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08/07/2008 | FRANCE | N°06BX02350

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 08 juillet 2008, 06BX02350


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 17 novembre 2006, présentée pour M. Roger X demeurant ... par la SCP Pielberg - Butruille ;

M. X demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 0501817, en date du 15 juin 2006, par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de la Charente-Maritime du 15 février 2005 déterminant les surfaces de son exploitation éligibles aux aides compensatoires agricoles au titre de la campagne 1995 et excluant les surfaces déclarées en gel industriel, ensembl

e la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

2° d'annuler le...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 17 novembre 2006, présentée pour M. Roger X demeurant ... par la SCP Pielberg - Butruille ;

M. X demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 0501817, en date du 15 juin 2006, par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de la Charente-Maritime du 15 février 2005 déterminant les surfaces de son exploitation éligibles aux aides compensatoires agricoles au titre de la campagne 1995 et excluant les surfaces déclarées en gel industriel, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

2° d'annuler lesdites décisions ;

3° de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le règlement (CEE) n° 1765/92 du 30 juin 1992 ;

Vu le règlement (CEE) n° 3508/92 du 27 novembre 1992 ;

Vu le règlement (CE) n° 3887/92 du 23 décembre 1992 ;

Vu le règlement (CEE) n° 334/93 du 15 février 1993 ;

Vu le règlement (CE) n° 1663/95 du 7 juillet 1995 ;

Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu l'arrêté ministériel du 13 octobre 1995 ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 juin 2008 :

- le rapport de M. Zupan, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Vié, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par décision du 15 février 2005, faisant suite à l'annulation, par arrêt de la Cour du 19 octobre 2004, d'une précédente mesure ayant le même objet, le préfet de la Charente-Maritime a déterminé les surfaces de l'exploitation agricole de M. X éligibles aux aides compensatoires à certaines cultures arables au titre de la campagne 1995, et en a exclu les surfaces déclarées en gel industriel, au motif que le rendement constaté sur les parcelles en cause présentait un écart non justifié avec celui obtenu, pour la même matière première, sur les surfaces récoltées en vue d'une utilisation alimentaire ; que M. X relève appel du jugement, en date du 15 juin 2006, par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision, ensemble la décision portant rejet implicite de son recours gracieux ;

Sur la légalité externe :

Considérant, en premier lieu, que la décision contestée a été prise par M. Bazin, ingénieur du génie rural, des eaux et des forêts, auquel un arrêté préfectoral du 24 mai 2004, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Charente-Maritime, avait accordé une délégation de signature, en cas d'absence ou d'empêchement du directeur départemental de l'agriculture et de la forêt, en matière d'attribution des aides individuelles aux agriculteurs ; que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte litigieux manque dès lors en fait ;

Considérant, en deuxième lieu, que si, en vertu de l'article 4 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, les décisions doivent comporter, outre la signature de leur auteur, la mention de leurs nom, prénom et qualité, la circonstance que, en l'espèce, la décision contestée comporte seulement, outre le nom de son signataire, l'initiale de son prénom et son grade, est dépourvue d'incidence sur la légalité de ladite décision, dès lors que cet agent, qui avait auparavant invité M. X à faire valoir ses observations, par une lettre du 26 janvier 2005 mentionnant sa qualité de chef du service de l'économie agricole de la direction départementale de l'agriculture et de la forêt de la Charente-Maritime, pouvait être identifié sans ambiguïté ;

Considérant, en troisième lieu, que, contrairement à ce que soutient M. X, la société interprofessionnelle des oléagineux, protéagineux et cultures textiles (SIDO), qui a effectué en juin 1996 le contrôle sur pièces de la déclaration de surfaces de l'intéressé en matière de jachère industrielle, était compétente pour mener de telles investigations, dès lors qu'elle avait été agréée, par arrêté du 13 octobre 1995, pris pour l'application du règlement communautaire n° 1663/95 du 7 juillet 1995, comme organisme payeur des dépenses financées par le Fonds d'orientation et de garantie agricole (FEOGA), section garantie ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire en vigueur à l'époque de ce contrôle n'imposait qu'il soit effectué par un agent assermenté ; que M. X ne saurait utilement arguer, sur le fondement des dispositions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000, postérieure aux faits litigieux, d'un défaut d'identification suffisamment précise du signataire du rapport établi à la suite des vérifications dont son exploitation a fait l'objet, d'ailleurs contresigné par le directeur départemental de l'agriculture et de la forêt ; qu'il ne saurait plus utilement invoquer les dispositions de la loi n° 2004-801 du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel, qui a modifié la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, pour soutenir que le contrôle en cause, en admettant même qu'il ait nécessité la collecte et le traitement automatisé d'informations personnelles et alimenté la base de données prévue par l'article 2 du règlement communautaire n° 3508/92 du 27 novembre 1992 établissant un système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aides communautaires, ne pouvait légalement être effectué sans son consentement, ou aurait été conduit, à cet égard, de manière illicite ou déloyale ; que si M. X soutient que le système de contrôle ainsi mis en place serait dans son ensemble « inconventionnel », il s'abstient d'indiquer les dispositions de droit international auxquelles il entend ainsi se référer, et n'assortit donc pas ce moyen de précisions suffisantes pour permettre au juge d'en apprécier la portée ;

Considérant enfin qu'aux termes de l'article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000 : « Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 (...) n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix » ; qu'il est constant que M. X a été invité, par la lettre susmentionnée du 26 janvier 2005, à laquelle était joint le rapport de contrôle établi par la SIDO, à présenter ses observations concernant la mesure envisagée à son encontre, ce qu'il a d'ailleurs fait par courrier du 9 février 2005 ; qu'il a ainsi été satisfait aux exigences des dispositions précitées, lesquelles n'ont, par elles-mêmes, ni pour objet ni pour effet d'imposer à l'administration d'informer la personne concernée de la possibilité d'être assistée par un conseil ; que le requérant ne saurait en tout état de cause utilement invoquer, pour arguer d'une violation des droits de la défense et de la méconnaissance du principe du contradictoire, les stipulations de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, inapplicables à la procédure litigieuse, dépourvue de tout caractère juridictionnel ;

Sur la légalité interne :

Considérant qu'aux termes de l'article 2 du règlement communautaire n° 1765/92 du 30 juin 1992 instituant un régime de soutien aux producteurs de certaines cultures arables, alors en vigueur : « Les producteurs communautaires de cultures arables peuvent revendiquer un paiement compensatoire dans les conditions fixées dans le présent titre (...) Le paiement compensatoire est accordé pour la superficie consacrée aux cultures arables ou au gel des terres en conformité avec l'article 7 du présent règlement » ; que l'article 7 du même règlement, auquel il est ainsi renvoyé, dispose : « (...) 4. Les terres gelées peuvent être utilisées pour la production de matières destinées à la fabrication, sur le territoire de la Communauté, de produits qui ne sont pas directement destinés à la consommation humaine ou animale, sous réserve que des systèmes de contrôle efficaces soient appliqués » ; qu'en vertu de l'article 1er du règlement n° 3508/92 du 27 novembre 1992, chaque État membre crée un système intégré de gestion et de contrôle qui s'applique notamment, en ce qui concerne le secteur de la production végétale, au régime de soutien aux producteurs de certaines cultures arables établi par le règlement n° 1765/92 ; qu'aux termes de l'article 6 du règlement n° 3887/92 du 23 décembre 1992, alors en vigueur, portant modalités d'application du système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aides communautaires : « Les contrôles administratifs et sur place sont effectués de façon à assurer la vérification efficace du respect des conditions pour l'octroi des aides et primes » ; que, selon l'article 9 du même règlement, dans sa rédaction applicable à l'année en litige : « (...) 2. Lorsqu'il est constaté que la superficie déclarée dans une demande d'aides « surfaces » dépasse la superficie déterminée, le montant de l'aide est calculé sur base de la superficie effectivement déterminée lors du contrôle. Toutefois, sauf cas de force majeure, la superficie effectivement déterminée est diminuée : - de deux fois l'excédent constaté lorsque celui-ci est supérieur à 2 % ou à 2 hectares et égal à 10 % au maximum de la superficie déterminée ; - de 30 % lorsque l'excédent constaté est supérieur à 10 % et égal à 20 % au maximum de la superficie déterminée. Au cas où l'excédent constaté est supérieur à 20 % de la superficie déterminée, aucune aide liée à la superficie n'est octroyée. (...) Les parcelles mises en jachère pour la production de matières servant à la fabrication de produits non alimentaires, pour lesquelles l'exploitant n'a pas rempli toutes les obligations lui incombant, sont considérées comme des superficies non retrouvées lors du contrôle pour l'application du présent article. Au sens du présent article, on entend par « superficie déterminée », celle pour laquelle toutes les conditions réglementaires ont été respectées » ; que l'article 11 dudit règlement dispose : « 2. La notification des cas de force majeure et les preuves y relatives, apportées à la satisfaction de l'autorité compétente, doivent être fournies par écrit à l'autorité compétente dans un délai de dix jours ouvrables à partir du moment où l'exploitant est en mesure de le faire » ; qu'aux termes, par ailleurs, de l'article 6 du règlement n° 334/93 du 15 février 1993 portant modalités d'application relatives à l'utilisation des terres mises en jachère pour la production de matières premières servant à la fabrication, dans la Communauté, de produits destinés à des fins principales autres que la consommation humaine ou animale : « 1. Le demandeur doit soumettre à son autorité compétente, à l'appui de sa demande de compensation, un contrat signé avant l'ensemencement de la matière première concernée, conclu entre lui-même et soit un collecteur, soit un premier transformateur. Ce contrat comporte au moins ce qui suit: (...) e) la quantité prévisible de matière première, par chaque espèce et variété, et toute condition applicable à sa livraison. Cette quantité doit au moins correspondre au rendement jugé représentatif par l'autorité compétente pour la matière première en question. Celui-ci doit tenir compte notamment du rendement moyen fixé pour la région en cause, s'il existe » ; que l'article 7 du même règlement dispose : « 1. Le demandeur doit soumettre chaque année à l'autorité compétente, dans sa demande « d'aide surface », l'identification de la parcelle ou des parcelles sur laquelle ou sur lesquelles les matières premières visées à l'annexe I doivent être cultivées. Pour chaque parcelle mise en jachère et pour chaque matière première qui y est cultivée, les informations suivantes doivent être fournies: - les espèces de la matière première et leurs variétés, - le rendement prévu pour chaque espèce et variété. (...) 2. Si le demandeur n'est pas en mesure de fournir la matière première indiquée dans le contrat, le contrat peut être adapté ou annulé. (...) 3. Le demandeur déclare à l'autorité compétente dont il relève la quantité totale de matière première récoltée, pour chaque espèce et variété, et confirme la partie à laquelle il a livré cette matière première. Pour les matières premières visées à l'annexe I, bénéficiant en dehors du présent régime d'une garantie d'achat à l'intervention publique, la quantité récoltée ne peut être inférieure à celle prévue à l'article 6 paragraphe 1 point e). Toutefois, dans des situations dûment justifiées, les États membres peuvent accepter à titre exceptionnel une quantité manquante allant jusqu'à 5 % de la quantité prévue. 4. Pour les terres mises en jachère dans les conditions prévues au règlement (CEE) n° 1765/92, le paiement de la compensation au demandeur peut avoir lieu avant la transformation de la matière première. Toutefois, le paiement n'est effectué que si la quantité de matière première sous contrat a été livrée au collecteur ou, selon le cas, au premier transformateur et si (...) l'autorité compétente chargée du paiement de la compensation a vérifié pour chaque demande le respect des conditions prévues à l'article 6 » ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que si les terres mises en jachère pour la production de matières servant à la fabrication de produits non alimentaires peuvent, lorsqu'elles ont été déclarées comme telles par l'exploitant, ouvrir droit au régime de soutien aux producteurs de certaines cultures arables, le bénéfice des aides y afférentes est subordonné, notamment, à la condition que l'exploitant fournisse au collecteur ou au transformateur auquel il est lié par contrat les quantités qu'il s'est engagé à produire ; qu'à défaut d'obtenir le rendement ainsi prévu, et sauf cas de force majeure, les superficies déclarées, considérées comme « non retrouvées », sont réputées inéligibles auxdites aides, l'administration conservant toutefois la possibilité d'en décider l'octroi, à titre exceptionnel, lorsque les quantités manquantes n'excèdent pas 5% du total prévu, et qu'il est justifié par l'exploitant d'une situation particulière expliquant cette insuffisance de rendement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le rendement obtenu par M. X, à l'issue de la campagne 1995, sur les terres qu'il avait déclarées en gel industriel, a atteint seulement 16,268 quintaux de tournesol par hectare, alors qu'il a été environ deux fois supérieur, dans le même temps, sur les surfaces déclarées en tournesol à usage alimentaire ; qu'il n'est pas contesté que les quantités produites ont ainsi été inférieures de plus de 5% à celles qui étaient prévues en application de l'article 6 précité du règlement n° 334/93 du 15 février 1993 ; que si M. X invoque des difficultés tenant au caractère « séchant » des parcelles en cause, aux intempéries qui les auraient frappées, et à l'invasion de limaces qu'elles auraient ensuite subies, il est constant qu'il n'a pas déclaré à l'administration ces aléas, à les supposer d'ailleurs constitutifs d'un cas de force majeure, dans les conditions prévues par l'article 11 du règlement n° 3887/92 du 23 décembre 1992, et qu'il n'en a pas davantage ultérieurement fait état pour solliciter une adaptation de son contrat ; qu'ainsi, le préfet de la Charente-Maritime, qui n'a pas méconnu son obligation de procéder à l'examen circonstancié de la situation de M. X, n'a entaché la décision contesté d'aucune inexactitude matérielle ni commis l'erreur d'appréciation alléguée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à M. X la somme qu'il réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

6

N°06BX02350


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 06BX02350
Date de la décision : 08/07/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme FLECHER-BOURJOL
Rapporteur ?: M. David ZUPAN
Rapporteur public ?: M. VIE
Avocat(s) : SCP PIELBERG BUTRUILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2008-07-08;06bx02350 ?
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