Vu la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés sous forme de télécopie les 4 mars 2008 et 2 mai 2008, et en original respectivement les 7 mars et 6 mai 2008, au greffe de la Cour sous le n° 08BX00623 présentés pour le CENTRE HOSPITALIER DE MILLAU dont le siège est 265 boulevard Achille Souques à Millau (12100) par Me Le Prado ;
Il demande à la Cour :
- à titre principal, d'annuler le jugement en date du 28 décembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Toulouse l'a condamné à verser des indemnités à la société anonyme de défense et d'assurance (SADA) en réparation des séquelles présentées par M. X à la suite de l'intervention chirurgicale du 19 mai 1998 ;
- à titre subsidiaire, de réformer le montant de la condamnation mise à sa charge ;
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Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 février 2009,
le rapport de Mme Fabien, premier conseiller ;
les observations de Me Ribeil pour la Société Anonyme de Défense et d'Assurance ;
et les conclusions de Mme Viard, rapporteur public ;
Considérant que M. X, victime d'un traumatisme du rachis cervical à la suite d'un accident de la circulation le 15 mai 1998, a subi une intervention chirurgicale le 19 mai 1998 au CENTRE HOSPITALIER DE MILLAU ; que, par jugements des 6 mars 2002 et 29 juillet 2004, le Tribunal de grande instance de Marseille a condamné solidairement le responsable de l'accident de la circulation, et son assureur, la société anonyme de défense et d'assurance (SADA), à verser à M. X, des indemnités de 124 781,95 euros et 345 euros ainsi qu'une rente trimestrielle indexée d'un montant de 11 536,25 euros au titre de l'aide à la tierce personne ; que, par arrêt du 8 juin 2006, la Cour d'appel d'Aix en Provence a fixé au 25 septembre 1998 le point de départ du versement de cette rente trimestrielle ; que la SADA , subrogée à la fois dans les droits de son assuré et de M. X, a saisi le Tribunal administratif de Toulouse en vue d'obtenir, sur le fondement de la faute, la condamnation du CENTRE HOSPITALIER DE MILLAU à lui rembourser les sommes qu'elle a versées à M. X en exécution de ces jugements ; que, par le jugement attaqué du 28 décembre 2007, le Tribunal administratif de Toulouse a déclaré le CENTRE HOSPITALIER DE MILLAU responsable du préjudice résultant pour M. X de la cécité de son oeil gauche imputable à un défaut fautif de surveillance au cours de l'intervention chirurgicale du 19 mai 1998 et l'a condamné, d'une part, à verser à la SADA une indemnité de 78 700 euros et, d'autre part, à lui rembourser, au fur et à mesure des échéances, la rente trimestrielle qu'elle lui verse au titre de l'aide à la tierce personne ; que le CENTRE HOSPITALIER DE MILLAU fait appel de ce jugement en contestant, à titre principal, le principe de sa responsabilité et à titre subsidiaire, la nécessité et le montant de la rente au titre de l'aide à la tierce personne ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que pour faire droit à la demande de la SADA tendant au remboursement de la rente allouée à M. X au titre de l'aide à la tierce personne, le Tribunal administratif de Toulouse s'est fondé d'une part sur le fait que la cécité de l'intéressé rendait nécessaire l'assistance permanente d'une tierce personne pour tous les gestes de la vie quotidienne et ses déplacements et d'autre part sur le fait que le montant de la rente trimestrielle lui étant versée à ce titre n'était pas excessif ; que le Tribunal administratif de Toulouse, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments présentés par le CENTRE HOSPITALIER DE MILLAU, a ainsi énoncé les considérations l'amenant à faire droit à la demande présentée à ce titre par la SADA ; que le moyen tiré du défaut de motivation du jugement attaqué doit en conséquence être écarté ;
Sur le fond :
En ce qui concerne la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER DE MILLAU:
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport du chirurgien orthopédiste désigné en qualité d'expert par le Tribunal administratif de Toulouse ainsi que du rapport de l'ophtalmologiste que l'expert s'est adjoint en qualité de sapiteur, que la cécité de l'oeil gauche dont M. X a été victime à la suite de l'intervention sur le rachis cervical qu'il a subie le 19 mai 1998 est imputable à une compression du globe oculaire prolongée au cours de l'intervention ayant entraîné une forte élévation de la pression intraoculaire et une thrombose de l'artère centrale de la rétine ; que cette compression est due à un déplacement de la tête du patient dont le visage était en appui sur la têtière pendant l'opération ; que le risque de compression oculaire lié à une telle position opératoire en décubitus ventral constitue une complication connue rendant indispensable une surveillance de la situation des yeux par rapport à la têtière, cette surveillance étant possible même si elle nécessite pour la personne en étant chargée de mettre un ou deux genoux à terre et de soulever les champs opératoires pour accéder à la région faciale ; que la seule circonstance que le médecin anesthésiste, que l'expert s'est adjoint en qualité de sapiteur, ait estimé que le médecin anesthésiste intervenu lors de l'opération n'avait commis aucune faute personnelle et qu'il ait relevé qu'aucune surveillance de la position de la tête et des yeux du patient n'était habituellement pratiquée par l'équipe opératoire sans qu'aucun incident ne se soit produit avant celui dont M. X a été victime ne saurait établir l'absence de caractère fautif de ce défaut de surveillance ; que cette absence de surveillance, qui n'était pas conforme aux données de la science et aux règles de l'art, compte tenu du risque connu de compression oculaire et des conditions de l'intervention chirurgicale, revêt un caractère fautif de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier ;
Considérant qu'à supposer même que l'état de santé de M. X l'ait rendu plus sensible à une élévation de la pression intra oculaire, cette circonstance est dépourvue d'incidence sur l'appréciation de la responsabilité du centre hospitalier dans la survenance du préjudice résultant de la cécité de l'oeil gauche de l'intéressé dès lors que cette élévation de la pression oculaire est exclusivement imputable à la compression du globe oculaire lié au défaut de surveillance pré opératoire ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le CENTRE HOSPITALIER DE MILLAU n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Toulouse l'a déclaré responsable du préjudice résultant pour M. X de la cécité de son oeil gauche et l'a condamné à rembourser à la SADA les sommes versées à ce dernier en réparation de ce préjudice ;
En ce qui concerne la rente trimestrielle au titre de l'aide à la tierce personne :
Considérant qu'il résulte des rapports des experts désignés par le Tribunal de grande instance de Marseille et par le Tribunal administratif de Toulouse qu'à la suite de la cécité de son oeil gauche imputable à l'intervention, l'état de santé de M. X, âgé de 72 ans au moment de l'intervention et dont l'acuité visuelle de l'oeil droit est limitée à 1/10, nécessite, à raison de 9 heures par jour, l'assistance d'une tierce personne pour ses déplacements ainsi que pour des actes tels que sa toilette, la prise de médicaments, les démarches administratives, les courses, les tâches ménagères et le jardinage, actes qu'il était en mesure d'accomplir seul avant la date de l'intervention ; que l'évaluation du coût de cette aide à la tierce personne ne dépend pas de celle opérée par le juge judiciaire et du montant de la rente que la SADA a été condamnée par ce dernier à verser à M. X ; que compte tenu du montant du salaire minimum interprofessionnel de croissance, le coût de cette assistance doit être évalué au 25 septembre 1998, date de début du versement par la SADA d'une rente à M. X, à 6 800 euros par trimestre sans qu'il y ait lieu d'en déduire une somme au titre des avantages fiscaux dont M. X serait éventuellement susceptible de bénéficier en qualité de personne handicapée ; que ce montant doit être indexé à compter du 25 septembre 1998 dans les conditions fixées par l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale ; que, par suite, le CENTRE HOSPITALIER DE MILLAU est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Toulouse l'a condamné à rembourser à la SADA, au fur et à mesure du versement par cette dernière de la rente trimestrielle allouée au titre de l'aide à la tierce personne, une somme supérieure à un montant indexé de 6 800 euros par trimestre ;
Sur l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il n'y a pas lieu de mettre à la charge du CENTRE HOSPITALIER DE MILLAU la somme demandée par la SADA au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1 : Le montant de la somme que le CENTRE HOSPITALIER DE MILLAU a été condamné, au fur et à mesure des échéances, à verser à la SADA en remboursement de la rente trimestrielle versée par cette dernière à M. X, est ramené de 11 536,25 euros à 6 800 euros, ce montant devant être indexé à compter du 25 septembre 1998 dans les conditions fixées par l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Toulouse du 28 décembre 2007 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du CENTRE HOSPITALIER DE MILLAU et les conclusions présentées par la SADA en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
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08BX00623