Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 30 décembre 2009 sous le n° 09BX03041 présentée pour M. Marc demeurant ... par la SELARL d'avocats Coubris Courtois et associés ;
M. demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement du Tribunal administratif de Limoges en date du 22 octobre 2009 en tant qu'il a limité à la somme de 321 157,44 euros complétée par une rente annuelle de 6 879,60 euros pour les frais d'assistance par tierce personne, la condamnation du centre hospitalier universitaire de Limoges en réparation des préjudices résultant de la faute commise par l'établissement de santé à la suite de l'intervention chirurgicale qu'il a subie le 1er décembre 2003 ;
2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Limoges à lui verser la somme totale de 1 061 322, 40 euros à parfaire, assortie des intérêts légaux à compter de la réception de sa demande préalable en réparation des conséquences dommageables de la faute commise par l'établissement de santé ;
3°) de condamner le centre hospitalier aux entiers dépens ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code civil ;
Vu le décret n° 98-255 du 31 mars 1998 portant application des dispositions des articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale aux régimes spéciaux mentionnés au titre Ier du livre VII dudit code ;
Vu l'arrêté du 1er décembre 2009 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 novembre 2010 ;
le rapport de M. Cristille, premier conseiller ;
et les conclusions de M. Lerner, rapporteur public ;
Considérant que par jugement du 22 octobre 2009, le Tribunal administratif de Limoges a condamné le centre hospitalier universitaire de Limoges à réparer les préjudices que M. Marc a subis à la suite de l'intervention chirurgicale pratiquée le 1er décembre 2003 et qui ont eu pour cause une erreur technique commise par le chirurgien de l'établissement qui l'a opéré ; que s'estimant insuffisamment indemnisé, M , qui demeure atteint de graves infirmités, dont la date de consolidation a été fixée au 18 janvier 2006 relève appel de ce jugement ; que la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Vienne demande la réformation de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit intégralement à ses conclusions tendant au remboursement des frais qu'elle a déjà exposés ; que devant la Cour, le centre hospitalier universitaire de Limoges qui ne conteste plus le principe de sa responsabilité conclut au rejet de la requête de M. et, par la voie de l'appel incident, demande la réduction du montant de sa condamnation ;
Sur le préjudice indemnisable :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant du III de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 applicable aux évènements ayant occasionné des dommages et n'ayant pas donné lieu à une décision passée en force de chose jugée et, par suite, à la présente affaire : Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conservent contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre. / Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions ci-après. / Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent les préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel. / Conformément à l'article 1152 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales ; en ce cas, l'assuré social peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence à la caisse subrogée. / Cependant, si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice (...) ;
Considérant qu'en application de ces dispositions le juge saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et de recours subrogatoires d'organismes de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudices patrimoniaux et personnels, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime ; qu'il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge du ou des auteurs du dommage au titre du poste de préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime ; que le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste de préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale ;
Considérant qu'en l'absence de dispositions réglementaires définissant les postes de préjudice, il y a lieu, pour mettre en oeuvre cette méthode, de distinguer, parmi les préjudices de nature patrimoniale, les dépenses de santé, les frais liés au handicap, les pertes de revenus, l'incidence professionnelle et scolaire et les autres dépenses liées à ce dommage ; que parmi les préjudices personnels, sur lesquels l'organisme de sécurité sociale ne peut exercer son recours que s'il établit avoir effectivement et préalablement versé à la victime une prestation réparant de manière incontestable un tel préjudice, il y a lieu de distinguer, pour la victime directe, les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique et les troubles dans les conditions d'existence envisagées indépendamment de leurs conséquences pécuniaires ;
En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :
Quant aux dépenses de santé :
Considérant que, d'une part, le centre hospitalier universitaire de Limoges ne conteste pas que la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Vienne justifie avoir exposé pour le compte de son assuré des dépenses de santé au titre des frais médicaux et pharmaceutiques, des frais de soins infirmiers et de kinésithérapie et des frais de transports d'un montant de 85 314,41 euros pour les années 2003 à 2009 ; que la caisse primaire justifie avoir supporté des frais d'hospitalisation de son assuré en lien avec les conséquences de l'accident dont l'hôpital est responsable pour un montant de 93 495,91 euros, somme que le jugement attaqué a allouée à ladite caisse ; que le centre hospitalier ne conteste pas leur imputation au dommage qu'il est tenu de réparer ; que, d'autre part, il sera fait une exacte appréciation des frais de santé demeurés à la charge de M. qui intègrent les frais d'acquisition d'un fauteuil roulant, les frais de protection urinaire et de gants d'examen et l'achat de produits liés aux troubles vésico-sphinctériens ainsi que de comprimés de canneberge en les fixant à 2 593,21 euros ; que, par suite, les dépenses de santé rendues nécessaires par la paraplégie dont M. est atteint s'établissent à 181 403,53 euros ; que le centre hospitalier doit être condamné à verser respectivement la somme de 2 593,21 euros à M. et la somme de 178 810,32 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Vienne ;
Quant aux frais liés au handicap :
Considérant que M. justifie avoir exposé pour l'achat d'un équipement lui permettant de conduire son véhicule automobile, la somme de 7 121,25 euros allouée en première instance et non contestée ;
Considérant que la paraplégie dont M. est atteint entraînera des dépenses de santé au titre notamment de frais médicaux et pharmaceutiques et des frais de renouvellement de son fauteuil roulant ; qu'il résulte, également, du rapport d'expertise que l'état de santé de la victime, qui ne peut se déplacer qu'en fauteuil roulant, exige une habitation aménagée pour le handicap ; que la nécessité d'aménagement d'un véhicule pour l'adapter au handicap de M. n'est pas non plus contestable ; que, toutefois, en l'absence de justification plus précise en appel du montant des dépenses nécessaires, c'est à bon droit que le tribunal administratif a condamné le centre hospitalier à rembourser les frais occasionnés par le handicap de M. sur présentation de justificatifs au fur et à mesure qu'ils seront exposés ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'infirmité motrice totale de M. rend nécessaire l'assistance d'une tierce personne à domicile à raison de 2 heures par jour tous les jours ; que le tribunal a fait une juste appréciation de ce besoin par l'allocation d'une rente annuelle de 6 879,60 euros calculée en fonction du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) horaire brut, incluant les congés payés et les cotisations patronales qui sera revalorisée par la suite par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale ; qu'eu égard à l'âge de l'intéressé et au taux de l'incapacité permanente partielle dont il est atteint, c'est à bon droit que le tribunal administratif a choisi de procéder à l'indemnisation des dépenses destinées à rémunérer l'assistance désormais nécessaire d'une tierce personne au moyen d'une rente et non d'un capital ; qu'en l'absence de justification plus précise en appel, il n'y a pas lieu de convertir ce montant annuel en un capital ; que, toutefois, le montant de la rente annuelle versée à M. au titre de l'assistance de tierce personne sera diminué du montant des sommes, le cas échéant, déjà versées au jour du présent arrêt par le département de la Haute-Vienne au titre de l'allocation compensatrice tierce personne qui a le même objet ;
Quant aux pertes de revenus :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. , alors âgé de 33 ans, exerçant la profession de chauffeur-livreur et dont l'état s'est consolidé le 18 janvier 2006, est aujourd'hui atteint d'une incapacité permanente partielle de 75 % et n'est plus en mesure d'exercer sa profession ; que la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Vienne justifie avoir versé à M. une somme de 23 040,32 euros au titre des indemnités journalières en lien avec l'accident médical pour la période d'incapacité temporaire de travail du 1er mars 2004 au 28 novembre 2006 et une somme de 19 303,68 euros au titre des arrérages échus de la pension d'invalidité servie à la victime pour la période du 29 novembre 2006 au 30 juillet 2009 ; qu'ainsi, c'est à bon droit que le tribunal administratif a accordé à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Vienne la somme de 42 344 euros ;
Considérant que les pertes de revenus occasionnées par l'état de santé de M. entre le 1er mars 2004 et le 30 novembre 2006 se sont élevées à la somme non contestée de 1 022, 18 euros attribuée par le tribunal administratif ; qu'en revanche, M. n'apporte en appel aucune justification précise d'une perte de revenus futurs non compensée par la rente d'invalidité que la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Vienne lui verse ; que la demande présentée, à ce titre, par M. ne peut donc qu'être rejetée ;
Quant à l'incidence professionnelle :
Considérant qu'en raison du handicap résultant de l'accident, la victime n'est plus en mesure d'exercer sa profession et subit une perte de chance professionnelle dont il sera fait une juste appréciation en l'évaluant à 30 000 euros ; qu'il y a lieu de porter à ce montant l'indemnité déjà mise à ce titre à la charge du centre hospitalier par le tribunal administratif ;
En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel :
Considérant que la paraplégie dont M. souffre est définitive ; que son handicap entraîne une absence totale de réflexe sphinctérien et des troubles sexuels ; qu'il a ainsi été porté une atteinte extrêmement grave à ses conditions d'existence ; que le tribunal administratif en a fait une juste appréciation en l'évaluant à la somme de 240 000 euros ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que le tribunal administratif ait inexactement évalué les souffrances physiques intenses endurées par la victime, classées au niveau 6 sur une échelle de 1 à 7, en fixant à 20 000 euros le montant des indemnités accordées à ce titre ; que les infirmités de M. sont la cause d'un préjudice esthétique important de 5 sur 7 ; qu'en allouant à la victime, une somme de 14 000 euros le tribunal administratif n'a pas fait une appréciation excessive de l'importance de ce préjudice ;
Considérant que le handicap subi par M. le prive de la possibilité de pratiquer les activités de loisirs auxquelles il s'adonnait ; que le jugement attaqué a fait une exacte appréciation du montant de l'indemnisation à laquelle peut prétendre M. au titre du préjudice d'agrément résultant des conséquences de son affection en le fixant à 21 500 euros ;
Sur le total des indemnités dues par le centre hospitalier universitaire de Limoges :
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la somme destinée à réparer le préjudice de M. et évaluée par le jugement attaqué à 321 157,44 euros doit être portée au total de 336 236,64 euros ; que la somme que l'établissement hospitalier a été condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Vienne doit être portée de 171 680,58 euros à 221 154, 32 euros ; que M. et la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Vienne sont, dès lors, fondés à demander dans cette mesure la réformation du jugement attaqué ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier universitaire de Limoges n'est pas fondé à soutenir que le Tribunal administratif de Limoges a fait une évaluation excessive du préjudice supporté par M. ; que M. n'est pas, pour sa part, fondé à critiquer le mode d'indemnisation décidé par le tribunal ;
Sur les intérêts :
Considérant que M. a droit aux intérêts au taux légal sur la somme qui lui est due à compter du 17 octobre 2007, date de réception par le centre hospitalier de sa demande préalable ;
Sur l'indemnité forfaitaire de gestion :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : (...) En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, en fonction du taux de progression de l'indice des prix à la consommation hors tabac prévu dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour l'année considérée. (...) et qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 1er décembre 2009 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale : Les montants maximum et minimum de l'indemnité forfaitaire de gestion visés aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale sont fixés respectivement à 966 euros et à 96 euros à compter du 1er janvier 2010 ;
Considérant qu'en application de ces dispositions, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Vienne est fondée à demander que la somme de 955 euros qui lui a été allouée, par le jugement attaqué, au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, soit portée à 966 euros ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Limoges le versement à M. d'une somme de 1 500 euros et à la caisse primaire d'assurance de la Haute-Vienne d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La somme que le centre hospitalier universitaire de Limoges a été condamné à verser à M. par l'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Limoges en date du 22 octobre 2009 est portée de 321 157,44 euros à 336 236,64 euros euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 octobre 2007. Sera déduit du montant de la rente annuelle au titre de l'assistance de tierce personne de 6 879,60 euros que le centre hospitalier universitaire de Limoges a été condamné, par l'article 2 du même jugement, à verser à M. , le montant des versements, le cas échéant, déjà effectués à la date du présent arrêt par le département de la Haute-Vienne au titre de l'allocation compensatrice tierce personne.
Article 2: La somme que le centre hospitalier universitaire de Limoges a été condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Vienne par l'article 3 du jugement du Tribunal administratif de Limoges en date du 22 octobre 2009 est portée de 171 680,58 euros à 221 154, 32 euros. L'indemnité forfaitaire que ledit centre hospitalier a été condamné à verser au titre de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale est portée de 955 euros à 966 euros.
Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Limoges en date du 22 octobre 2009 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le centre hospitalier universitaire de Limoges versera à M. et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Vienne la somme de 1 500 euros à chacun en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. , le surplus des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Vienne ainsi que le surplus du recours incident du centre hospitalier universitaire de Limoges sont rejetés.
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