Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 3 avril 2008, présentée par le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE qui demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 31 janvier 2008 du Tribunal administratif de Poitiers en tant qu'il a, à la demande de l'entreprise agricole à responsabilité limitée (EARL) Copase, annulé la décision, en date du 4 décembre 2006, par laquelle le préfet de la Charente-Maritime lui a refusé l'autorisation d'exploiter 23 hectares 18 ares de terres précédemment mises en valeur par M. X ;
2°) de rejeter la demande de l'EARL Copase ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
Vu l'arrêté du 14 janvier 2003 du préfet de la Charente-Maritime établissant le schéma directeur départemental des structures agricoles de la Charente-Maritime ;
Vu le code rural ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 octobre 2009 :
- le rapport de Mme Madelaigue, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Lerner, rapporteur public ;
Considérant que le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE relève appel du jugement en date du 31 janvier 2008 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a, à la demande de l'EARL Copase, annulé la décision du 4 décembre 2006 par laquelle le préfet de la Charente-Maritime lui a refusé l'autorisation d'exploiter 23 hectares 18 ares de terres précédemment mises en valeur par M. X ;
Sur la recevabilité de l'appel du MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 et R. 751-4 ; qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été notifié au MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE le 4 février 2008 ; que son appel, enregistré au greffe de la Cour le 3 avril 2008, est recevable ; qu'il y a lieu, par suite, d'écarter la fin de non-recevoir opposée par l'EARL Copase ;
Sur le bien-fondé du recours :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 331-3 du code rural dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : L'autorité administrative, après avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture, se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. Elle doit notamment : 1° Observer l'ordre des priorités établi par le schéma départemental entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des exploitations agricoles, en tenant compte de l'intérêt économique et social du maintien de l'autonomie de l'exploitation faisant l'objet de la demande ; 2° S'assurer, en cas d'agrandissement ou de réunion d'exploitations, que toutes les possibilités d'installation sur une exploitation viable ont été considérées (...) ; qu'en vertu de l'article 3 de l'arrêté établissant le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département, en date du14 janvier 2003, l'agrandissement d'une exploitation doit tenir compte des critères figurant à l'article L. 331-3 du code rural ; qu'aux termes de l'article R. 331-6 du même code : Au vu de l'avis motivé de la commission départementale d'orientation de l'agriculture, le préfet prend une décision d'autorisation ou de refus d'autorisation. Cette décision est motivée (...) ;
Considérant que, pour annuler la décision du 4 décembre 2006, le Tribunal administratif de Poitiers a estimé que ladite décision a été prise sur le fondement de l'article 6 de l'arrêté préfectoral du 14 janvier 2003 établissant le schéma directeur départemental des structures agricoles de la Charente-Maritime, qui fixe l'unité de référence pour l'ensemble du département et non par région naturelle, sans tenir compte des différences constatées entre ces régions, que cet article 6 est entaché d'une erreur de droit et que la décision contestée, par laquelle le préfet a refusé l'autorisation d'exploiter sollicitée par l'EARL Copase, prise au motif de l'existence d'une demande concurrente, prioritaire au regard du schéma directeur départemental des structures agricoles est illégale par voie de conséquence de l'illégalité des dispositions dudit article 6 de l'arrêté préfectoral du 14 janvier 2003 ;
Considérant que, pour prendre la décision contestée, le préfet s'est fondé sur les dispositions du schéma départemental des structures agricoles qui fixent l'ordre de priorité des projets d'installation ou d'agrandissement et non sur celles de ses dispositions qui fixent l'unité de référence dans le département ; que, par suite, à supposer même que les dispositions de l'arrêté préfectoral du 14 janvier 2003 adoptant le schéma départemental puissent être regardées comme entachées d'erreur de droit ou d'erreur manifeste d'appréciation en tant qu'elles fixent l'unité de référence, cette illégalité est sans influence sur la légalité de la décision de refus opposée à l'EARL Copase le 4 décembre 2006 ; que le moyen tiré par voie d'exception de l'illégalité de l'article 6 de l'arrêté préfectoral du 14 janvier 2003 fixant le schéma départemental des structures agricoles sur le fondement duquel la décision contestée a été prise doit donc être écarté ; qu'il suit de là que le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Poitiers s'est fondé sur le motif tiré de l'irrégularité de la fixation de l'unité de référence pour annuler la décision, en date du 4 décembre 2006, par laquelle le préfet de la Charente-Maritime a refusé d'autoriser l'EARL Copase à exploiter 23 hectares 18 ares de terres supplémentaires précédemment exploitées par M. X ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par l'EARL Copase devant le Tribunal administratif de Poitiers et devant la Cour ;
Considérant, en premier lieu, que si l'EARL Copase fait valoir qu'elle n'avait pas besoin de solliciter une autorisation d'exploiter dès lors que, après agrandissement, sa surface restait en dessous du plafond des cumuls régulièrement fixé par l'article 3 du schéma directeur départemental des structures agricoles du 7 décembre 1990, il n'est pas contesté que la demande concurrente de M. Y était prioritaire au regard du schéma départemental des structures agricoles du 14 janvier 2003 ; que, dans ces conditions, à supposer même que l'EARL Copase n'aurait pas été soumise à autorisation, cette circonstance est sans influence sur la légalité du refus qui lui a été opposé ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 331-6 du code rural, dans sa rédaction alors en vigueur : Au vu de l'avis motivé de la commission départementale d'orientation de l'agriculture, le préfet prend une décision d'autorisation ou de refus d'autorisation d'exploiter (...) A défaut de notification d'une décision dans le délai de quatre mois à compter de la date d'enregistrement du dossier ... l'autorisation est réputée accordée ; et qu'aux termes de l'article 23 de la loi du 12 avril 2000 : Une décision implicite d'acceptation peut être retirée, pour illégalité, par l'autorité administrative : (...) 2° Pendant le délai de deux mois à compter de la date à laquelle est intervenue la décision, lorsque aucune mesure d'information des tiers n'a été mise en oeuvre ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la demande d'autorisation d'exploiter a été présentée par l'EARL Copase le 22 juin 2006 et complétée le 4 août 2006 ; qu'aucune décision de refus n'a été reçue par l'EARL Copase avant l'expiration du délai de quatre mois fixé par les dispositions précitées de l'article R. 331-6 ; qu'ainsi, à défaut de notification d'une décision dans le délai de quatre mois, cette dernière se trouvait titulaire d'une autorisation tacite née le 4 décembre 2006 ; que, toutefois, la décision en date du 4 décembre 2006, par laquelle le préfet de la Charente-Maritime lui a refusé l'autorisation d'exploiter 23 hectares 12 ares, doit être regardée comme un retrait de l'autorisation tacite dont l'EARL Copase était titulaire ; que cette décision implicite n'a fait l'objet d'aucune mesure d'information des tiers ; que le préfet de la Charente-Maritime pouvait, dès lors, la retirer dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle elle a été prise, à la condition qu'elle soit entachée d'illégalité ; que pour prononcer ce retrait, le préfet de la Charente-Maritime s'est fondé sur ce que l'opération projetée par M. Y était prioritaire au regard du schéma directeur départemental des structures agricoles, par rapport à celle de l'EARL Copase ; que l'EARL Copase ne conteste nullement le bien-fondé de ce motif ; que la décision du 4 décembre 2006 a pu, dès lors, retirer l'autorisation tacite dont bénéficiait l'EARL Copase ;
Considérant, en troisième lieu, que si l'EARL Copase invoque l'irrégularité de la composition de la commission départementale d'orientation de l'agriculture, dont elle soutient qu'elle ne serait pas conforme aux arrêtés préfectoraux des 4 et 26 juillet 2006, ce moyen n'est assorti d'aucune précision de nature à permettre d'en apprécier le bien-fondé ;
Considérant, en quatrième lieu, que les dispositions précitées des articles L. 331-3 et R. 331-6 du code rural n'interdisent pas à la commission de se prononcer favorablement pour deux candidatures concurrentes ; qu'il appartient ensuite au préfet de se prononcer sur ces demandes concurrentes conformément aux orientations du schéma départemental des structures agricoles ; que, par suite, l'EARL Copase n'est pas fondée à soutenir que l'avis de la commission n'est pas suffisamment motivé au seul motif qu'elle aurait émis un avis favorable pour deux candidatures concurrentes ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE est fondé à soutenir, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Poitiers a annulé la décision attaquée du préfet de la Charente-Maritime ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE, qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, la somme que l'EARL Copase demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement en date du 31 janvier 2008 du Tribunal administratif de Poitiers est annulé.
Article 2 : La demande présentée par l'EARL Copase devant le Tribunal administratif de Poitiers est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de l'EARL Copase tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 08BX00946