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06/11/2008 | FRANCE | N°08BX01139

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 06 novembre 2008, 08BX01139


Vu la requête, enregistrée le 24 avril 2008, présentée pour M. Roger X, demeurant ..., par Me Bisalu, avocat ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601239 du 27 février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a refusé d'annuler la décision du préfet de la Charente-Maritime qui, le 15 mars 2006, a désigné la République démocratique du Congo comme pays de destination de la mesure de reconduite à la frontière prise à son encontre ;

2°) d'annuler ladite décision du 15 mars 2006 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Charente-M

aritime de réexaminer sa situation et de lui attribuer une autorisation provisoire de s...

Vu la requête, enregistrée le 24 avril 2008, présentée pour M. Roger X, demeurant ..., par Me Bisalu, avocat ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601239 du 27 février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a refusé d'annuler la décision du préfet de la Charente-Maritime qui, le 15 mars 2006, a désigné la République démocratique du Congo comme pays de destination de la mesure de reconduite à la frontière prise à son encontre ;

2°) d'annuler ladite décision du 15 mars 2006 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Charente-Maritime de réexaminer sa situation et de lui attribuer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 octobre 2008 :

* le rapport de M. Kolbert, président-assesseur ;

* et les conclusions de M. Lerner, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. Roger X, ressortissant de la République démocratique du Congo, entré clandestinement en France en juillet 2004, s'est vu refuser le bénéfice de l'asile par décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides en date du 29 avril 2005, confirmée le 18 octobre 2005 par la Commission de recours des réfugiés, et que sa demande de réexamen a également été rejetée le 16 février 2006 par l'office, au motif qu'il n'apportait aucun élément probant au soutien de ses allégations selon lesquelles il encourait des risques pour sa liberté en cas de retour dans son pays d'origine, pour avoir été, comme journaliste, l'auteur d'un article dans lequel il mettait en cause les violations des droits de l'homme commises dans l'est de son pays, par certains chefs rebelles ; que le préfet de la Charente-Maritime ayant pris à son encontre, le 15 mars 2006, un arrêté de reconduite à la frontière, a, par décision distincte figurant à l'article 2 dudit arrêté, désigné la République démocratique du Congo comme pays d'exécution de cette mesure d'éloignement ; que M. X demande l'annulation du jugement en date du 27 février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de cette décision ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : « L'étranger qui doit être reconduit à la frontière est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Commission de recours des réfugiés lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ... Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 » ; que si, lorsqu'elle fixe le pays de renvoi d'un étranger faisant l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière, l'autorité administrative est en droit de prendre en considération les décisions qu'ont prises, le cas échéant, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Commission de recours des réfugiés, l'examen et l'appréciation par ces dernières instances, au regard des conditions mises à la reconnaissance du statut de réfugié par les conventions internationales en vigueur ou à l'attribution du bénéfice de la protection subsidiaire prévue par les articles L. 712-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des faits allégués par le demandeur d'un tel statut ou d'une telle protection, et des craintes qu'il énonce, ne lient pas l'autorité administrative et sont sans influence sur l'obligation qui est la sienne de vérifier au vu du dossier dont elle dispose, que les mesures qu'elle prend ne méconnaissent pas les dispositions précitées de l'article L. 513-2 du même code ;

Considérant que M. X produit en appel un jugement en date du 23 janvier 2008 du Tribunal de paix de Kinshasa-Matete, qui le condamne à une peine de trois années de « servitude pénale » pour l'atteinte à l'ordre public qu'ont constitué la rédaction et la publication, le 26 mars 2004, dans le journal Uhuru, d'un article fustigeant les atteintes aux droits de l'homme commises avec « la bénédiction d'autorités politiques hautement placées » ; que le préfet de la Charente-Maritime ne conteste pas l'authenticité de ce jugement ; que si la condamnation qu'il mentionne constitue un élément de fait postérieur à la date de la décision attaquée et ne peut, à ce titre, avoir par elle-même d'influence sur la légalité de cette dernière, ce document est de nature à établir la réalité des poursuites pénales qui avaient été engagées, en sa qualité de journaliste, contre M. X pour l'article qu'il avait écrit, et, par voie de conséquence, celle des risques d'atteinte à sa liberté, qu'il encourait déjà en cas de retour dans son pays d'origine lorsque le préfet de la Charente-Maritime a désigné ce pays comme celui en direction duquel devait être exécutée la mesure de reconduite à la frontière prise à l'encontre de l'intéressé, une telle décision méconnaissant, par suite, les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à demander l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Poitiers en date du 27 février 2008 ensemble la décision du préfet de la Charente-Maritime en date du 15 mars 2006 ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'en application des dispositions des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Charente-Maritime, de réexaminer, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, la situation de M. X et de lui délivrer, dans l'intervalle, une autorisation provisoire de séjour ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, conformément aux dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'État, qui est, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. X d'une somme de 1 300 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0601239 du 27 février 2008 du Tribunal administratif de Poitiers, ensemble la décision du préfet de la Charente-Maritime en date du 15 mars 2006, désignant la République démocratique du Congo comme pays de destination de la mesure de reconduite à la frontière de M. X sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Charente-Maritime de réexaminer la situation de M. X dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de délivrer, dans l'intervalle, à l'intéressé, une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à M. X une somme de 1 300 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 08BX01139


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 08BX01139
Date de la décision : 06/11/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BRUNET
Rapporteur ?: M. Eric KOLBERT
Rapporteur public ?: M. LERNER
Avocat(s) : BISALU

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2008-11-06;08bx01139 ?
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