Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 17 mars 2009, présentée pour la COLLECTIVITE DE SAINT-BARTHELEMY, dont le siège est hôtel de la collectivité, Gustavia à Saint Barthélemy (97133), par Me Ducos-Ader et la SELARL GKG ;
La COLLECTIVITE DE SAINT-BARTHELEMY demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 8 janvier 2009 par lequel le tribunal administratif de Saint-Barthélemy a annulé, à la demande de Mme X et de Mme Y, les délibérations du conseil exécutif de Saint-Barthélemy n° 2008-134 du 5 juin 2008 et n° 2008-168 du 11 juillet 2008 par lesquelles ledit conseil exécutif a décidé et confirmé l'exercice du droit de préemption de la collectivité territoriale sur le bien immobilier dont elles sont propriétaires sis sur la parcelle cadastrée AL228 située rue de la colline à Gustavia ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme X et Mme Y devant le tribunal administratif de Saint-Barthélemy ;
3°) de déclarer irrecevables les interventions de M. Z et de la SCI Almosnino ;
4°) à titre subsidiaire, de constater que la décision du 5 juin 2008 du conseil exécutif de la collectivité était fondée par substitution de motifs sur le projet de construire des logements sociaux destinés au personnel médical de l'hôpital de Bruyn, et que le délai de deux mois prévu par l'article LO 6214-7 du code général des collectivités territoriales n'a pu commencer à courir du fait du caractère frauduleux de la déclaration de transfert du 5 juin 2008, et d'ordonner, dans l'hypothèse d'une confirmation de l'annulation de la délibération du 5 juin 2008, au conseil exécutif de statuer à nouveau, dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, sur l'éventuelle préemption de la parcelle cadastrée AL228 ;
5°) de condamner Mme X, Mme Y, M. Z et la SCI Almosnino à verser chacun à la COLLECTIVITE DE SAINT-BARTHELEMY une somme de 2 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
--------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;
Vu le décret n° 2008-452 du 13 mai 2008 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 mars 2010 :
- le rapport de M. Richard, premier conseiller ;
- les observations de Me Teani pour la COLLECTIVITE DE SAINT-BARTHELEMY ;
- les observations de Me Ricard pour Mmes X et Y, M. Z et la SCI Almosnino ;
- et les conclusions de M. Gosselin, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée aux parties ;
Considérant que la COLLECTIVITE DE SAINT-BARTHELEMY fait appel du jugement du 8 janvier 2009 par lequel le tribunal administratif de Saint-Barthélemy a annulé, à la demande de Mme X et de Mme Y, les délibérations du conseil exécutif de Saint-Barthélemy n° 2008-134 du 5 juin 2008 et n° 2008-168 du 11 juillet 2008 par lesquelles ledit conseil exécutif a décidé et confirmé l'exercice du droit de préemption de la collectivité territoriale sur le bien immobilier dont elles sont propriétaires sis sur la parcelle cadastrée AL228 située rue de la colline à Gustavia ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que, devant le tribunal administratif, la COLLECTIVITE DE SAINT-BARTHELEMY a demandé, dans l'hypothèse d'une annulation de la délibération du conseil exécutif n° 2008-134 CE du 5 juin 2008, d'ordonner au conseil exécutif de la collectivité de statuer à nouveau, dans un délai de deux mois, et après une nouvelle instruction, sur l'éventuelle préemption de la parcelle cadastrée lieudit Gustavia section AL n° 228 ; que le tribunal administratif a omis de statuer sur ces conclusions ; que le jugement doit donc être annulé sur ce point ;
Considérant qu'il y a lieu de statuer par évocation sur ces conclusions ;
Sur la recevabilité des demandes de première instance :
Considérant que Mme X et Mme Y ont demandé au tribunal administratif d'annuler les délibérations du conseil exécutif décidant d'exercer le droit de préemption sur une parcelle dont elles sont propriétaires et objet d'un compromis de vente en faveur de M. Z substitué par la SCI Almosnino ; que la collectivité a décidé d'user de son droit de préemption et d'acquérir ce bien ; que cette décision a fait l'objet de deux délibérations datées des 5 juin et 11 juillet 2008 qui ne mentionnent ni prix d'acquisition, ni motivation de la préemption ;
Considérant que toute décision de préemption d'un bien apporte une limitation au droit de propriété du vendeur et affecte à ce titre les intérêts de celui-ci qui peut, dès lors, en demander l'annulation pour excès de pouvoir, y compris dans le cas où la préemption s'est effectuée au prix mentionné dans la déclaration d'intention d'aliéner ; que la circonstance que la collectivité d'outre-mer de Saint-Barthélemy entendait acquérir ce bien au prix mentionné dans la déclaration d'aliéner du 5 juin 2005 ne fait pas disparaître l'atteinte portée aux intérêts des requérantes et est, dès lors, sans effet sur leur intérêt à agir ; que, par suite, la COLLECTIVITE DE SAINT BARTHELEMY n'est pas fondée à soutenir que la demande présentée par Mmes X et Y devant le tribunal administratif était irrecevable, alors même que les incidences financières de l'acquisition par voie de préemption auraient été favorables aux propriétaires ;
Sur la recevabilité de l'intervention en première instance :
Considérant que M. Z et la SCI Almosnino avaient la qualité d'acquéreurs évincés ; qu'ils avaient ainsi intérêt à ce qu'il soit fait droit aux conclusions des propriétaires ; que leur intervention devait ainsi être admise ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation des délibérations du conseil exécutif de Saint-Barthélemy n° 2008-134 du 5 juin 2008 et n° 2008-168 du 11 juillet 2008 :
En ce qui concerne le défaut de motivation de la décision litigieuse :
Considérant qu'aux termes de l'article LO 6214-7 du code général des collectivités territoriales : La collectivité peut subordonner à déclaration les transferts entre vifs de propriétés foncières situées sur son territoire ou de droits sociaux y afférents, à l'exception des donations en ligne directe ou collatérale jusqu'au quatrième degré. Dans le but de préserver la cohésion sociale de Saint-Barthélemy, de garantir l'exercice effectif du droit au logement de ses habitants et de sauvegarder ou de mettre en valeur les espaces naturels, la collectivité peut exercer dans le délai de deux mois à compter de la réception de la déclaration de transfert son droit de préemption sur les propriétés foncières ou les droits sociaux y afférents faisant l'objet de la déclaration, à charge de verser aux ayants droit le montant de la valeur desdits propriétés foncières ou droits sociaux. A défaut d'accord, cette valeur est fixée comme en matière d'expropriation. Le précédent alinéa n'est pas applicable aux transferts réalisés au profit des personnes : 1° Justifiant d'une durée suffisante de résidence à Saint-Barthélemy ; 2° Ou justifiant d'une durée suffisante de mariage, de concubinage ou de pacte civil de solidarité avec une personne justifiant d'une durée suffisante de résidence à Saint-Barthélemy. Elles ne sont pas non plus applicables aux personnes morales ayant leur siège social à Saint-Barthélemy et contrôlées, directement ou indirectement, par les personnes mentionnées aux 1° et 2°. Les modalités d'application du présent article sont déterminées par des délibérations du conseil territorial qui peuvent notamment prévoir les cas dans lesquels les périodes passées en dehors de Saint-Barthélemy pour accomplir le service national, pour suivre des études ou une formation ou pour des raisons familiales, professionnelles ou médicales ne sont pas, pour les personnes qui y étaient antérieurement domiciliées, une cause d'interruption ou de suspension de la durée à prendre en considération pour apprécier les conditions de résidence exigées au 1° ;
Considérant que la circonstance que l'article LO 6214-7 du code général des collectivités territoriales ne prévoit pas d'obligation de motiver les décisions de préemption ne saurait faire obstacle à l'application de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ; qu'aux termes de l'article 1er de cette loi Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police... ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ; que l'acte par lequel la COLLECTIVITE DE SAINT-BARTHELEMY a décidé d'exercer le droit de préemption impose des sujétions à la personne directement concernée ; que, dès lors, il est au nombre des décisions qui, en l'absence de dispositions législatives particulières donnant un autre fondement à l'obligation de motivation, doivent être motivées en vertu des dispositions précitées de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; qu'il ressort des termes des délibérations du conseil exécutif de Saint-Barthélemy du 5 juin 2008 et du 11 juillet 2008 qu'elles ne sont pas motivées ; qu'ainsi, elles sont entachées d'illégalité ;
Considérant qu'en l'absence de motivation dans les décisions de préemption, la substitution de motifs demandée par la COLLECTIVITE DE SAINT-BARTHELEMY ne peut être appliquée ;
En ce qui concerne le défaut de consultation de France Domaine :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 1211-1 du code général de la propriété des personnes publiques, code pris par l'ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 applicable à la collectivité d'outre-mer de Saint-Barthélemy : La consultation de l'autorité compétente de l'Etat préalable aux acquisitions immobilières poursuivies par les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics a lieu dans les conditions fixées à la section 3 du chapitre unique du titre Ier du livre III de la première partie du code général des collectivités territoriales. ; qu'aux termes de l'article L. 1311-9 du code général des collectivités territoriales : Les projets d'opérations immobilières mentionnés à l'article L. 1311-10 doivent être précédés, avant toute entente amiable, d'une demande d'avis de l'autorité compétente de l'Etat lorsqu'ils sont poursuivis par les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics. ; qu'aux termes de l'article L. 1311-10 du même code : Ces projets d'opérations immobilières comprennent : ... 2° Les acquisitions à l'amiable, par adjudication ou par exercice du droit de préemption, d'immeubles, de droits réels immobiliers, de fonds de commerce et de droits sociaux donnant vocation à l'attribution, en pleine propriété, d'immeubles ou de parties d'immeubles, d'une valeur totale égale ou supérieure à un montant fixé par l'autorité administrative compétente... ; que l'arrêté du ministre de l'économie en date du 5 septembre 1986 modifié par l'arrêté du 17 décembre 2001 fixe le seuil de consultation obligatoire de France Domaine pour les acquisitions immobilières, aux montants supérieurs à 75 000 € ; qu'il résulte de l'application combinée des articles visés ci-dessus que la COLLECTIVITE DE SAINT-BARTHELEMY devait consulter France Domaine dès lors que la préemption portait sur un bien d'une valeur de 620 000 dollars américains ; que, par suite, les délibérations litigieuses sont irrégulières en l'absence de consultation préalable de France Domaine ;
En ce qui concerne le défaut de mention du prix de préemption :
Considérant que l'absence de mention du prix dans les délibérations litigieuses ne permet pas de conclure que la collectivité entendait verser aux propriétaires le montant de la valeur de la propriété foncière, ni que le recours à la procédure d'expropriation était exclue ; qu'au surplus l'organe délibérant doit s'assurer que le montant de la dépense proposée est prévu au budget de la collectivité ; qu'enfin, le prix de la parcelle AL228 demeurait indéterminé, dès lors que la préemption poursuivie par la collectivité ne concernait que cette seule parcelle, alors que la déclaration d'intention d'aliéner faisait référence à un projet de vente de deux parcelles ; que dés lors les délibérations litigieuses méconnaissent les dispositions sus-énoncées de l'article LO 6214-7 du code général des collectivités territoriales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COLLECTIVITE DE SAINT-BARTHELEMY n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Saint-Barthélemy a annulé les délibérations du conseil exécutif de Saint-Barthélemy n° 2008-134 du 5 juin 2008 et n° 2008-168 du 11 juillet 2008 ; qu'elle n'est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué seulement qu'en tant qu'il a omis de statuer sur ses conclusions tendant à ce qu'il soit ordonné au conseil exécutif de la collectivité de statuer à nouveau, dans un délai de deux mois, et après une nouvelle instruction, sur l'éventuelle préemption de la parcelle cadastrée lieudit Gustavia section AL n° 228 ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant que le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par la COLLECTIVITE DE SAINT-BARTHELEMY doivent être rejetées ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de condamner la collectivité de Saint-Barthélemy à payer à Mmes X et Y la somme totale de 1 500 € ; que M. Z et la SCI Almosnino, intervenants au litige, n'y sont pas parties au sens de l'article L. 761-1 précité et ne peuvent prétendre aux frais irrépétibles ; qu'enfin ces dispositions font obstacle à ce que Mmes X et Y, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, soient condamnées à verser à la COLLECTIVITE DE SAINT-BARTHELEMY une somme en remboursement des frais exposés non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Saint-Barthélemy en date du 8 janvier 2009 est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions de la COLLECTIVITE DE SAINT-BARTHELEMY tendant à ce que, dans l'hypothèse d'une annulation de la délibération du conseil exécutif n° 2008-134 CE du 5 juin 2008, il soit ordonné au conseil exécutif de la collectivité de statuer à nouveau, dans un délai de deux mois, et après une nouvelle instruction, sur l'éventuelle préemption de la parcelle cadastrée lieudit Gustavia section AL n° 228.
Article 2 : Les conclusions de la COLLECTIVITE DE SAINT-BARTHELEMY devant le tribunal administratif de Saint-Barthélemy et le surplus de la requête de LA COLLECTIVITE DE SAINT-BARTHELEMY sont rejetés.
Article 3 : La COLLECTIVITE DE SAINT-BARTHELEMY versera à Mmes X et Y la somme totale de 1 500 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme X et de Mme Y et les conclusions de M. Z et de la SCI Almosnino tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
''
''
''
''
2
No 09BX00699