Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 18 septembre 2008, présentée pour la SOCIETE MARCHE DE LA GARE, société par actions simplifiée, dont le siège est place du 14 juillet à Argentat (19400), représentée par son président en exercice, par Me Gougaud ; la SOCIETE MARCHE DE LA GARE demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 0500045 du 18 juillet 2008 par laquelle le vice-président du Tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur les achats de viande à laquelle elle a été assujettie au titre de la période allant du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003, pour un montant en principal de 49 962 euros ;
2°) de lui accorder la restitution des droits en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 € en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
..........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le traité instituant la Communauté européenne ;
Vu la sixième directive CE n° 77/388 du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 ;
Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances ;
Vu la loi n° 96-1139 du 26 décembre 1996 relative à la collecte et à l'élimination des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs et modifiant le code rural ;
Vu la loi n° 2000-1353 du 30 décembre 2000 portant loi de finances rectificative pour 2000 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code rural ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 septembre 2010 :
- le rapport de Mme Viard, président ;
- et les conclusions de M. Normand, rapporteur public ;
Considérant que la SOCIETE MARCHE DE LA GARE a demandé la restitution de la taxe sur les achats de viande prévue à l'article 302 bis ZD du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 35 de la loi susvisée du 30 décembre 2000 portant loi de finances rectificative pour 2000, qu'elle a acquittée au titre de la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003, au motif que cette taxe n'était pas compatible avec le droit communautaire ; qu'elle fait appel de l'ordonnance du 18 juillet 2008 du vice-président du Tribunal administratif de Limoges rejetant sa demande tendant à la restitution de la taxe mentionnée ci-dessus ;
Sur l'application de la loi fiscale :
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des articles 87 et 88 du traité instituant la Communauté européenne :
Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne : Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ; qu'aux termes de l'article 88 du même traité : 1. La Commission procède avec les États membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces États (...) 2. Si (...) la Commission constate qu'une aide accordée par un État ou au moyen de ressources d'État n'est pas compatible avec le marché commun aux termes de l'article 87 (...) elle décide que l'État intéressé doit la supprimer ou la modifier (...) 3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'État membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale ;
Considérant qu'il résulte de ces stipulations que, s'il ressortit à la compétence exclusive de la Commission européenne de décider, sous le contrôle de la Cour de justice des Communautés européennes, si une aide de la nature de celles mentionnées à l'article 87 du traité est ou non, compte tenu des dérogations prévues par ce traité, compatible avec le marché commun, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'invalidité de dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation, qu'impose aux États membres le paragraphe 3 de l'article 88 du traité, d'en notifier à la Commission, préalablement à toute mise à exécution, le projet ; que l'exercice de ce contrôle implique, notamment, de rechercher si les dispositions dont l'application est contestée instituent un régime d'aide, ou si une taxe fait partie intégrante d'une telle aide ;
Considérant qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, d'une part, que les taxes n'entrent pas dans le champ d'application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'État, à moins qu'elles constituent le mode de financement d'une mesure d'aide, de sorte qu'elles font partie intégrante de cette mesure, d'autre part, que, pour que l'on puisse juger qu'une taxe, ou une partie d'une taxe, fait partie intégrante d'une mesure d'aide, il doit exister un lien d'affectation contraignant entre la taxe et l'aide en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l'aide ;
Considérant que l'article 1er de la loi du 26 décembre 1996 relative à la collecte et à l'élimination des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs et modifiant le code rural a inséré dans le code général des impôts un article 302 bis ZD instituant, à compter du 1er janvier 1997, une taxe sur les achats de viande due par les personnes qui réalisent des ventes au détail de viande, dont le produit était affecté à un fonds faisant l'objet d'une comptabilité distincte, ayant pour objet de financer la collecte et l'élimination des cadavres d'animaux et des saisies d'abattoirs reconnus impropres à la consommation humaine et animale, activités correspondant au service public de l'équarrissage défini à l'article 264 du code rural en vigueur au cours des années d'imposition en litige ; que le II de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000 de finances rectificative pour 2000, entré en vigueur le 1er janvier 2001, a limité à la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 2000 l'affectation de la taxe sur les achats de viande au fonds mentionné ci-dessus ; qu'en conséquence, à compter du 1er janvier 2001, en l'absence de dispositions prévoyant l'affectation de cette taxe, celle-ci est devenue une recette du budget général de l'État ; qu'à compter de cette même date, le service public de l'équarrissage a été financé au moyen d'une dotation inscrite au budget général de l'État ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, en vigueur au cours des années d'imposition en litige : Il est fait recette du montant intégral des produits, sans contraction entre les recettes et les dépenses. L'ensemble des recettes assurant l'exécution de l'ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont imputées à un compte unique, intitulé budget général ; qu'en vertu du principe à valeur constitutionnelle d'universalité budgétaire résultant de ces dispositions, les recettes et les dépenses doivent figurer au budget de l'État pour leur montant brut, sans être contractées et l'affectation d'une recette déterminée à la couverture d'une dépense déterminée est interdite, sous réserve des exceptions prévues au second alinéa de l'article 18 ; qu'en application de ce principe et de la législation nationale relative à la taxe sur les achats de viande, et sans qu'il soit besoin de se référer aux travaux parlementaires dont est issu l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, à compter du 1er janvier 2001, il n'existait juridiquement aucun lien d'affectation contraignant entre la taxe et le service public de l'équarrissage et aucun rapport entre le produit de la taxe et le montant du financement public attribué à ce service ; qu'en exécution des règles ainsi applicables, à compter de cette même date, la taxe sur les achats de viande était une recette du budget général, dépourvue de tout lien avec le budget du ministère de l'agriculture et la dotation inscrite à ce budget servant à financer le service public de l'équarrissage ; que la taxe sur les achats de viande n'entrant pas, ainsi, à compter du 1er janvier 2001, dans le champ d'application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'État, la SOCIETE MARCHE DE LA GARE ne peut invoquer, au soutien de sa demande en restitution de l'imposition en litige, une éventuelle méconnaissance par les autorités françaises, à l'occasion de la modification du mode de financement du service public de l'équarrissage résultant des dispositions de l'article 35 de la loi du 30 décembre 2000, des obligations qu'imposent la première et la dernière phrases du paragraphe 3 de l'article 88 du traité instituant la Communauté européenne ;
Considérant, par ailleurs, que compte tenu de l'absence de lien d'affectation contraignant entre la taxe sur les achats de viande et le service public de l'équarrissage à compter du 1er janvier 2001, sont inopérants au soutien d'une demande en restitution de la taxe sur les achats de viande acquittée au titre des années 2001 à 2003, le moyen tiré de ce que le régime d'aide constitué par le service public de l'équarrissage aurait dû être notifié à l'origine à la Commission européenne et le moyen tiré de ce que le service public de l'équarrissage méconnaîtrait le principe pollueur-payeur ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des articles 23, 25 et 90 du traité instituant la Communauté européenne :
Considérant qu'aux termes de l'article 23 du traité instituant la Communauté européenne : I. La communauté est fondée sur une union douanière qui s'étend à l'ensemble des échanges de marchandises et qui comporte l'interdiction entre les Etats membres des droits de douane à l'importation et à l'exportation et de toutes taxes d'effet équivalent (...) ; qu'aux termes de l'article 25 du même traité : Les droits de douane à l'importation et à l'exportation ou taxes d'effet équivalent sont interdits entre les Etats membres. Cette interdiction s'applique également aux droits de douane à caractère fiscal ; qu'aux termes de l'article 90 de ce traité : Aucun Etat membre ne frappe directement ou indirectement les produits des autres Etats membres d'impositions intérieures, de quelque nature qu'elles soient, supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires (...) ;
Considérant qu'en vertu de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, doit être qualifiée de taxe d'effet équivalent à un droit de douane, non seulement une taxe perçue à l'occasion ou en raison de l'importation et qui, frappant spécifiquement un produit importé à l'exclusion du produit national similaire, a pour résultat, en altérant son prix de revient, d'avoir sur la libre circulation des marchandises la même incidence restrictive qu'un droit de douane, mais aussi une taxe appliquée dans les mêmes conditions de perception aux produits nationaux et aux produits importés, dont les recettes sont affectées au profit des seuls produits nationaux, de sorte que les avantages qui en découlent compensent intégralement la charge grevant ces produits ; que, dès lors, pour qu'une taxe puisse être qualifiée de taxe d'effet équivalent à un droit de douane interdite par l'article 25 précité du traité ou d'imposition intérieure discriminatoire interdite par l'article 90 précité du traité, les recettes procurées par cette taxe doivent être affectées au profit des seuls produits nationaux ;
Considérant que la taxe sur les achats de viande ayant été, ainsi qu'il a été dit, affectée à compter du 1er janvier 2001 au budget général de l'Etat, compte tenu du principe d'universalité budgétaire, les moyens tirés de ce qu'elle constituerait une taxe d'effet équivalent à un droit de douane ou une imposition intérieure discriminatoire ne peuvent qu'être écartés ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 33 de la sixième directive en matière de taxe sur la valeur ajoutée :
Considérant qu'aux termes de l'article 33 de la sixième directive CE n° 77/388 du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977, les dispositions de cette directive ne font pas obstacle au maintien ou à l'introduction par un Etat membre (...) de tous impôts, droits et taxes n'ayant pas le caractère de taxes sur le chiffre d'affaires ; que la taxe sur les achats de viande, qui ne s'applique qu'à une catégorie limitée de biens, à un seul stade du processus de production et de distribution de ces biens et n'a pas une assiette limitée à la valeur ajoutée, ne peut être regardée comme un impôt général grevant la circulation des biens et services et frappant les transactions commerciales d'une façon comparable à une taxe sur le chiffre d'affaires ; que, dès lors, les dispositions précitées de l'article 33 de la directive ne font pas obstacle à l'institution de la taxe litigieuse ;
Sur l'application de la doctrine administrative :
En ce qui concerne le moyen tiré de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales alors en vigueur : Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions précitées qu'un contribuable ne peut utilement se prévaloir de l'interprétation d'un texte fiscal qui a été donnée par l'administration que si l'acte par lequel celle-ci a formellement admis ou a fait connaître son interprétation est antérieur, soit à la première décision, soit à la date à laquelle le contribuable peut être réputé avoir fait application de cette interprétation, c'est-à-dire la date limite qui lui était impartie pour souscrire la déclaration correspondante ;
Considérant que les réponses du ministre de l'économie faites à la question écrite n° 34.307 de M. Lefait, député, le 7 décembre 2004, à la question écrite n° 32.826 de M. Delebarre, député, le 7 décembre 2004 et à la question écrite n° 10.460 de M. Masson, sénateur, le 9 décembre 2004, sont postérieures à la date à laquelle l'imposition contestée a été établie ; que, dès lors, la SOCIETE MARCHE DE LA GARE ne peut utilement s'en prévaloir sur le fondement des dispositions précitées ;
Considérant, en second lieu, que la note du 6 janvier 2004 émanant du service juridique de la direction générale des impôts, et par ailleurs, postérieure à la mise en recouvrement des impositions en litige, présente le caractère d'un document interne à l'administration qui n'a pas fait l'objet de la part de celle-ci d'une diffusion destinée aux contribuables ; que, dès lors, elle ne peut être utilement invoquée sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A précité du livre des procédures fiscales ; que la société ne saurait, en tout état de cause, davantage se prévaloir, sur le même fondement, d'un rapport parlementaire, préalable à l'instauration de la taxe d'abattage, sur le projet de loi de finances de 2004 et des propos tenus par le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire lors de la séance de l'Assemblée Nationale du 17 octobre 2003, qui ne comportent pas d'interprétation d'un texte fiscal formellement admise par l'administration ;
En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 1er du 1er protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des principes de sécurité juridique et de confiance légitime :
Considérant que la SOCIETE MARCHE DE LA GARE soutient que le refus de restitution de la taxe sur les achats de viande en litige méconnaît les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure où les réponses ministérielles et la note du 6 janvier 2004 précitées ont fait naître l'espérance légitime d'obtenir le remboursement de cette taxe ; que, cependant, la société requérante ne saurait prétendre au bénéfice de ces stipulations que si elle peut faire état de la propriété d'un bien qu'elles ont pour objet de protéger et à laquelle il aurait été porté atteinte ; qu'à défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir la restitution d'une somme d'argent doit être regardée comme un bien au sens de ces stipulations ; que, toutefois, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, elle ne peut utilement se prévaloir, sur le terrain de la doctrine, des réponses ministérielles et de la note du 6 janvier 2004 précitées ; que, par suite, celles-ci n'ont pu faire naître une espérance légitime d'obtenir la restitution d'une somme d'argent ; que dès lors, la SOCIETE MARCHE DE LA GARE n'est pas fondée à invoquer les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dans le champ desquelles elle n'entre pas, ni la méconnaissance des principes de sécurité juridique et de confiance légitime ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE MARCHE DE LA GARE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le vice-président du Tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SOCIETE MARCHE DE LA GARE demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SOCIETE MARCHE DE LA GARE est rejetée.
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N° 08BX02388