Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 25 mars 2005 présentée pour l'association NAUTISME ET FORMATION ATLANTIQUE (NEFA), dont le siège est Les Minimes à la Rochelle (17000), par la SCP d'avocats Moncho et Voisin-Moncho ;
L'association NEFA demande à la cour :
1°) à titre principal :
- d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 24 février 2005 en tant qu'il ne lui a pas accordé le bénéfice de l'amnistie pour les faits ayant justifié la décision du 7 novembre 2003 par laquelle le préfet de la région Poitou-Charentes, préfet de la Vienne, a rejeté son recours administratif contre la décision du 7 juillet 2003 par laquelle il lui a notifié un ordre de reversement d'une somme de 58 354,22 euros ;
- de déclarer ces faits amnistiés ;
2°) à titre subsidiaire :
- d'annuler le jugement du 24 février 2005 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du préfet de la région Poitou-Charentes, préfet de la Vienne du 7 novembre 2003 ;
- d'annuler la décision du préfet de la région Poitou-Charentes, préfet de la Vienne du 7 juillet 2003 ;
- de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 janvier 2008 :
- le rapport de M. Richard, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Valeins, commissaire du gouvernement ;
Sur l'amnistie :
Considérant que l'article 11 de la loi du 6 août 2002 amnistie les faits commis avant le 17 mai 2002 en tant qu'ils constituent des fautes passibles de sanctions disciplinaires ou professionnelles ; que, toutefois, sont exceptés du bénéfice de cette mesure les faits constituant des manquements à l'honneur, à la probité ou aux bonnes moeurs ;
Considérant qu'en vertu de l'article L. 920-1 du code du travail, les actions de formation professionnelle mentionnées aux livres III et IX de ce code peuvent faire l'objet de conventions et qu'aux termes de l'article L. 920-10 du même code, dans sa rédaction alors applicable : Lorsque les dépenses faites par le dispensateur de formation pour l'exécution d'une convention du titre II du présent livre ne sont pas admises parce qu'elles ne peuvent, par leur nature, être rattachées à l'exécution d'une convention de formation ou que le prix des prestations est excessif, le dispensateur est tenu, solidairement avec ses dirigeants de fait ou de droit, de verser au Trésor public une somme égale au montant de ces dépenses ; que les faits donnant lieu à des reversements au Trésor public sur le fondement de ces dispositions constituent des fautes passibles d'une sanction professionnelle au sens des dispositions précitées de l'article 11 de la loi du 6 août 2002, susceptibles, comme telles, d'entrer dans le champ de l'amnistie ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce qu'elle a déclaré comme étant son objet exclusif, la NEFA n'a dispensé aucune des formations prévues dans les 23 conventions examinées pour la période contrôlée alors que des heures de formation étaient facturées ; que les faits reprochés à l'association NEFA, constituent, dans les circonstances de l'espèce, un manquement à la probité dans l'exercice de la profession de dispensateur de formation ; que dans ces conditions, ces faits n'ont pas été amnistiés ; qu'il y a donc lieu d'y statuer ;
Sur les conclusions relatives à la décision du 7 juillet 2003 :
Considérant que la décision du 7 novembre 2003, rejetant le recours administratif de la société requérante s'est substituée à la décision du 7 juillet 2003 mettant à sa charge le reversement de la somme de 58 354,22 euros ; qu'ainsi, en tant qu'elles sont dirigées contre cette décision du 7 juillet 2003, ces conclusions sont dépourvues d'objet et, par suite, irrecevables ;
Sur la décision de reversement au Trésor public du 7 novembre 2003 :
En ce qui concerne la légalité externe :
Considérant que l'association NEFA dont les activités sont régies par les dispositions du livre IX du code du travail, a fait l'objet, sur le fondement des dispositions de l'article L. 991 ;1 de ce code, d'un contrôle administratif et financier diligenté par des agents de la direction régionale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de Poitou-Charentes portant sur l'ensemble de ses moyens financiers, techniques et pédagogiques, pour la période allant du 1er janvier 2000 au 3 mai 2002 ; qu'à la suite de ce contrôle, l'administration a estimé que, faute de justifications suffisantes, les dépenses exposées par cette association en 2001 et 2002 ne pouvaient être rattachées à l'exécution des 23 conventions conclues au titre de l'article L. 920-1 du même code avec l'Etat, des collectivités publiques et des organismes collecteurs des fonds de la formation professionnelle continue ; qu'en application des dispositions de l'article L. 920-10 du code du travail dans sa rédaction alors en vigueur, le préfet de la région Poitou-Charentes, préfet de la Vienne lui a notifié selon la procédure prévue par l'article R. 991-4 du même code, l'obligation de verser au Trésor public, solidairement avec ses dirigeants de fait ou de droit, une somme égale au montant de ces dépenses évaluées à 37 781,14 euros au titre de l'année 2001 et à 20 573,08 euros au titre de l'année 2002 ; que, le 7 novembre 2003, le préfet a rejeté le recours administratif préalable obligatoire formé par l'intéressée en application de l'article R. 991-8 du code du travail ; que cette décision s'est substituée à la décision du 7 juillet 2003 ; qu'il suit de là que la requérante ne peut utilement se prévaloir, à l'encontre de la décision du 7 novembre 2003 des vices dont serait entachée la procédure ;
Considérant que, contrairement à ce que prétend la requérante, le contrôle s'est déroulé sur place et sur pièces, comme le prévoit l'article L. 991-8 du code du travail ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 991-8 du code du travail : « les résultats du contrôle sont notifiés à l'intéressé dans un délai ne pouvant dépasser trois mois à compter de la fin de la période d'instruction avec l'indication des procédures dont il dispose pour faire valoir ses observations » ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les opérations de contrôle ont débuté le 28 mai 2002 et se sont déroulées jusqu'à la notification d'un avis de fin de contrôle, le 10 décembre 2002 ; que le rapport de contrôle a été notifié le 31 janvier 2003, soit moins de trois mois après la notification de la fin du contrôle ; que par suite, la procédure de contrôle n'est pas entachée d'irrégularité au regard des dispositions de l'article précité ;
En ce qui concerne la légalité interne :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 900-2 du code du travail : « Les types d'actions de formation qui entrent dans le champ d'application des dispositions relatives à la formation professionnelle continue, sont les suivants : 1º Les actions de préformation et de préparation à la vie professionnelle. » ; que la décision du 7 novembre 2003 n'avait pas à qualifier les actions de formation au regard de l'article L. 900-2 du code du travail, dès lors que l'administration a établi que les actions contestées étaient inexistantes ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 991-5 du même code : « Les organismes mentionnés (au) 2° (…) du premier alinéa de l'article L. 991-1 sont tenus de présenter aux agents mentionnés à l'article L. 991-3 les documents et pièces établissant l'origine des fonds reçus et la réalité des dépenses exposées ainsi que la conformité de leur utilisation aux dispositions législatives et réglementaires régissant leur activité. A défaut, ces dépenses sont regardées comme non justifiées. / Ces organismes sont tenus, de même, de présenter tous documents et pièces relatifs à l'exécution des conventions qu'ils ont conclues pour des activités de formation professionnelle mentionnées à l'article L. 991-1. » ; qu'aux termes de l'article L. 920-8 du même code : « Les dispensateurs de formation qui ont un statut de droit privé doivent établir, chaque année, un bilan, un compte de résultat et une annexe dans des conditions fixées par décret… » ; que cet article est complété par l'article R. 923-1 du même code qui prévoit que les dispensateurs de formation « établissent des comptes annuels selon les principes et méthodes comptables définis au code de commerce… » ; qu'aux termes de l'article L. 920-10 du même code alors en vigueur : « Lorsque des dépenses faites par le dispensateur de formation pour l'exécution d'une convention du titre II du présent livre ne sont pas admises parce qu'elles ne peuvent, par leur nature, être rattachées à l'exécution d'une convention de formation (…), le dispensateur est tenu, solidairement avec ses dirigeants de fait ou de droit, de verser au Trésor public une somme égale au montant de ces dépenses. » ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les 23 conventions conclues par l'association NEFA au titre de l'article L. 920-1 du code du travail prévoyaient entre 784 et 1407 heures de formation en centre et entre 111 et 259 heures de formation en entreprise pour chaque stagiaire ; que la requérante n'apporte aucun élément permettant d'établir la matérialité des prestations qu'elle prétend avoir effectuées à ce titre ; qu'en particulier, elle n'établit pas avoir conclu de conventions de « mise à disposition de locaux » avec les entreprises employant ses stagiaires et au sein desquelles elle prétend avoir dispensé ces prestations ; que les contrats de « compagnons-formateurs » conclus avec les dirigeants ou certains des salariés de ces mêmes entreprises ne précisent ni les titres ou qualités de ces prétendus « formateurs », ni l'étendue de leurs obligations ; que la seule facture concernant la préparation au permis bateau côtier d'une de ses stagiaires ne suffit pas, en l'absence de convention à laquelle elle se rapporte, à établir la réalité des prestations qu'elle allègue avoir effectuées en la matière ; que le caractère de « formation » d'un convoyage de bateau l'été, de la participation des stagiaires à diverses sorties en mer ainsi qu'à des voyages organisés à San Rémo (Italie), Carthagène (Espagne) ou Tahiti n'est pas non plus établi ;
Considérant que les principales dépenses exposées par l'association au titre de ses exercices clos en 2001 et 2002 concernent des frais de location immobilières afférents, d'une part, au loyer mensuel d'un local de 30 m², situé à La Rochelle, présenté comme le « centre de formation » de l'association et censé, à ce titre, accueillir tous les jours les stagiaires mais dont il est constant qu'il n'était ouvert qu'une demi-journée par semaine et, d'autre part, à l'« indemnité d'occupation » d'un appartement situé à Le Cannet (Alpes-Maritimes) qui constitue le domicile personnel de la seule salariée de l'association et dont le lien avec les actions de formation n'est pas établi ; que si l'association NEFA a versé des sommes forfaitaires supposées constituer des remboursements de frais de déplacement, les justificatifs ne comportent ni l'objet de ces derniers, ni la destination, ni le kilométrage effectué, ni même le nom des bénéficiaires ; qu'il n'est pas établi que les factures de télécommunication établies, à l'ordre de sa seule salariée ainsi que les salaires de cette dernière qui, résidant dans les Alpes-Maritimes, était censée gérer le placement des stagiaires en entreprises au siège de l'association en Charente-Maritime, aient un lien direct avec les dépenses de formation en litige ;
Considérant que la comptabilité de la NEFA a été tenue sous forme d'encaissements et de paiements en méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 920-8 et R. 923-1 du code du travail ; que la circonstance que ces irrégularités aient été commises involontairement est sans incidence sur leur matérialité ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les dépenses exposées par l'association NEFA d'un montant non contesté de 37 781,14 euros au titre de l'année 2001 et de 20 573,08 euros au titre de l'année 2002, ne peuvent être regardées comme se rattachant à l'exécution des actions de formation en centre ou en entreprises prévues par les 23 conventions susmentionnées ; que par suite, la NEFA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du préfet de la région Poitou-Charentes, préfet de la Vienne du 7 novembre 2003 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance soit condamné au versement de frais non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu de condamner la NEFA à verser à l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'ASSOCIATION NAUTISME ET FORMATION ATLANTIQUE (NEFA) est rejetée.
Article 2 : L'ASSOCIATION NAUTISME ET FORMATION ATLANTIQUE (NEFA) est condamnée à verser à l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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No 05BX00632