Vu la requête, enregistrée le 12 juin 2007, présentée pour M. Mohammed X, domicilié au ..., par Me Emmanuel Breillat, avocat ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0700382 du 16 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté en date du 11 janvier 2007 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai d'un mois et a désigné l'Algérie comme le pays à destination duquel il pouvait être renvoyé ;
2°) d'annuler ledit arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne de lui délivrer un certificat de résidence ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, son conseil renonçant alors au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la Convention de New York relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mars 2008 :
- le rapport de M. Kolbert, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Doré, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Mohammed X, ressortissant algérien, est entré en France le 16 février 2005 sous couvert d'un visa de court séjour et s'est ensuite irrégulièrement maintenu sur le territoire ; que, par un arrêté du 11 janvier 2007, le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer le certificat de résidence qu'il avait sollicité sur le fondement des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien susvisé et a assorti ce refus d'une mesure d'obligation de quitter le territoire, en désignant l'Algérie comme pays à destination duquel il pourrait être renvoyé ; que M. X demande l'annulation du jugement en date du 16 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur l'incompétence du signataire de l'arrêté litigieux :
Considérant que M. Benet-Chambellan, secrétaire général de la préfecture de la Vienne, disposait, en vertu d'un arrêté du 15 mai 2006 régulièrement publié, d'une délégation de signature du préfet de la Vienne à l'effet de signer toutes mesures relevant des attributions de l'Etat dans le département à l'exception des mesures intéressant la défense nationale, la défense intérieure et le maintien de l'ordre ainsi que des matières ayant fait l'objet d'une délégation spécifique à un autre chef de service ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient M. X, il était compétent pour signer l'arrêté refusant à ce dernier un certificat de résidence et l'obligeant à quitter le territoire quand bien même ces mesures auraient été prises sur le fondement de dispositions législatives postérieures à l'arrêté de délégation de signature ;
Sur le refus de séjour :
Considérant qu'aux termes de l'article 6 alinéa 5 de l'accord franco-algérien susvisé : « Le certificat de résidence d'un an portant la mention « vie privée et familiale » est délivré de plein droit : (…) Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (…) » ; qu'en se bornant à se prévaloir des liens entretenus avec sa belle-famille installée en France, dont certains membres ont la nationalité française, et lui ont porté assistance après le tremblement de terre de 2003 au cours duquel il a perdu tous ses biens, M. X n'établit pas qu'il se trouve dans l'impossibilité de reconstituer sa vie familiale en Algérie où vivent encore son père, son frère et ses quatre soeurs ; que son épouse réside irrégulièrement sur le territoire français, et qu'ainsi, eu égard à la brièveté de leur séjour en France, et alors même que deux de leurs enfants y sont scolarisés, M. X n'est pas fondé à soutenir que le refus de certificat de résidence aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs pour lesquels il a été pris, et aurait ainsi méconnu tant les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien susmentionné que celles de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'est pas davantage établi que ledit refus serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur l'obligation de quitter le territoire et la décision fixant le pays de destination :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Le présent code régit l'entrée et le séjour des étrangers en France métropolitaine (…). Il régit l'exercice du droit d'asile sur l'ensemble du territoire de la République. Ses dispositions s'appliquent sous réserve des conventions internationales (…) » ; que si l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature et la durée de validité des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, il n'a toutefois pas entendu écarter, sauf dispositions contraires expresses, l'application des dispositions de procédure qui s'appliquent à tous les étrangers en ce qui concerne la délivrance, le renouvellement ou le refus de titre de séjour et ses conséquences ; qu'au nombre de ces dispositions, figurent notamment celles qui prévoient les cas dans lesquels un étranger peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'accord franco ;algérien faisait obstacle à ce que la décision de refus de titre de séjour qui lui a été opposée soit assortie d'une obligation de quitter le territoire, doit être écarté ;
Considérant, toutefois, que l'autorité administrative doit, pour respecter les exigences de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, indiquer les dispositions législatives qui lui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ; qu'en ne mentionnant pas, dans son arrêté du 11 janvier 2007, les dispositions législatives sur lesquelles il a entendu se fonder pour prescrire à M. X l'obligation de quitter le territoire français, le préfet de la Vienne n'a, dès lors, pas suffisamment motivé cette dernière décision ;
Considérant que l'illégalité de la décision faisant à M. X obligation de quitter le territoire, a pour effet de rendre également illégale la décision fixant le pays à destination duquel il peut être renvoyé ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X est seulement fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions lui ordonnant de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant que le présent arrêt qui annule les décisions du préfet de la Vienne ordonnant à M. X de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, n'implique, en vertu des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ; que, dès lors, les conclusions de M. X tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention « vie privée et familiale » doivent être rejetées ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Breillat d'une somme de 1 300 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0700382 du 16 mai 2007 du Tribunal administratif de Poitiers en tant qu'il a rejeté les demandes de M. X tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Vienne du 11 janvier 2007 ordonnant à l'intéressé de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, ensemble ces deux décisions, sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera une somme de 1 300 euros à Me Breillat, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.
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N° 07BX01234