ou l'insuffisance dans le paiement ou le versement tardif de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts donnent lieu au versement d'un intérêt de retard qui est dû indépendamment de toutes sanctions (...) Le taux de l'intérêt de retard est fixé à 0,75 % par mois. Il s'applique sur le montant des sommes mises à la charge du contribuable ou dont le versement a été différé ;
Considérant que l'intérêt de retard prévu par les dispositions de l'article 1727 du code général des impôts vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et payer l'impôt aux dates légales ; que, si l'évolution des taux du marché a conduit à une hausse relative de cet intérêt depuis son institution, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d'une sanction, dès lors que son niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié ; que la société SERVICES FUNERAIRES GUYANAIS, qui demande que ce taux lui soit appliqué avec discernement , ne démontre pas que ce taux serait manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;
En ce qui concerne les majorations pour mauvaise foi :
Considérant qu'aux termes du 1. de l'article 1729 du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie (...) ;
Considérant qu'en indiquant que de nombreuses pièces comptables étaient manquantes, que des provisions pour créances douteuses avaient été constituées alors qu'aucune probabilité de pertes n'était manifeste à la clôture des exercices contrôlés et que la contribuable ne pouvait ignorer l'importance de la minoration de résultat, qui s'élève à 76 % pour l'exercice 2001 et à 58 % pour l'exercice 2002, l'administration établit la volonté délibérée de la société SERVICES FUNERAIRES GUYANAIS d'éluder l'impôt ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'administration fiscale n'apporterait pas la preuve de la mauvaise foi de la société requérante doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout de ce qui précède que la société SERVICES FUNERAIRES GUYANAIS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cayenne a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la société SERVICES FUNERAIRES GUYANAIS au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société SERVICES FUNERAIRES GUYANAIS est rejetée.
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N° 10BX01501