La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/12/2008 | FRANCE | N°08BX00346

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, Juge des reconduites à la frontière, 18 décembre 2008, 08BX00346


Vu la requête, enregistrée le 5 février 2008, présentée par le PRÉFET de la GIRONDE qui demande à la Cour d'annuler le jugement n° 08/172 du 18 janvier 2008 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Bordeaux a annulé les arrêtés du 14 janvier 2008 décidant la reconduite à la frontière de M. Ibrahima X à destination du Niger et ordonnant son placement en rétention, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois, et mis à la charge de l

'État la somme de 1 000 € au profit de Me Boyancé, avocat de M. X, en appli...

Vu la requête, enregistrée le 5 février 2008, présentée par le PRÉFET de la GIRONDE qui demande à la Cour d'annuler le jugement n° 08/172 du 18 janvier 2008 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Bordeaux a annulé les arrêtés du 14 janvier 2008 décidant la reconduite à la frontière de M. Ibrahima X à destination du Niger et ordonnant son placement en rétention, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois, et mis à la charge de l'État la somme de 1 000 € au profit de Me Boyancé, avocat de M. X, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que Me Boyancé renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du président de la Cour en date du 28 août 2008 portant désignation de M. Brunet, président de chambre, en qualité de juge habilité à statuer en matière d'appel des jugements de reconduite à la frontière ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 décembre 2008 :

* le rapport de M. Brunet, président de chambre ;

* les observations de Me Boyancé pour M. X ;

* et les conclusions de M. Lerner, commissaire du gouvernement ;

Sur l'aide juridictionnelle provisoire :

Considérant que M. X n'a pas donné suite à la demande qui lui a été adressée le 7 avril 2008 de justifier du dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle auprès du bureau d'aide juridictionnelle de Bordeaux ; que de telles conclusions ne peuvent donc être satisfaites ;

Sur l'appel du préfet :

Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur sa recevabilité :

Considérant que le PRÉFET de la GIRONDE fait appel du jugement en date du 18 janvier 2008 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à la demande de M. X, de nationalité nigérienne, en annulant l'arrêté du 14 janvier 2008 décidant sa reconduite à la frontière pour méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que par voie de conséquence les décisions du même jour fixant le pays de renvoi et ordonnant son placement en rétention ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ; qu'en vertu de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention “vie privée et familiale” est délivrée de plein droit : (...) 7º À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) » ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient le préfet, la situation de M. X au regard de son droit au respect de sa vie privée et familiale ayant évolué depuis la première mesure d'éloignement prise à son encontre le 22 avril 2005 doit être appréciée à la date de l'arrêté de reconduite à la frontière en litige ; que si M. X a reçu des mandats depuis son pays d'origine en 1999 et 2000, il n'est pas contesté que les parents de l'intéressé sont décédés et qu'il n'a ni frère ni soeur ; que la compagne de M. X, titulaire d'un titre de séjour, se trouvait en France le 8 août 2007 ; que le préfet ne saurait donc mettre en doute la paternité de l'intimé au seul motif, erroné en fait, que sa compagne ne serait entrée en France qu'en octobre 2007 ; que le PRÉFET de la GIRONDE ne critique pas utilement les motifs, qu'il convient d'adopter, retenus par le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Bordeaux pour estimer que l'arrêté de reconduite à la frontière en litige porte au droit au respect de la vie privée et familiale de M. X une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PRÉFET de la GIRONDE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à la demande de M. X en annulant les arrêtés du 14 janvier 2008 décidant sa reconduite à la frontière à destination du Niger et ordonnant son placement en rétention, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois, et mis à la charge de l'État la somme de 1 000 € au profit de Me Boyancé, avocat de M. X, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que Me Boyancé renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que M. X demande à ce qu'il soit enjoint au PRÉFET de la GIRONDE de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et d'examiner sa situation dans le délai d'un mois afin de se prononcer sur son droit au séjour ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la suite du jugement attaqué, M. X s'est uniquement vu délivrer une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'au 3 mai 2008, date à laquelle il devait avoir quitté le territoire français ; qu'il convient dès lors de statuer sur la demande à fin d'injonction de M. X ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé » ; qu'en vertu de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au titre V du présent livre et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas » ;

Considérant qu'à la suite de l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe au préfet, en application des dispositions précitées de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prescrire au PRÉFET de la GIRONDE de délivrer à M. X une autorisation provisoire de séjour dans un délai de sept jours suivant la notification de la présente décision et de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois suivant la notification de la présente décision ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'État, qui est dans la présente instance la partie perdante, la somme de 1 300 € au profit de M. X au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du PRÉFET de la GIRONDE est rejetée.

Article 2 : Il est enjoint au PRÉFET de la GIRONDE de délivrer à M. X une autorisation provisoire de séjour dans un délai de sept jours suivant la notification de la présente décision et de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois suivant la notification de la présente décision.

Article 3 : L'État versera à M. X la somme de 1 300 € en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 08BX00346
Date de la décision : 18/12/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Max BRUNET
Rapporteur public ?: M. LERNER
Avocat(s) : BOYANCE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2008-12-18;08bx00346 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award