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21/10/2010 | FRANCE | N°09BX01987

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 21 octobre 2010, 09BX01987


Vu, enregistrée au greffe de la Cour le 14 août 2009, la requête présentée pour M. et Mme Abdelkader A, demeurant ..., par Me Malabre ; M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800373 du 26 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de l'Indre du 17 septembre 2007 refusant le regroupement familial en faveur de leur nièce, Imane B ;

2°) d'annuler ladite décision ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte, au préfet de l'Indre de leur délivrer l'autorisa

tion sollicitée dans un délai de vingt jours courant à compter de la notification de...

Vu, enregistrée au greffe de la Cour le 14 août 2009, la requête présentée pour M. et Mme Abdelkader A, demeurant ..., par Me Malabre ; M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800373 du 26 décembre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de l'Indre du 17 septembre 2007 refusant le regroupement familial en faveur de leur nièce, Imane B ;

2°) d'annuler ladite décision ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte, au préfet de l'Indre de leur délivrer l'autorisation sollicitée dans un délai de vingt jours courant à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 200 euros à leur profit ainsi que les sommes de 1 794 euros respectivement au titre des frais de première instance et d'appel au profit de leur conseil ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la constitution du 4 octobre 1958 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966 ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 septembre 2010 :

- le rapport de Mme Viard, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Normand, rapporteur public ;

Considérant que M. et Mme A, de nationalité algérienne, qui vivent régulièrement en France, ont sollicité le regroupement familial au profit de leur nièce Imane B qu'ils ont recueillie en vertu d'un acte de kafala ; que, par une décision du 17 septembre 2007, le préfet de l'Indre a refusé de faire droit à leur demande ; que M. et Mme A ont demandé au Tribunal administratif de Limoges l'annulation de cette décision ; qu'ils font appel du jugement qui a rejeté leur demande ;

Sur la recevabilité de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative applicable en l'espèce : Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 et R. 751-4 (...) ; qu'il résulte des dispositions de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de son décret d'application du 19 décembre 1991, que le dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle, dans le délai d'appel, interrompt celui-ci et qu'un nouveau délai court à compter de la notification de la décision du bureau de l'aide juridictionnelle ; qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement contesté a été notifié à M. et Mme A le 10 janvier 2009 et qu'ils ont déposé une demande d'aide juridictionnelle le 18 février 2009, soit dans le délai d'appel prévu par les dispositions précitées de l'article R. 811-2 du code de justice administrative ; que la décision du bureau d'aide juridictionnelle a été prise le 16 juin 2009 ; que la requête d'appel de M. et Mme A a été enregistrée au greffe de la Cour le 14 août suivant, soit dans le nouveau délai ouvert par la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ; qu'ainsi, la fin de non-recevoir opposée pour tardiveté par le préfet de l'Indre ne peut qu'être écartée ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

Considérant que pour rejeter la demande de M. et Mme A, le préfet de l'Indre s'est fondé, d'une part, sur le motif tiré de ce que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'autorisaient le regroupement familial qu'au profit des enfants légitimes ou adoptés et, d'autre part, sur le motif tiré de ce qu'il était dans l'intérêt supérieur de l'enfant de demeurer en Algérie auprès de ses parents ;

Considérant qu'aux termes de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, dans sa rédaction applicable au litige : Les membres de la famille qui s'établissent en France sont mis en possession d'un certificat de résidence de même durée de validité que celui de la personne qu'ils rejoignent. Sans préjudice des dispositions de l'article 9, l'admission sur le territoire français en vue de l'établissement des membres de famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de validité d'au moins un an, présent en France depuis au moins un an, sauf cas de force majeure, et l'octroi du certificat de résidence sont subordonnés à la délivrance de l'autorisation de regroupement familial par l'autorité française compétente (...) Le regroupement familial est sollicité pour l'ensemble des personnes désignées au titre II du protocole annexé au présent accord (...) ; qu'aux termes du titre II dudit protocole, dans sa rédaction issue du 3ème avenant en date du 11 juillet 2001 : Les membres de la famille s'entendent du conjoint d'un ressortissant algérien, de ses enfants mineurs ainsi que des enfants de moins de dix-huit ans dont il a juridiquement la charge en vertu d'une décision de l'autorité judiciaire algérienne, dans l'intérêt supérieur de l'enfant (...) ; qu'enfin, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ;

Considérant, en premier lieu, que les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régissent d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France ; qu'ainsi, le préfet de l'Indre ne pouvait refuser à M. et Mme A, de nationalité algérienne, le bénéfice du regroupement familial au profit de leur nièce Imane B, au motif tiré de ce que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'autorisent le regroupement familial qu'au profit des enfants légitimes ou adoptés ;

Considérant, en second lieu, que l'article 4 de l'accord franco-algérien autorise le regroupement familial au profit des enfants de moins de dix-huit ans dont un ressortissant algérien a juridiquement la charge en vertu d'une décision de l'autorité judiciaire algérienne, dans l'intérêt supérieur de l'enfant ; que l'intérêt d'un enfant est, en principe, de vivre auprès de la personne qui, en vertu d'une décision de justice, qui produit des effets juridiques en France, est titulaire à son égard de l'autorité parentale ; qu'ainsi, dans le cas où le bénéfice du regroupement familial est sollicité pour un enfant recueilli par un ressortissant algérien en vertu d'une décision de l'autorité judiciaire algérienne qui lui confère l'autorité parentale sur cet enfant, le préfet ne peut, en règle générale, le refuser, eu égard notamment aux stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, pour un motif tiré de ce que l'intérêt de l'enfant serait au contraire de demeurer auprès de ses parents ou d'autres membres de sa famille ; qu'en revanche, et sous réserve de ne pas porter une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, l'autorité administrative peut se fonder, pour rejeter la demande dont elle est saisie, non seulement sur l'atteinte à l'ordre public qui pourrait résulter de l'accès de l'enfant au territoire national, mais aussi sur le motif tiré de ce que les conditions d'accueil de celui-ci en France seraient, compte tenu notamment des ressources et des conditions de logement du titulaire de l'autorité parentale, contraires à son intérêt ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas contesté par le préfet que la jeune Imane B a été recueillie par Mme A à l'âge de trois mois en vertu d'un acte de kafala rendu le 11 mars 2006 par le Tribunal de Kasr el Boukhari (Algérie), qu'elle est entrée en France à l'âge de 8 mois et vit depuis cette date auprès de Mme A et de son époux ; que la décision attaquée ne se fonde pas sur les conditions de logement et les ressources de M. et Mme A et qu'il ressort d'ailleurs de l'avis rendu par l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations que les conditions de logement et de ressources de M. et Mme A sont conformes aux normes en vigueur ; qu'ainsi, en l'absence de circonstances particulières, en estimant qu'il était dans l'intérêt supérieur de l'enfant de demeurer auprès de sa famille en Algérie, le préfet a commis une erreur d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. et Mme A sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'eu égard au motif énoncé ci-dessus, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de l'Indre délivre l'autorisation de regroupement familial sollicitée ; qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de l'Indre d'autoriser la présence en France, au titre du regroupement familial, de la jeune Imane B, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que M. et Mme A ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, leur avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que Me Malabre, avocat de M. et Mme A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de verser à celui-ci la somme de 1 500 euros sur le fondement de ces dispositions ; qu'en revanche, il y a lieu de rejeter la demande présentée par M. et Mme A, ceux-ci ne justifiant pas des frais non compris dans les dépens qu'ils auraient eux-mêmes exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 26 décembre 2008 du Tribunal administratif de Limoges est annulé.

Article 2 : La décision du préfet de l'Indre du 17 septembre 2007 est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Indre d'autoriser la présence en France au titre du regroupement familial de la jeune Imane B dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Malabre, avocat de M. et Mme A, la somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A est rejeté.

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N° 09BX01987


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 09BX01987
Date de la décision : 21/10/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TEXIER
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre VIARD
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : MALABRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2010-10-21;09bx01987 ?
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