Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la Cour les 11 juin et 6 août 2010, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER D'ORTHEZ dont le siège est chemin du Moulin à Orthez (64301) Cedex, représenté par son directeur en exercice, par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;
Le CENTRE HOSPITALIER D'ORTHEZ demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0801145-1 en date du 8 avril 2010 par lequel le Tribunal administratif de Pau l'a condamné, premièrement à verser à M. Claude X, une indemnité de 113 908,23 euros en réparation des préjudices subis par ce dernier à la suite de son hospitalisation du 4 au 23 juillet 1998, deuxièmement à verser à la caisse d'assurance maladie des professions libérales-Province la somme de 7 974,86 euros en réparation des frais qu'elle a engagés pour son assuré social et une somme de 966 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, et enfin, a mis à sa charge les frais de l'expertise ordonné le 22 février 2007 par le juge des référés du Tribunal administratif de Pau taxée et liquidée à la somme de 1 000 euros ;
2°) de rejeter la demande présentée au tribunal administratif par M. X et par la caisse d'assurance maladie des professions libérales-Province ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 mars 2011 ;
le rapport de M. Cristille, premier conseiller ;
et les conclusions de M. Lerner, rapporteur public ;
Considérant que M. Claude X, né en 1939, a été victime le 4 juillet 1998 d'une chute à son domicile ayant entraîné une fracture fermée des deux os de la jambe gauche avec un troisième fragment en aile de papillon au niveau du tibia et une fracture du péroné ; qu'il a été opéré le 6 juillet 1998 au CENTRE HOSPITALIER D'ORTHEZ pour une ostéosynthèse par plaques ; que cette intervention a été compliquée d'une infection du foyer de fracture qui a entraîné une pseudarthrose infectée laquelle a justifié trois interventions supplémentaires et a laissé d'importantes séquelles ; que le CENTRE HOSPITALIER D'ORTHEZ relève appel du jugement en date du 8 avril 2010 par lequel le Tribunal administratif de Pau l'a condamné, d'une part, à verser à M. X une indemnité de 113 908,23 euros en réparation des préjudices qu'il a subis, d'autre part, à verser à la caisse d'assurance maladie des professions libérales-Province une somme de 7 974,86 euros en remboursement de ses débours ; que, par la voie de l'appel incident, M. X demande à la Cour de réformer le jugement attaqué et de porter les sommes qui lui ont été allouées par les premiers juges et qu'il estime insuffisantes au regard de l'ensemble de ses préjudices, à 251 759,73 euros ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que si le CENTRE HOSPITALIER D'ORTHEZ soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé au regard des conclusions dont il avait saisi le tribunal administratif, il n'assortit ses affirmations d'aucune précision permettant à la Cour d'en apprécier le bien fondé ; que, par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté ;
Sur la responsabilité :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de l'appel principal :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise ordonnée par le Tribunal administratif de Pau dont l'hôpital conteste la fiabilité sans étayer ses allégations par aucun élément objectif, qu'à la suite de l'opération de réduction de sa fracture par ostéosynthèse réalisée au CENTRE HOSPITALIER D'ORTHEZ le 6 juillet 1998, une infection s'est déclarée au foyer de la fracture ; que si le centre hospitalier soutient que la nature exogène de l'infection n'est pas établie avec certitude notamment par des analyses bactériologiques, il résulte de l'instruction que l'hôpital n'a pas effectué de prélèvement pré opératoire ni ne justifie de la mise en oeuvre de mesures de prophylaxie ou de la prescription d'un traitement antibiotique préventif ; que dès lors rien ne permet d'exclure que le germe à l'origine de cette complication n'ait pu être acquis à partir de l'environnement hospitalier ; que, par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif a jugé que l'infection contractée révélait une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du seul service public hospitalier, de nature à engager la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER D'ORTHEZ envers la victime pour les conséquences dommageable de l'infection et a décidé que c'était à lui seul de réparer entièrement le préjudice subi alors même que M. X a été hospitalisé le 21 août 1998 à la Clinique Saint-Vincent de Dax pour ce syndrome infectieux ;
Sur les préjudices et leur réparation :
En ce qui concerne l'étendue de la réparation :
Considérant que dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu ; que la réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ; qu'il résulte de l'instruction et notamment des constatations de l'expertise que la survenue d'une infection nosocomiale qui rendait très probable une mauvaise consolidation a compromis les chances de M. X d'obtenir une amélioration de son état de santé et d'éviter des séquelles ; qu'en l'espèce le tribunal administratif ne s'étant prononcé ni sur cette perte de chance, ni conséquence sur la fraction des préjudices invoqués par M. X susceptibles de faire l'objet d'un indemnisation, il y a lieu pour la Cour de procéder à cette détermination ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au moment de son admission au centre hospitalier, M. X souffrait d'une hémochromatose et d'une dermite ocre qui avec le tabagisme de l'intéressé favorisent le risque infectieux ; qu'en raison des facteurs de surcroît de risques que présentait ainsi le requérant, la part des préjudices résultant de la faute dans l'organisation et le fonctionnement du service révélée par l'infection nosocomiale qui incombe à l'hôpital peut être évaluée à 85% ; que, dans ces conditions, M. X est seulement fondé à demander que le centre hospitalier soit condamné à l'indemniser à hauteur de 85 % des préjudices supportés, au titre de la perte de ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ; qu'il y a lieu de réformer le jugement attaqué sur ce point ;
En ce qui concerne l'évaluation des préjudices :
Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi du 21 décembre 2006 portant financement de la sécurité sociale pour 2007 le juge, saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et d'un recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudices patrimoniaux et personnels, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime ; qu'il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste du préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime ; que le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste du préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale ;
Considérant qu'en l'absence de dispositions réglementaires définissant les postes de préjudice, il y a lieu, pour mettre en oeuvre la méthode sus-décrite, de distinguer, parmi les préjudices de nature patrimoniale, les dépenses de santé, les frais liés au handicap, les pertes de revenus, l'incidence professionnelle et scolaire et les autres dépenses liées à ce dommage ; que parmi les préjudices personnels, sur lesquels l'organisme de sécurité sociale ne peut exercer son recours que s'il établit avoir effectivement et préalablement versé à la victime une prestation réparant de manière incontestable un tel préjudice, il y a lieu de distinguer, pour la victime directe, les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique et les troubles dans les conditions d'existence, envisagés indépendamment de leurs conséquences pécuniaires ;
En ce qui concerne les dépenses de santé :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les complications survenues du fait de la faute commise par le CENTRE HOSPITALIER D'ORTHEZ ont nécessité les hospitalisations de M. X dans les services du centre hospitalier universitaire de Bordeaux du 2 juillet 2001 au 13 juillet 2001 puis le 24 février 2004 ; que les frais qui en ont résulté s'élèvent, au vu de la notification de débours que produit la caisse d'assurance maladie des professions libérales-Province à la somme de 7 681,90 euros ; qu'en l'absence de justificatifs, la caisse ne peut, toutefois, pas prétendre au remboursement des frais médicaux et pharmaceutiques ; que M. X ne demande pas de réparation au titre des dépenses de santé ; qu'il résulte de ce qui précède que les dépenses de santé résultant de la faute commise par le centre hospitalier s'élèvent à la somme de 7 681,90 euros exposée par la caisse d'assurance maladie des professions libérales-Province ; que, compte tenu de la fraction de 85 % retenue ci-dessus, il y a lieu de lui accorder le remboursement de la somme de 6 529,60 euros ;
Considérant qu'aux termes des 9e et 10e alinéas de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, les caisses de sécurité sociale ont droit au paiement d'une indemnité forfaitaire en contrepartie des frais engagés pour obtenir le remboursement des prestations versées à la victime lorsqu'elles demandent à la juridiction administrative compétente de condamner le tiers responsable ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de CONDAMNER LE CENTRE HOSPITALIER D'ORTHEZ à verser à la caisse d'assurance maladie des professions libérales-Province une indemnité de 966 euros en application des dispositions précitées du code de la sécurité sociale ;
En ce qui concerne les frais liés au handicap :
Considérant qu'il résulte de l'instruction en particulier du rapport d'expertise réalisé que l'état de la victime justifie l'aménagement de son véhicule ; que, compte tenu de la facture produite par celui-ci qui a fait l'acquisition en 2004 d'un véhicule équipé d'une boite de vitesse automatique, il sera fait une juste appréciation des dépenses liées à ce poste de préjudice en les fixant à 3000 euros ; que, compte tenu de la fraction de 85 % retenue ci-dessus, il y a lieu d'accorder à M. X une somme de 2 550 euros à ce titre ;
En ce qui concerne la perte de revenus :
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que M. X, âgé de 58 ans au moment de l'intervention chirurgicale litigieuse, exerçant à titre indépendant la profession de technicien du bâtiment a subi une incapacité temporaire totale du 6 novembre 1998 au 24 février 2004 et n'a plus été en mesure d'exercer sa profession jusqu'à la date du 1er janvier 2000 à laquelle il a été admis à la retraite pour invalidité ; que durant l'année 1997, précédant l'hospitalisation litigieuse, M. X justifie de revenus annuels, alors exprimés en francs, de 115 319 francs soit 17 580 euros; que durant la période d'incapacité temporaire totale de 12 mois et 25 jours imputable à la faute du centre hospitalier, ses pertes de revenus se sont élevées à 6 403 euros (41 891 francs) pour l'année 1998 et à 13 019 euros (85 397 francs) pour l'année 1999 ; que, par suite, le préjudice indemnisable s'élève à 19 422 euros (127 399,96 francs) correspondant à la différence entre ses revenus de 1997 et ceux perçus en 1998 et 1999 ;
Considérant, d'autre part, que M. X n'apporte pas en appel d'éléments permettant d'apprécier autrement que ne l'ont fait les premiers juges qui l'ont écartée, la perte de revenus futurs liée à sa cessation d'activité à l'âge de 60 ans alors que l'intéressé affirme qu'il aurait pu demeurer en activité jusqu'à l'âge de 68 ans ; qu'ainsi le préjudice qu'il allègue, consécutif à la minoration de sa pension de retraite du fait de sa cessation prématurée d'activité n'est pas certain ; que, dès lors, compte tenu de la fraction de 85 % retenue ci-dessus, il y a lieu d'accorder à l'intéressé au titre de l'ensemble des pertes de revenus indemnisables, une somme de 16 508, 70 euros ;
En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel :
Considérant qu'eu égard à l'âge de la victime et au taux d'incapacité permanente de 25 % retenu par l'expert, le jugement attaqué a fait une juste appréciation des troubles dans ses conditions d'existence à raison à son déficit fonctionnel permanent et de son inquiétude liée au risque d'aggravation de son état de santé, en les évaluant à 30 000 euros ; que, compte tenu de la fraction de 85 % retenue ci-dessus, il y a lieu d'accorder à M. X une somme de 25 500 euros ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'infection nosocomiale dont il a été atteint a contraint M. X à subir des traitements antibiotiques lourds et prolongés, plusieurs interventions chirurgicales, une longue rééducation et est à l'origine de souffrances physiques évaluées à 4 /5 sur une échelle de 7 par l'expert ; que le montant de 8 000 euros alloué par les premiers juges en réparation ces préjudices n'est ni insuffisant, ni excessif ; qu'il y a lieu, par suite, d'accorder à M. X une somme de 6 800 euros à ce titre ;
Considérant que les infirmités de M. X sont la cause d'un préjudice esthétique de 3,5 sur 7 ; qu'en allouant à la victime, une somme de 4 000 euros, le tribunal administratif n'a pas inexactement évalué les conséquences de ce préjudice ; que M. X a ainsi droit au versement d'une indemnité correspondant à 85 % de cette somme, soit 3 400 euros ;
Considérant que les séquelles de l'accident subi par M. X ont un retentissement important sur sa vie familiale ainsi que sur sa capacité à pratiquer ses activités de loisirs habituelles ; qu'il y a lieu de fixer le montant de l'indemnisation à laquelle peut prétendre M. X au titre du préjudice d'agrément résultant des conséquences de son affection à 3 000 euros ; que, compte tenu de la fraction du préjudice devant donner lieu à réparation, M. X peut prétendre à la somme de 2 550 euros ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le montant du préjudice de M X dont la réparation doit être mise à la charge du CENTRE HOSPITALIER D'ORTHEZ doit être ramené de la somme de 113 908,23 euros à la somme de 57 308,70 euros ; qu'il incombera le cas échéant au requérant, en cas d'aggravation de son état de santé, de saisir à nouveau le juge afin de solliciter la majoration de l'indemnité ainsi accordée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le CENTRE HOSPITALIER D'ORTHEZ est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Pau l'a condamné à verser à la caisse d'assurance maladie des professions libérales Province au titre de ses débours une somme excédant 6 529,60 euros et à M. X une somme supérieure à 57 308,70 euros en réparation des conséquences dommageables de l'infection nosocomiale contractée par ce dernier ; que M. X n'est pas fondé à demander, par la voie de l'appel incident, que l'indemnité que lui a accordée le tribunal administratif soit portée à un montant supérieur à cette somme ;
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du CENTRE HOSPITALIER D'ORTHEZ qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante le versement à M. X d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La somme de 113 908,23 euros que le CENTRE HOSPITALIER D'ORTHEZ a été condamné à verser à M. X par l'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Pau en date du 8 avril 2010 est ramenée à 57 308,70 euros.
Article 2 : La somme de 7 974,86 euros que le CENTRE HOSPITALIER D'ORTHEZ a été condamné à verser à la caisse d'assurance maladie des professions libérales-Province par l'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Pau en date du 8 avril 2010 est ramenée à 6 529,60 euros. Le CENTRE HOSPITALIER D'ORTHEZ est, en outre, condamné à verser à la caisse une somme de 966 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.
L'article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Pau est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions du CENTRE HOSPITALIER D'ORTHEZ, l'appel incident de M. X et ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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10BX01402